Florence Humbert
CidreDoux, demi-sec, brut… Comment choisir un cidre
Cidre rosé, mélanges aromatisés à la pêche ou à la framboise, cidres bouchés ou capsulés, cidres gastronomiques aux étiquettes « décalées », petits contenants pour une consommation individuelle… depuis quelques années, cette boisson rustique est en pleine effervescence et se décline sous de nombreuses formules. Quelques clés pour trouver un cidre à son goût.
Longtemps cantonné aux crêperies et aux consommations occasionnelles (Épiphanie, Chandeleur), le cidre « de papa » est en train de prendre un sacré coup de jeune. Il peut aussi bien se boire à l’apéritif qu’accompagner de nombreux plats : volailles, viandes blanches, poissons, fromages, desserts, et même fruits de mer. Toute la difficulté est de bien le choisir. Car, sous le terme générique « cidre », coexistent sur le marché des produits industriels élaborés à très grande échelle, des cidres traditionnels, fermiers, artisanaux, etc., sans que le consommateur puisse vraiment savoir ce que ces mentions recouvrent réellement. En effet, le cidre est beaucoup moins encadré que le vin. La réglementation date des années 1950 (décret no 53-978 du 30/09/1953) et n’est plus en phase avec les nouveaux modes de production, ni avec les tendances de la consommation. Face à ce décalage, les pouvoirs publics ont entrepris de réviser le vieux décret. En attendant sa publication, voici quelques points de repère.
Pur jus ou moût concentré
Selon la loi française, la dénomination « cidre » est « réservée à la boisson provenant de la fermentation de moûts de pomme fraîche ou d’un mélange de moûts de pomme et de poire fraîches extraits avec ou sans addition d’eau ». Sous le mot « cidre », on trouve donc des produits élaborés exclusivement avec du jus de pommes, tout comme des produits issus pour moitié de moûts concentrés avec ajout d’eau (dans une proportion qui ne doit pas excéder 50 % du volume total de moût, selon le décret). Mais comme il n’est pas obligatoire de mentionner sur l’étiquette l’utilisation de moûts concentrés, seule la mention « 100 % pur jus » garantit un cidre issu directement d’un moût provenant exclusivement de jus de pommes fraîches, pressées dès la récolte, n’ayant subi ni déshydratation, ni rectification, ni ajout d’eau.
Effervescence naturelle ou gazéification
La typicité du cidre provient à la fois de l’assemblage des variétés de pommes à cidre (il en existe officiellement 4 catégories, des plus douces aux plus amères) et du mode d’élaboration. Traditionnellement, le jus de pommes fait l’objet d’une double fermentation, d’abord en cuve pendant plusieurs semaines, puis en bouteilles où elle provoque une prise de mousse « naturelle ». Mais ce processus est délicat, car les teneurs en alcool sont très faibles et la présence importante de sucres fermentescibles peut être à l’origine de nombreux déboires : fermentation bloquée entraînant l’absence de pétillant ou, au contraire, fermentation galopante, avec un cidre qui gicle au moment du débouchage, développement de bactéries parasites et d’arômes fermentaires désagréables, etc. Autant de risques incompatibles avec les exigences d’une fabrication industrielle où chaque étape, depuis la clarification du moût jusqu’à la mise en bouteille, doit être sous contrôle. Pour obtenir un produit stable, l’ajout de levures, d’enzymes, de gaz carbonique, de sulfites et la pasteurisation constituent des passages obligés pour l’industrie qui produit des millions de bouteilles. Ces traitements s’opèrent au détriment du potentiel aromatique et de la richesse organoleptique du produit. C’est sans doute la raison pour laquelle le législateur a autorisé l’utilisation d’arômes de caramel pour lui redonner quelques couleurs ! Pour les amateurs de cidres authentiques, les mentions (facultatives) comme « effervescence naturelle » (pas d’ajout de gaz) ou « non pasteurisé » (cidre « vivant ») apportent donc des informations très utiles, car elles garantissent un processus d’élaboration plus naturel.
Doux, demi-sec, brut
Ces mentions réglementaires renvoient à la teneur en sucres résiduels des cidres. Plus il y a de sucre, moins il y a d’alcool.
Cidre doux : la teneur en sucres est au moins égale à 35 g/l (42 g/l s’il est bouché) et le degré d’alcool faible (moins de 3 % vol).
Cidre brut : moins sucré (28 g/l au maximum), il titre autour de 5 % vol.
Cidre demi-sec : sa teneur en sucre est intermédiaire (entre 28 et 42 g/l), son degré d'alcool se situe entre 3 et 4,5 %.
On peut trouver sur les étiquettes d’autres mentions comme « extra sec » ou « extra brut ». Par exemple, l’AOP cidre du Cotentin « extra brut » garantit un taux de sucres résiduels inférieur ou égal à 18 g/l (et plus de 5,5° d’alcool).
Artisanal, traditionnel ou fermier
Aux yeux des consommateurs, les mentions telles qu’« artisanal », « fermier » ou « traditionnel » sont valorisantes. Elles offrent pourtant peu de garanties quant à la qualité intrinsèque du produit.
Traditionnel : le cidre est élaboré uniquement à partir de pommes à cidre (pas de fruits de table). Le produit fini présente un léger trouble naturel (dû à une filtration moins forte).
Fermier : le cidre est fabriqué sur l’exploitation avec exclusivement des fruits produits dans ses vergers. Selon les termes du futur décret révisé, il devrait être obligatoirement pur jus.
Artisanal : le producteur doit être inscrit à la chambre des métiers (moins de 25 salariés). Il peut acheter ses fruits à l’extérieur, mais doit élaborer son cidre sur son exploitation. À l’avenir, le cidre artisanal devrait également être pur jus.
Des signes d’origine et de qualité plus ou moins rigoureux
Pays basque, Picardie, Pays de Loire, Savoie, Limousin… On produit du cidre partout en France. Mais ce sont la Bretagne et la Normandie qui concentrent l’essentiel de la production. Logiquement, ces deux régions bénéficient d’ailleurs d’une indication géographique protégée (IGP) qui garantit que le cidre a bien été élaboré dans une aire géographique déterminée, avec des variétés cidricoles locales. Hormis ces exigences, leur cahier des charges autorise la plupart des procédés industriels d’élaboration (moûts concentrés, gazéification, pasteurisation…). En revanche, les cahiers des charges des trois appellations d’origine protégée (AOP) sont plus rigoureux. Toutefois, cette production reste très minoritaire, les cidres AOP Pays d’Auge, Cornouaille et Cotentin ne représentant que 1 à 2 % de la production française (environ 10 000 hl). Ils sont issus de pur jus de pommes à cidre, de variétés spécifiques (riches en composés phénoliques), d’une fermentation lente après clarification naturelle et d’une prise de mousse en bouteilles. Le cidre Royal Guillevic, issu exclusivement de pommes fraîches de la variété Guillevic, est le seul produit estampillé Label rouge.
Enfin, la certification AB connaît un essor important depuis quelques années. Il est dommage que la conversion d’un verger en bio n’implique pas forcément beaucoup de changement dans l’élaboration du cidre. Les seules contraintes supplémentaires inscrites dans le cahier des charges européen de l’Agriculture biologique concernent le taux de sulfitage limité à 50 mg/l (au lieu de 200 mg/l), l’absence d’OGM et l’obligation d’indiquer sur l’étiquette si le cidre est gazéifié.
Où acheter
Le cidre est un petit marché (800 000 hl/an). Hormis dans les deux principales régions de production, la Bretagne et la Normandie, dénicher un cidre à son goût s’apparente souvent à un parcours du combattant.
En grandes surfaces, le rayon cidre se résume aux blockbusters des grosses coopératives : Kérisac, Loïc Raison, Écusson, Val de Rance. Toutefois, les marques de distributeurs offrent parfois de bons rapports qualité-prix.
Chez les cavistes et dans les épiceries fines, la sélection est beaucoup plus pointue. On peut y trouver aussi bien des cidres « modernes » au goût marketé que des cidres de terroir, dans le droit fil des vins naturels.
Enfin, l’achat en direct permet de faire de belles découvertes. C’est l’occasion de rencontrer le producteur et de visiter la cidrerie, donc d’avoir une idée plus précise des procédés d’élaboration. Autre avantage : le prix est généralement beaucoup plus raisonnable qu’en magasin. De plus en plus de producteurs proposent également un magasin en ligne. C’est surtout avantageux pour les commandes importantes, car le poids des bouteilles fait grimper les frais de port.
Glossaire
Cidre. La dénomination « cidre » est « réservée à la boisson provenant de la fermentation de moûts de pomme fraîche ou d’un mélange de moûts de pomme et de poire fraîches extraits avec ou sans addition d’eau » (décret no 53-978 du 30/09/1953). La loi autorise la mise en œuvre de moûts concentrés de pomme ou de poire sous réserve que leur proportion n’excède pas 50 % du volume total.
Pur jus. Sans ajout d’eau ni concentré.
Effervescence naturelle. Provenant uniquement de la fermentation alcoolique.
Gazéifié. Effervescence obtenue par ajout de gaz carbonique.
Bouché. Appellation réservée aux cidres fermés au moyen d’un bouchon « champignon » et présentant une teneur en anhydride carbonique au moins égale à 3 g/l pour les cidres obtenus par fermentation naturelle en bouteille et à 4 g/l pour les cidres gazéifiés.
Doux, brut, demi-sec. Les cidres se déclinent en trois catégories selon leur teneur en sucres résiduels, donc en degré d’alcool. Plus il y a de sucre, moins il y a d’alcool :
- doux : plus de 35 g de sucre/l, moins de 3 % vol d’alcool ;
- brut : moins de 28 g/l, autour de 5 % vol ;
- demi-sec : entre 28 et 42 g/l, entre 3 et 4,5 % vol.
Cidre de glace. Cidre non effervescent, moelleux et plus riche en alcool, obtenu par concentration du moût de pomme par le froid.
Cider ou cyder. Le cidre anglo-saxon n’étant pas soumis à la réglementation française, il peut ne contenir que 30 % de cidre (c’est souvent un moût concentré), la fermentation résiduelle étant réalisée par d’autres moyens comme l’ajout de sirop de glucose, d’eau et d’arômes.
D’autres définitions sont annoncées dans le futur décret cidre révisé (cidre aromatisé, fermier, artisanal, rosé, etc.).