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HoméopathieSur la sellette dans les pays anglo-saxons

Menacé par une « class action » (action de groupe), le fabriquant Heel renonce à prouver l’efficacité de ses produits homéopathiques et se retire du marché nord-américain. Les autorités sanitaires australiennes publient un rapport très critique et la polémique rebondit en Grande-Bretagne.

En Amérique du Nord, le recours à l’homéopathie était confidentiel jusqu’aux années 1980, touchant moins de 1 % de la population. Il a fait une percée ensuite, avec près de 4 % d’adeptes parmi les Américains, selon une enquête d’opinion réalisée en 1997. Sa popularité a décliné quand les laboratoires spécialisés ont été mis en demeure de prouver l’efficacité de leurs produits. En 2011, le français Boiron s’est trouvé confronté à deux « class actions », des actions de groupe de consommateurs estimant avoir été floués par les publicités des spécialités Coldcalm et Oscillococcinum. Boiron présentait ce dernier produit aux États-Unis comme un remède contre les symptômes des états grippaux (« flu-like symptoms »). En mars 2012, le groupe a transigé avec les plaignants, débloquant 12 millions de dollars pour éteindre l’action.

Plus récemment, en août 2014, l’allemand Heel a décidé de se retirer des États-Unis et du Canada. Aux États-Unis, il était la cible de deux « class actions », là encore pour des allégations présumées trompeuses. Il a ainsi évité une procédure longue et potentiellement embarrassante, puisqu’elle l’aurait probablement amené à devoir démontrer le bien-fondé de ses assertions. Or, l’homéopathie demeure un mystère scientifique. Techniquement, les pilules sont de simples morceaux de sucre. Elles ne sont d’ailleurs pas soumises à la procédure extrêmement contraignante d’autorisation de mise sur le marché (AMM) appliquée aux médicaments. L’AMM des spécialités homéopathiques est extrêmement allégée. Les principes présumés actifs qui les caractérisent sont tellement dilués que les pilules n’en contiennent plus de trace décelable. Dans le cas d’Oscilloccinum, il s’agit d’extraits de foie et de cœur de canard de Barbarie. Les végétariens peuvent néanmoins en prendre sans appréhension : un comprimé pris au hasard ne contient plus de trace de molécule décelable, même par les instruments les plus sophistiqués.

La remise en cause de l’homéopathie touche d’autres pays anglo-saxons. La plus haute autorité médicale australienne, le National Health and Medical Research Council (NHMRC), a rendu un avis début mars 2015. Sur la base de 225 travaux passés au crible, il conclut à l’absence de « preuve valable de l’efficacité de l’homéopathie ». En Grande-Bretagne, un livre paru début 2015 a relancé la polémique. Intitulé « Un scientifique au pays des merveilles » (« A Scientist In Wonderland », non traduit), il est l’œuvre d’Edzard Ernst, chercheur à l’université d’Exeter. Âgé de 77 ans, il raconte dans son livre les déboires que lui a valus son désaccord à propos de l’homéopathie avec le prince Charles. L’héritier de la couronne est un ardent défenseur de plusieurs médecines alternatives, et en premier lieu de l’homéopathie.

 

700 millions de remboursement annuels en France

En France, l’Assurance maladie a progressivement restreint, ces dernières années, la prise en charge de l’homéopathie. Il est régulièrement question de l’arrêter totalement. L’homéopathie représente « seulement » 0,4 % des dépenses de santé, mais ces 700 millions d’euros par an équivalent déjà au salaire de quelque 12 000 infirmières, charges comprises !

La question est délicate, car l’homéopathie est populaire en France. Notre pays abrite le leader mondial du secteur, Boiron. Une entreprise extrêmement performante, qui a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 609,75 millions d’euros pour un résultat opérationnel de 144,18 millions d’euros, soit une rentabilité remarquable de 23,6 %. Ces chiffres sont extraits du compte rendu d’une réunion organisée le 19 mars 2015 pour la Société française des analystes financiers (SFAF). On y relève un autre ratio éloquent. En 2014, Boiron a consacré 129,84 millions à la promotion de ses produits, et 5,4 millions à la recherche, soit 0,88 % de son chiffre d’affaires. Chez Sanofi, la recherche et le développement pesaient 14 % des ventes en 2013. Seize fois plus. 

L’Oscillococcinum, une des principales spécialités homéopathiques du laboratoire Boiron.
Erwan Seznec

Erwan Seznec

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