ENQUÊTE

Réseaux 3G/4GPromesses non tenues

Notre dernière vague de tests sur la qualité des services mobiles montre que, si aucun n’est irréprochable, les réseaux 3G et 4G n’affichent pas tous les mêmes performances. 

Elle devait révolutionner la manière dont on utilise son mobile. Grâce à la 4G, on devait pouvoir envoyer des photos en quelques secondes, télécharger des applications en un temps record, lancer des vidéos presque instantanément… Les opérateurs nous avaient promis de l’innovation, de la qualité, bref, une minirévolution. Mais, deux ans après le lancement officiel de la première offre 4G, les clients déchantent. Problèmes de connexion, absence de couverture, débit au ras des pâquerettes, les griefs sont nombreux. Les opérateurs ont beau se montrer rassurants, certifier que les problèmes que rencontrent les abonnés sont ponctuels, la grogne ne faiblit pas. Et le fait que la 4G soit désormais proposée au prix de la 3G ne suffit pas à calmer le mécontentement ambiant.

Nous avons fait plus de 10 000 mesures

Alors qui, des consommateurs ou des opérateurs, a raison ? La méfiance envers la 4G est-elle fondée ? Et que valent les réseaux 3G, qui restent majoritairement utilisés ? C’est pour répondre à ces questions que l’UFC-Que Choisir est repartie sur le terrain. Comme nous l’avions déjà fait en décembre 2012 puis en octobre 2013, nous nous sommes mis à la place d’un abonné lambda et nous avons vérifié de manière objective et fiable les performances de chaque opérateur. Alors que nos précédents tests portaient uniquement sur la 3G, nous avons, cette fois, élargi nos mesures à la 4G. Au total, plus de 10 000 mesures ont été réalisées en l’espace de trois semaines dans trois agglomérations de tailles différentes : Paris, Bordeaux, Aix-en-Provence et leurs alentours. Dans chacune de ces villes, nous avons sélectionné des emplacements que les quatre opérateurs affirmaient couvrir et, armé d’outils de mesures et de smartphones (un Samsung Galaxy S5 et un iPhone 5S pour chaque opérateur), notre technicien a procédé à une série de tests en configuration réelle. Affichage de pages Web, envoi et réception de fichiers, visionnage de vidéos en streaming, voix… tout a été passé au crible.

De ces milliers de mesures, nous avons tiré plusieurs enseignements et une certitude : au-delà du prix et de la réputation de l’opérateur, la performance du réseau constitue un critère tout aussi important à prendre en considération au moment de choisir son forfait.

Les 4 enseignements de notre étude

Comment nous avons procédé. Pour mener cette étude, nous avons fait appel à un prestataire technique reconnu, spécialiste de la mesure de qualité des réseaux de télécommunications. Un technicien a procédé à des relevés dans 29 lieux à Paris et aux alentours, 24 lieux à Bordeaux et 18 à Aix-en-Provence, soit 71 emplacements que les quatre opérateurs annonçaient comme couverts en 3G et/ou en 4G. À chaque fois, nous avons calculé, par le biais d’une application dédiée, le temps nécessaire pour afficher successivement dix pages Web parmi les plus visitées, pour télécharger un fichier de 5 Mo en 3G et de 50 Mo en 4G, pour envoyer un fichier de 1 Mo en 3G et de 20 Mo en 4G. Nous avons aussi mesuré le temps nécessaire pour lancer une vidéo haute définition en streaming via l’application Youtube et noté les éventuels défauts apparus (gel de l’image, artefacts, etc.). Enfin, nous avons mesuré le temps requis pour établir un appel et la capacité du réseau à maintenir la communication. Quand le délai dépassait les limites du raisonnable ou bien lorsque le test ne pouvait être réalisé (vidéo qui ne démarre pas ou téléchargement qui s’interrompt prématurément), le test était considéré comme un échec alimentant le taux de non-qualité. Selon la couverture disponible sur place, les tests ont été faits en 4G et/ou en 3G. Ils ont, pour chaque opérateur, été réalisés à partir de deux smartphones différents (un iPhone 5S et un Samsung Galaxy S5), chacun muni d’un forfait grand public. Tous ces tests ont été effectués deux fois.

1. De grosses différences entre opérateurs

Les opérateurs ont beau vanter les performances de leurs réseaux, tous ne se valent pas. Si l’on prend en compte l’ensemble de nos tests, Orange est clairement celui qui fournit la meilleure qualité de service. La plupart du temps, il offre les débits les plus élevés et les taux d’échec les plus faibles. En 3G, son réseau est un cran au-dessus de ceux de ses concurrents. En 4G, le réseau de Bouygues Telecom arrive quasiment à la hauteur de celui d’Orange. Il est même plus performant pour visionner des vidéos sur Youtube. Au final, les deux opérateurs dotés de la couverture la plus large en 4G sont aussi ceux qui proposent le meilleur service. SFR et Free ferment la marche. Le premier est principalement à la traîne sur son réseau 4G, dont les performances sont décevantes. Non seulement le débit médian constaté est le plus faible de tous les opérateurs, mais nous avons rencontré plus de problèmes qu’ailleurs pour télécharger des fichiers ou accéder à des pages Internet. La période de flou qui a entouré son rachat par Numericable n’a certainement pas arrangé la situation. Le réseau de Free, lui, est loin d’être ridicule. Sur de nombreux aspects, il arrive même à la hauteur de ceux d’Orange et Bouygues, ­notamment en 4G. Hélas, ces résultats sont contrebalancés par des performances très décevantes sur les mesures effectuées en 3G sur le réseau en itinérance (voir ci-dessous). Ce classement doit toutefois être pris avec précaution car, selon l’endroit où vous vous trouvez et selon les services que vous utilisez en priorité (streaming, téléchargement, Internet…), vous aurez peut-être intérêt à choisir un opérateur plutôt qu’un autre. Voilà pourquoi une information plus précise et plus fiable des consommateurs se révèle indispensable.

2. Free plombé par son itinérance en 3G

Ce n’est pas une nouveauté, mais notre étude montre que les abonnés Free Mobile continuent à bénéficier d’une qualité de service très différente selon qu’ils se trouvent dans une zone où l’opérateur a déployé son propre réseau ou qu’ils empruntent l’une des antennes Orange utilisées pour compléter sa couverture en 3G (Free fait passer la 4G uniquement par ses propres antennes). Parfois, la différence est minime. C’est le cas, par exemple, pour recevoir ou envoyer des documents. En revanche, pour surfer sur Internet, mieux vaut éviter de passer par une antenne Orange. Dans près de 50 % des tests réalisés en itinérance, la page que nous voulions consulter a mis plus de 20 secondes à s’afficher (ce taux est de 8 % lorsque l’on passe par les antennes Free). Et quand on y parvient, les pages s’affichent en moyenne deux fois plus lentement avec le réseau Orange qu’avec le réseau Free Mobile. Quant à regarder une vidéo sur Youtube, inutile de compter dessus si vous êtes proche d’une antenne Orange. Dans 85 % des cas, la vidéo ne s’est pas lancée correctement (avec les antennes Free, ce taux se limite à 14,6 %), et dans 14,9 % des essais nous n’avons même pas réussi à lancer l’application Youtube. Ces nouvelles mesures prouvent que les restrictions sur l’itinérance de Free sont toujours d’actualité. Ce problème avait déjà été soulevé lors de nos précédents tests. Mais plutôt que de tenter de régler la question, Free et Orange s’étaient renvoyé la responsabilité. Face à un tel mépris des abonnés, l’UFC-Que Choisir avait porté plainte, afin de faire toute la lumière sur cette situation. L’affaire est toujours en cours d’instruction. Ce phénomène a toutefois tendance à diminuer au gré du déploiement de nouvelles antennes par Free Mobile. D’après le dernier état des lieux de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), Free avait mis en service plus de 3 500 antennes au 1er octobre dernier, soit moitié plus qu’un an auparavant. Quant à son taux de couverture, on devrait en savoir plus au début de l’année prochaine, puisque l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a imposé au dernier entrant de couvrir au moins 75 % de la population au 12 janvier 2015. Nul doute que le gendarme des télécoms procédera à des contrôles sur le terrain pour vérifier que l’opérateur respecte ses engagements. Quant à l’accord d’itinérance conclu entre Free et Orange, il est prévu qu’il prenne fin au plus tard en 2018.

3. La 4G ne fait pas de miracle

Nos tests le montrent sans ambiguïté : la 4G accroît les débits. Globalement, sur l’ensemble de nos mesures, nous avons bénéficié d’un débit de 23 mégabits par seconde (Mbits/s) en 4G, contre 6,8 Mbits/s en 3G, soit un débit médian trois fois supérieur. Grâce à la 4G, vous mettez donc en moyenne trois fois moins de temps pour télécharger une application ou le dernier jeu à la mode. C’est peu ou prou ce que les opérateurs promettent lorsqu’ils comparent les performances de la 4G à celles de la H+, la version survitaminée de la 3G. Ces performances restent toutefois très éloignées de celles avancées par les opérateurs dans leurs publicités. Ils n’hésitent pas à promettre des débits pouvant aller « jusqu’à 42 Mbits/s » en 3G et, selon les opérateurs, jusqu’à 115 ou 150 Mbits/s en 4G. Des débits théoriques que les abonnés ne peuvent jamais atteindre dans la pratique. Ce que montre aussi notre étude, c’est que le taux d’échec a tendance à être plus faible en 4G qu’en 3G. Mais, là encore, les résultats varient considérablement selon le réseau et le service demandé. Prenons le visionnage de vidéos HD en streaming via l’application Youtube, par exemple. Chez Bouygues Telecom, seul 1 % des essais réalisés en 4G ont échoué, alors qu’en 3G ce taux grimpe à 16 %. Avec Orange, le taux d’échec est quasiment le même que l’on soit en 4G ou en 3G (autour de 8 %), et avec SFR il a même tendance à augmenter. Dans 9,4 % de nos mesures en 4G, nous avons rencontré un problème. Ce taux était de 7,1 % en 3G. Autre différence, le fait d’être connecté en 4G a aussi un impact sur la voix. Nos tests montrent qu’établir un appel quand on est connecté en 4G demande un peu plus de temps (une seconde de plus en moyenne), mais que la communication a plus de chances d’aboutir.

4. Les provinciaux moins bien lotis

Les opérateurs ont beau vous assurer que votre ville est couverte en 4G, dans la réalité, selon que vous vous trouvez à Paris ou à Aix-en-Provence, vous ne bénéficierez pas du même service. Nos mesures dans trois agglomérations de tailles différentes (Paris, Bordeaux et Aix-en-­Provence) montrent en effet que plus la ville est petite, plus les débits sont faibles. C’est particulièrement le cas en 4G. Alors que les Parisiens bénéficient d’un débit médian de 35,1 Mbits/s, les habitants de Bordeaux doivent se contenter de 23,8 Mbits/s. À Aix-en-Provence, c’est encore pire puisque le débit médian dépasse à peine les 12 Mbits/s. Ces différences de débits que nous avons constatées montrent bien que les opérateurs font plus d’efforts pour renforcer leur réseau dans les grandes villes que dans les zones moins denses, où la rentabilité est moindre. Une pratique d’autant plus choquante que le client paie son forfait au même prix qu’il habite en région parisienne ou en province.

Temps de téléchargement : l’Arcep trop indulgente

C’est l’été dernier que l’Arcep a publié sa dernière étude sur la qualité de service des réseaux 3G, à laquelle s’ajoutaient, pour la première fois, des mesures sur la 4G. Si, globalement, les résultats du gendarme des télécoms rejoignent les nôtres, il y a tout de même un point sur lequel nous ne sommes pas d’accord : celui des temps de téléchargement et d’envoi de fichiers. En fait, ce ne sont pas tant les résultats bruts qui divergent que leur interprétation. En effet, selon le protocole de l’Arcep, le téléchargement d’un fichier a échoué s’il n’est pas finalisé dans les 5 minutes. Ainsi, un téléchargement réalisé en 4 minutes 30 est considéré comme réussi. À l’UFC-Que Choisir, on trouve ce plafond bien trop élevé dans la mesure où, dans leurs publicités, les opérateurs n’hésitent pas à promettre que le téléchargement en 4G d’un album de musique de 50 Mo ne prendra que 8 secondes et celui d’une seule chanson 1 seconde. Au lieu de 5 minutes, nous avons donc calculé les taux d’échec à 30 secondes et à 1 minute. Résultat : des taux de réussite un peu moins bons, mais plus représentatifs de la réalité et plus discriminants entre opérateurs. L’Arcep ferait bien de s’en inspirer, plutôt que de s’appuyer sur un protocole établi en concertation avec les opérateurs et mal adapté à la 4G.

En pratique : pourquoi je ne capte pas

Des problèmes de couverture

Si aucune barre de réseau (3G, 4G…) n’apparaît sur votre téléphone, vous êtes trop éloigné de l’antenne de votre opérateur. Se déplacer peut y remédier. Mais attention, cette distance avec l’antenne varie selon la puissance du signal et la configuration des lieux. Des arbres ou des bâtiments, par exemple, peuvent freiner les ondes et réduire la « cellule », c’est-à-dire la zone dans laquelle émet une antenne.

Des problèmes de débit

Il arrive que le téléphone capte le réseau (les barres s’affichent), mais que l’on ne puisse pas se connecter à Internet. À cela, plusieurs raisons possibles. D’abord, la technologie elle-même. Les ressources radio étant partagées entre les utilisateurs, si l’antenne émet à 10 Mbits/s mais que dix personnes y sont connectées, chacune bénéficiera d’un débit de 1 Mbit/s. L’opérateur peut aussi avoir sous-dimensionné la partie de son réseau desservant l’antenne (c’est le cas notamment avec certaines antennes 4G, gourmandes en bande passante) ou bien avoir mal configuré son réseau localement, ce qui l’empêche de fonctionner au mieux. L’opérateur peut aussi appliquer certaines restrictions de débit. C’est le cas par exemple dans le conflit qui oppose Free et Orange sur l’itinérance. Enfin, le problème peut également venir, parfois, du terminal lui-même.

→ Téléchargez l’application Info Réseau pour contribuer à notre observatoire de la qualité du réseau téléphonique.

Antoine Autier

Antoine Autier

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