ENQUÊTE

Pompes funèbresCoût des obsèques : Le devis type reste lettre morte

Le bilan de notre enquête est sans appel : lorsqu’il s’agit d’établir un devis, les sociétés de pompes funèbres ­bafouent les exigences de la réglementation.

Les enquêteurs des associations locales de l’UFC-Que Choisir qui se sont rendus dans 997 magasins funéraires ont été plutôt bien reçus, qu’il s’agisse d’entreprises faisant partie d’un groupe (OGF qui coiffe les enseignes PFG, ­Roblot, ­Dignité funéraire…) d’un réseau (Roc’Eclerc) ou de sociétés ­indépendantes. Ils demandaient un devis personnalisé pour ­l’organisation d’obsèques. Le but : vérifier si les documents remis étaient conformes au devis type prévu par l’arrêté du 23/08/10 (JO du 31/08/10), en vigueur ­depuis début 2011. La moisson a été désastreuse ! Ainsi, 18 % ­des professionnels ont refusé de remettre un devis personnalisé, OGF et les régies municipales affichant un taux de refus de respectivement 27 % et 22 %. Et lorsque le magasin a accepté d’établir un devis (821, au total), dans 97 % des cas il n’était pas conforme au modèle officiel dans la forme et/ou le fond. Bref, les opérateurs funéraires se fichent de la réglementation, à laquelle ils ont eu plusieurs mois pour s’adapter. Toutefois, 39 % des devis établis « s’inspirent » du devis type…

Notre protocole

137 associations locales de l’UFC-Que Choisir se sont rendues, du 11 au 24 juin 2011, dans 997 magasins funéraires répartis sur 83 départements. Les ­enquêteurs devaient s’informer sur l’organisation d’obsèques simples (inhumation) d’un proche en fin de vie (« Je viens pour un proche et il ne va pas très bien. Ses enfants m’ont demandé de les aider dans l’organisation des obsèques. Pouvez-vous me guider ? »). Les comptes rendus des visites nous ont permis de juger le déroulement de ­l’entretien (accueil, conseils…) et, surtout, de vérifier si la société de pompes funèbres remettait un devis personnalisé conforme au devis type imposé par l’arrêté du 23 août 2010, entré en ­vigueur le 1er janvier 2011.

Des libertés avec la loi

Alertés entre autres par un ­article de Que Choisir, qui ­dénonçait le manque de ­transparence dans les tarifs des ­obsèques, les pouvoirs publics ont voulu que le consommateur ait davantage d’informations sur le coût des prestations et qu’il puisse comparer les devis. Une démarche qu’il est recommandé d’effectuer. L’arrêté de 2010 ­impose aux entreprises du ­funéraire de présenter leur devis en respectant certaines formes. En haut de la page, elles doivent avertir dans un encadré que seules quelques prestations sont obligatoires : « cercueil de 22 mm d’épaisseur avec une garniture étanche (18 mm en cas de ­crémation) » et plaque d’identification, cercueil doté d’au moins quatre poignées, fourniture d’un véhicule agréé pour le transport du corps avant ou après la mise en bière… Pour plus de clarté, le détail des « prestations courantes » (obligatoires), des « prestations complémentaires optionnelles » (toilette mortuaire, soins et conservation, fleurs…) et les « frais avancés pour le compte de la famille » (vacation de police et taxes, avis dans la presse…) sont décrits dans un tableau de trois colonnes et de huit lignes. Seuls 11 % des devis remis intègrent l’introduction portant sur les prestations obligatoires. Et ­certains feignent de s’étonner. « Nos devis étaient déjà très proches de celui imposé par le texte de 2010, proteste Jean Ruellan, ­directeur relations publiques d’OGF. Quand ce dernier est entré en ­vigueur, tous nos magasins ont basculé sur le même logiciel. » Le fait est que c’est chez OGF que le taux de devis se rapprochant du ­modèle réglementaire a été le plus élevé (76 %). « Ce devis type garantit une meilleure ­information au consommateur, affirme Sandrine Thiéfine, ­présidente de Roc’Eclerc. Mais c’est vrai, tous nos franchisés ne le respectent pas encore. » Florence Fresse, ­déléguée générale de la FFPF (Fédération française des pompes funèbres), reste lucide : « Les petites entreprises que nous représentons ont leurs habitudes. Elles sont bien ancrées localement. Leur ­imposer un carcan n’est pas ­évident. » Bien vu : moins d’un quart des indépendants purs délivre des devis proches du modèle réglementaire !

De gros écarts

L’analyse des devis récoltés met en lumière une grande élasticité des prix pratiqués pour une ­inhumation. Il faut débourser (hors concession, taxes…) au ­minimum 1 300 € et au maximum 6 101 € pour une moyenne de 3 098 € (1). Comment expliquer ce grand écart ? Avant tout par le nombre de services proposés. Côté prestations de base, le prix du cercueil et des accessoires, souvent facturés dans nos devis, va de 950 à 1 300 €. Viennent s’ajouter le maître de cérémonie (de 100 à 165 €), les démarches administratives (110 à 263 €), la toilette et l’habillage (90 à 150 €) ou encore la chambre funéraire (250 à 400 € les trois jours). Pour une inhumation, OGF est en moyenne le plus cher (3 552 €) et Roc’Eclerc le plus économique (2 914 €), comme l’indique notre tableau. Mais au sein d’un ­réseau, de gros écarts peuvent exister. Toutes ces informations doivent guider le particulier lors du choix des obsèques, ­moment douloureux où l’on perd forcément en lucidité. Et dont certains opérateurs ­funéraires savent tirer profit.

Les tarifs des enseignes (1)

Entreprises

Devis mini

Devis maxi

Coût moyen d’une inhumation

OGF (PFG, Roblot, Dignité funéraire…)

1 428 €

6 101 €

3 552 €

Indépendants

1 300 €

4 998 €

2 986 €

Régies municipales

1 985 €

4 275 €

2 974 €

Roc’Eclerc

1 519 €

5 663 €

2 914 €

(1) Sur la base de 821 devis.

Crémation

Les prix flambent

30 % des obsèques donnent lieu aujourd’hui à une crémation. Pratiquée dans près de 150 crématoriums, dont la construction et/ou l’exploitation est déléguée par les communes à des sociétés privées, elle n’est plus aussi économique qu’autrefois. Les quelques devis crémation collectés lors de cette enquête montrent que ce type de funérailles peut être plus coûteux qu’une inhumation. En cause, les services complémentaires proposés en plus de la crémation proprement dite (de 500 à 700 €, le plus souvent). « La crémation est maintenant un choix éclairé et ­réfléchi du défunt, pas ­uniquement financier, se défend Florence Fresse de la FFPF (Fédération française des pompes ­funèbres). Normal, dès lors, que la prestation soit plus fournie. Par exemple, ­l’organisation d’une belle cérémonie au crématorium. » Mais il y a d’autres raisons. Les cercueils vendus pour la crémation sont en ­général aux mêmes prix que les autres alors qu’ils sont moins épais. En outre, les professionnels du ­funéraire auraient su ­habilement manœuvrer pour que la réglementation se renforce. Depuis une loi de 2008, les cendres sont obligatoirement ­recueillies dans une urne funéraire munie d’une plaque d’identification du défunt. Elles ne peuvent plus être conservées chez soi ni être répandues dans un jardin privatif (1). L’urne doit donc être ­placée dans un caveau, une tombe ou un columbarium. Ou les cendres ­répandues dans le jardin du souvenir aménagé dans le cimetière.

(1) Sous conditions, il est encore possible de disperser les cendres dans la nature ou en pleine mer.

97 % des devis personnalisés récoltés ne sont pas conformes au devis type réglementaire

39 % des devis personnalisés fournis se rapprochent du devis type

18 % des 997 magasins funéraires visités ont refusé d’établir un devis personnalisé

3 098 € : coût moyen des obsèques

De 1 300 à 6 101 € : fourchette entre le devis le moins cher et le plus élevé

(1) La majorité des devis s’établissent ­cependant entre 2 550 et 3 500 €.

Arnaud de Blauwe

Arnaud de Blauwe

Nadia Ejdaa

Nadia Ejdaa

Les associations locales de l’UFC-Que Choisir

Les associations locales de l’UFC-Que Choisir

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