Morgan Bourven
Siphon à chantillyUn ustensile culinaire à manier avec précaution
Les siphons à crème chantilly ont été à l’origine de nombreux accidents ces dernières années, jusqu’au décès d’une blogueuse alsacienne il y a quelques mois. Fonctionnant sous pression, plusieurs d’entre eux ont explosé dans les mains de leur utilisateur. Nous avons décidé de tester leur sécurité.
N’était-ce qu’une question de temps avant qu’un décès ne survienne ? Depuis plusieurs années, les autorités mettent en garde les gastronomes concernant l’utilisation de siphons culinaires, ces appareils sous pression permettant de réaliser facilement de la crème chantilly. Dents cassées, perte d’un œil, coma, fracture au visage et au thorax… Face à la multiplication des accidents, plusieurs rappels de produits défectueux ou dangereux ont été diffusés. Le distributeur Boulanger a même, en 2016, annoncé la fin de la commercialisation de ce type de produit dans ses magasins, exemple suivi par Cora l’an dernier. Mais ces mesures n’ont pas entamé la popularité de ces appareils, très présents dans les émissions culinaires. Il aura finalement fallu le décès de Rebecca Burger, connue pour ses vidéos de fitness sur Internet, pour que la prise de conscience ait lieu. Cette blogueuse de 33 ans est décédée d’un arrêt cardiaque suite à l’explosion d’un siphon à chantilly de la marque Ard’Time, qui a violemment percuté sa poitrine. Cette marque ne nous était pas inconnue : en 2014, plusieurs modèles d’Ard’Time ont fait l’objet d’un rappel.
Ils passent les tests de sécurité…
Depuis ce drame, les distributeurs ont décidé d’inciter les consommateurs à utiliser des modèles à tête en aluminium, moins fragiles que ceux en plastique, et un grand ménage a été fait dans les rayons. Nous avons néanmoins trouvé quelques références chez Leclerc, Auchan, Carrefour et Zodio, ainsi que sur le site Amazon.fr : 6 ont un porte-capsule en plastique et 2 sont entièrement métalliques.
Soumis à nos tests de pression, les échantillons ont résisté : aucun n’a explosé, nos appareils ont seulement réussi à les déformer. Nos tests ont néanmoins mis en évidence la forte pression qui règne à l’intérieur : en fonctionnement normal, elle monte jusqu’à 20 bar pour deux références (5 bar pour les moins élevées). En cas d’utilisation anormale (le récipient étant rempli au maximum), elle dépasse les 40 bar pour la moitié des références. À titre de comparaison, la pression à l’intérieur d’une bouteille de champagne est de 4 à 6 bar. Nous avons d’ailleurs simulé une défaillance du porte-capsule (mauvais serrage ou rupture) sur un appareil : la capsule a été projetée à plus de 50 mètres.
… mais l’utilisateur doit rester prudent
Ces données montrent que les siphons ne sont pas des appareils anodins. Il convient d’en lire la notice d’emploi, de respecter les volumes préconisés (la moitié de la capacité) et de ne jamais utiliser deux cartouches pour une seule préparation. La crème (ou corps gras) peut aussi accentuer les risques de mauvaise utilisation (mauvais serrages, glissement de l’appareil entre les mains pendant l’installation de la cartouche, etc.). Enfin, si l’appareil a subi un choc, il peut être fragilisé par des microfissures et ne doit plus être utilisé. Puisqu’ils sont loin d’être indispensables en cuisine, peut-être est-il temps de ranger les siphons culinaires au grenier et de les remplacer par des fouets électriques ou des robots pâtissiers ?
Les résultats de notre test
Comment nous avons testé les siphons à chantilly
Nos tests ont été réalisés suivant la norme NF D21-901, qui spécifie les exigences de sécurité et les méthodes d’essais de ces appareils.
Mesure de la pression
La pression a été mesurée, une fois stabilisée, dans le siphon rempli à son volume nominal et percuté avec le nombre de capsules préconisé par le fabricant. L’essai a été réalisé à la température maximale définie par le fabricant ou, à défaut, à une température de 70 °C. Pour la mesure en fonctionnement anormal, les mesures ont été refaites dans les mêmes conditions, mais avec un siphon rempli à ras bord.
Pression de rupture
Le produit, totalement rempli d’eau, a été raccordé à un générateur de pression hydraulique, puis la pression a augmenté progressivement jusqu’à la ruine.
Aissam Haddad
Rédacteur technique