ENQUÊTE

MediatorLa marche à suivre

Commercialisé pendant 33 ans, le Mediator a été pris par des centaines de milliers de personnes. La plupart s’en sortent sans dommages mais doutent désormais de notre système de santé. Quelques repères pour s’y retrouver.

« J’ai pris du Mediator de fin 2007 jusqu’au printemps 2009. J’ai bien reçu un courrier de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) mais mon médecin traitant m’a juste fait un examen rapide au stéthoscope, avant de me dire que je n’avais rien. J’ai passé ensuite un examen chez un pneumologue, tout va bien de ce côté, mais cela m’inquiète de ne pas avoir eu d’examen cardiaque. » Le témoignage de Célia en dit long sur l’inquiétude des personnes ayant ingéré, ces dernières années et parfois sur de longues périodes, du Mediator (benfluorex). Elles ont pris conscience, avec stupeur, de la tromperie à grande échelle orchestrée par son fabricant, le laboratoire Servier, et de la complicité des autorités sanitaires. Le choc a été tel que la méfiance est désormais de mise.

Les patients doutent. Non seulement des consignes officielles, mais aussi des compétences de leur médecin, celui-là même qui, parfois, a prescrit le Mediator. Est-il formé pour dépister les complications du benfluorex ? Comment être sûr qu’il ne va pas traiter mon cas à la légère ? Pourquoi le cardiologue s’empresse-t-il de m’affirmer que ma valvulopathie n’est pas due au Mediator ? Toutes ces interrogations transpirent des courriers reçus à l’UFC-Que Choisir. L’absence de communication claire en direction des patients n’a rien arrangé. Le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) a récemment regretté que des documents d’information n’aient toujours pas été diffusés dans les salles d’attente des médecins.

Quand, en novembre 2009, le Mediator a été retiré de la vente, 300 000 personnes étaient sous traitement. Pour certaines d’entre elles, le rapprochement entre des symptômes inexpliqués et le Mediator n’était peut-être pas encore établi. D’où la nécessité d’un examen médical scrupuleux. Un courrier conjoint de l’assurance maladie et de l’Afssaps leur a été adressé en priorité pour leur indiquer la marche à suivre. La Sécurité sociale ayant pu remonter jusqu’à 2006 dans ses fichiers, des recommandations ont aussi été envoyées à 350 000 autres assurés sociaux, même s’il est probable que les complications aient déjà été détectées. Par précaution, le gouvernement a conseillé à toute personne ayant pris du Mediator d’en parler à un médecin.

Sauter la case médecin traitant ?

Se pose alors une question délicate : quel médecin consulter ? Les autorités sanitaires renvoient vers le médecin traitant. Mais il se peut que vous ne soyez pas à l’aise avec lui, surtout s’il vous a prescrit le Mediator. Ou vous pouvez juger son attitude désinvolte, voire hostile. N’hésitez pas à en solliciter un autre, généraliste ou cardio­logue. C’est ce qu’a fait Dominique. Dans son courrier, elle souligne avoir été troublée par les tâtonnements d’un premier cardiologue, peu au fait des conséquences du Mediator. Elle a pris rendez-vous chez un autre spécialiste à Toulouse, « pour savoir où j’en suis et ce qui m’attend ». Noëlle a eu le même réflexe : face à l’indifférence de son médecin de famille, elle s’est adressée directement à un cardiologue.

Sauter la case « médecin traitant » revient à déroger au parcours de soins et donc à être moins remboursé par la Sécu. L’assurance maladie fait toutefois preuve d’une certaine souplesse concernant le Mediator. À condition que vous ayez signalé votre démarche à votre caisse.

Quoi qu’il arrive, que vous voyiez votre médecin traitant ou un autre professionnel, les consultations et examens liées au Mediator doivent être remboursés à 100 % (hors dépassements d’honoraires). Seule la participation forfaitaire de 1 euro sera retenue. Celle de 18 euros sur les actes dont le tarif est supérieur à 120 euros n’est pas appliquée.

Les examens à effectuer

Le message est passé auprès de la population : l’échocardiographie est l’examen de référence pour savoir avec certitude si l’on souffre ou non d’une valvulopathie. Elle n’est pas un passage obligé. Avant d’en arriver là, le médecin demandera quand et pendant combien de temps le Mediator a été pris. Il écoutera les battements du cœur au stéthoscope. Et posera des questions sur d’éventuels symptômes comme un essoufflement au repos ou une fatigue inhabituelle. Si tout va bien, l’exploration s’arrêtera là. En cas de doute, de « souffle » à l’auscultation ou d’anxiété forte du patient, une échocardiographie sera réalisée. À partir de cet examen du cœur, le cardiologue peut se prononcer sur un lien entre les atteintes et la prise du médicament : « La littérature scientifique permet maintenant de connaître les caractéristiques des valvulopathies causées par le Mediator », souligne le docteur Irène Frachon, la pneumologue par qui le scandale est arrivé. Peut-on s’estimer quitte pour autant ? « Ce qui m’inquiète, c’est de savoir jusqu’à quand j’aurai une épée de Damoclès sur la tête », écrit Patrice. « Pendant combien de temps le traitement cessé comporte-t-il des risques ? », demande Marie-Florence. En réalité, sauf cas exceptionnel, l’état de santé se stabilise avec l’arrêt de la prise de la molécule. Les personnes dont les examens sont bons peuvent se considérer comme indemnes de séquelles et envisager l’avenir sereinement. Les complications minimes ou modérées ont de bonnes chances d’en rester là, voire de régresser. Seules les atteintes sévères sont préoccupantes, car elles sont éprouvantes pour l’organisme.

Quel recours pour les patients atteints ?

La surveillance médicale des victimes est la priorité. Reste que, sur le plan judiciaire, les personnes atteintes de séquelles peuvent revendiquer une indemnisation. Si votre cardiologue n’a pas pu ou voulu incriminer le Mediator dans la survenue de votre valvulopathie, cela ne constitue pas un obstacle. Car toute procédure passera par une expertise qui reprendra l’ensemble du dossier, indépendamment de l’opinion de votre médecin.

Avant d’entamer les démarches, le plus important est de réunir des preuves : les résultats des examens médicaux montrant une atteinte cardiaque, mais aussi toutes les ordonnances de Mediator. Si vous ne les avez plus, demandez une attestation au médecin qui vous l’a prescrit. Il est possible qu’il rechigne. « Les médecins culpabilisent aujourd’hui d’avoir prescrit ce médicament, explique le Dr Irène Frachon. Mais les enquêtes ont établi qu’ils avaient été pour la plupart trompés par Servier, ils ne doivent donc pas hésiter à donner les dates d’exposition de leurs patients, en toute transparence, afin de permettre à ces derniers d’entamer leurs démarches de reconnaissance. » La loi oblige le médecin à vous communiquer les informations de votre dossier médical. S’il n’exerce plus, tournez-vous vers la pharmacie qui vous a délivré le Mediator. Avec un peu de chance, le système informatique de l’officine aura gardé trace de la prescription.

Sur le plan des procédures, la plainte au pénal est coûteuse et prendra du temps. Le plus simple est d’attendre la mise en place du fonds d’indemnisation spécifique, qui devrait prendre en compte toutes les situations. Un recours devant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) est également envisageable mais les conditions d’éligibilité sont très restrictives.

Indemnisation

Un fonds public

Les victimes du Mediator seront ­indemnisées via un fonds public ­spécifique. Sa création nécessitant le vote d’une loi, le dispositif ne sera pas opérationnel avant la rentrée. Concrètement, les victimes s’adresseront à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), qui ­évaluera leur préjudice et l’indemnisation selon un barème prédéfini. Sur cette base, il leur faudra demander réparation à Servier. En cas de refus, l’Oniam dédom­magera les victimes, avant de se ­retourner contre Servier pour ­récupérer les sommes engagées.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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