Démarchage téléphoniqueNotre combat contre ce fléau
Au cours des vingt dernières années, le démarchage téléphonique intempestif s’est intensifié, suscitant l’exaspération des Français. Les secteurs qui recourent le plus à cette technique de prospection commerciale (rénovation énergétique, assurances, télécommunications, fourniture énergie), particulièrement intrusive, sont aussi ceux qui concentrent les litiges de consommation. L’UFC-Que Choisir a décidé depuis longtemps de faire de ce fléau l’un de ses combats. Grâce à la mobilisation des consommateurs, l’association a obtenu plusieurs avancées concrètes.
En 2000, la concurrence fait rage dans le secteur des télécoms : des démarcheurs indélicats sont prêts à tout pour recruter de nouveaux abonnés. Quelques années plus tard, c’est l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie qui donne l’occasion aux fournisseurs alternatifs de démarcher par téléphone, avant que la rénovation énergétique ne soit instrumentalisée pour démultiplier les appels de commerciaux peu scrupuleux, avec notamment les fameuses « isolations à 1 € ». Aujourd’hui, tout ou presque se vend par le biais du démarchage téléphonique. À tel point que les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se plaindre de la recrudescence de ces appels insistants.
L'échec de Bloctel
Obtenue dans la cadre de la loi consommation, dit loi Hamon, la liste d’opposition au démarchage téléphonique devait assainir la situation. Ainsi depuis le 1er juin 2016, les particuliers ne souhaitant plus être démarchés par téléphone peuvent s’inscrire sur la liste antidémarchage téléphonique, baptisée Bloctel. Début 2017, alors que le gouvernement se félicite des premiers résultats de Bloctel, l’UFC-Que Choisir publie, elle, les résultats alarmants d’une enquête sur l’échec du dispositif : les inscrits à Bloctel ne constatent aucune baisse significative des appels et les signalements d’appels intempestifs restent sans suite… L’association plaide alors pour un renversement du système avec une interdiction par défaut du démarchage téléphonique, sans consentement préalable exprès des consommateurs (système d’opt-in) et la mise en place d’un préfixe unique permettant d’identifier les appels commerciaux. L’association lance une première pétition qui réunit en quelques semaines plus de 100 000 signataires.
Faute de contrôles suffisants et de sanctions dissuasives, Bloctel tourne rapidement au fiasco. En avril 2018, le député Pierre Cordier dépose une proposition de loi reprenant en grande partie les demandes de l’UFC-Que Choisir. Celle-ci prévoit notamment d’obliger les entreprises à obtenir l’accord exprès des consommateurs avant d’utiliser leurs données personnelles à des fins commerciales (opt-in). Parallèlement, l’UFC-Que Choisir publie les résultats sans appel d’un sondage exclusif afin d’inciter les députés à voter massivement ce texte. Mais en juin 2018, alors que la proposition de loi sur le démarchage téléphonique est sur le point d’être discutée à l’Assemblée nationale, le gouvernement dépose et fait adopter une série d’amendements visant à la dénaturer avec une série d’arguments fallacieux. Vidée de son intérêt consumériste, la proposition de loi est adoptée (son auteur s’abstenant de voter) en première lecture par l’Assemblée nationale. Elle limite néanmoins l’admission du démarchage téléphonique vis-à-vis des inscrits à Bloctel aux seules « sollicitations ayant un rapport direct avec l'objet d'un contrat en cours » afin de couper court à la notion floue de « relations contractuelles préexistantes » permettant à des opérateurs de contacter d’anciens clients. Cette proposition de loi ne sera jamais examinée au Sénat. Face à la fronde de plusieurs députés et la pression des consommateurs, le gouvernement s’engage à créer un groupe de travail afin de trouver des solutions au problème.
Un marathon législatif de 2 ans
En juillet 2018, un groupe de travail au sein du Conseil national de la consommation (CNC) est mis en place sur le démarchage téléphonique, les travaux débutent en septembre 2018. L’UFC-Que Choisir est nommée rapporteur du groupe de travail au nom du collège des consommateurs. Sans attendre les conclusions du groupe de travail, une nouvelle proposition de loi du député Christophe Naegelen est présentée et discutée à l’Assemblée nationale. À la veille de la discussion, les associations de consommateurs (Afoc, CLCV, Cnafal, CSF, Familles de France, Familles rurales et l’UFC-Que Choisir) s’alarment de certaines propositions contenues dans le texte et exhortent les députés à mettre en place un dispositif d’opt-in qui s’inscrit parfaitement dans la logique du Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui invite les consommateurs à reprendre la main sur leurs données personnelles et en appelle à la responsabilisation des entreprises. L’Assemblée adopte le texte à une écrasante majorité. Malgré l’unanimité des consommateurs sur des propositions concrètes propres à assainir le secteur du démarchage téléphonique, le groupe de travail du CNC n’aboutit à aucun avis, les professionnels refusant toute avancée structurante.
À la rentrée 2019, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) entend adopter un avis sur le démarchage en matière d’assurance. L’UFC-Que Choisir et plusieurs autres associations appellent à son interdiction et demandent l’adoption immédiate de mesures mettant fin aux dérives les plus scandaleuses du démarchage téléphonique et la remise à plat de son modèle économique. L’UFC-Que Choisir a été entendue. En novembre 2019, après trois mois d’intenses négociations, le CCSF adopte un avis pour que cessent les pratiques toxiques du démarchage téléphonique en assurance qui engage les professionnels à mettre un terme au harcèlement téléphonique, à avancer vers un consentement moins équivoque des consommateurs sollicités et à faciliter la résiliation des contrats ainsi souscrits. L’UFC-Que Choisir s’en félicite.
Après que le Sénat est revenu sur plusieurs mesures de la proposition de loi Naegelen, l’Assemblée discute en deuxième lecture de ce texte. Maintenant la pression sur les parlementaires, l’UFC-Que Choisir s’associe avec l’Adéic, l’Afoc, l’ALLDC, la CSF, le Cnafal, la CLCV, Familles de France, Familles rurales et l’Unaf afin de lancer en janvier 2020 la pétition « Démarchage téléphonique : interdisons le fléau » qui appelle les parlementaires à interdire purement et simplement cette pratique.
Avec près de 450 000 signatures recueillies en 2 mois, la pétition est incontestablement un succès. Certes, les députés ne sont pas allés jusqu’à interdire le démarchage téléphonique sauf à obtenir l’accord préalable des consommateurs avant de les démarcher (opt-in) mais ils ont pris un certain nombre de mesures concrètes. Le Sénat a bien adopté, lui, la mise en place d’un préfixe unique, demande ancienne de l’UFC-Que Choisir, mais cette mesure n’a pas été conservée en commission mixte paritaire. À l’arrivée, la loi définitivement adoptée en juillet dernier comprend donc plusieurs avancées réclamées par l’association :
- Interdiction du démarchage dans le domaine de la rénovation énergétique.
- Renforcement des sanctions dont les montants ont été décuplés pour les rendre plus dissuasives : 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour les entreprises en cas d’abus.
- Renforcement de Bloctel : dorénavant les inscrits à Bloctel ne pourront être appelés que par les opérateurs avec lesquels ils ont un contrat en cours et uniquement pour des sollicitations en lien avec l’objet de ce contrat.
- Lutte contre les appels frauduleux via des obligations renforcées pour les opérateurs téléphoniques s’agissant des arnaques aux fins de rappeler un numéro surtaxé ou encore s’agissant de la véracité des numéros. À défaut d’authentification de l’appel, ils ne devront pas acheminer l’appel.
- Mise en place de tranches horaires : un décret déterminera les tranches horaires autorisées pour le démarchage téléphonique.
Si ce n’est pas le grand soir des consommateurs, ces avancées devraient réduire le nombre d’appels intempestifs, particulièrement pour les inscrits à Bloctel. Mais l’UFC-Que Choisir entend rester mobilisée et œuvrer à renforcer encore la lutte contre le démarchage.