Élisabeth Chesnais
Eau potableToujours des poches de pollution
Si l’immense majorité des consommateurs peut boire une eau du robinet conforme aux normes de potabilité, il vaut toujours mieux vivre en ville que dans un village ou une zone de cultures intensives.
Une prouesse ! Alors que la Bretagne est régulièrement pointée du doigt pour des plages envahies par les algues vertes et des zones de baignade en eau douce interdites d’accès, la région peut être fière de la qualité de son eau potable au robinet. Avec 99,99 % de conformité pour ses teneurs en nitrates et 99 % pour celles en pesticides, elle affiche des résultats supérieurs à la moyenne nationale. Les Bretons qui continuent à acheter des bouteilles d’eau en souvenir des interdictions de boire celle du robinet dans les années 90, tant elle était chargée en nitrates ou en pesticides, peuvent être rassurés, ce mauvais feuilleton est terminé. On peut certes regretter que ce soit le résultat d’une politique déterminée et coûteuse de fermetures de captages, d’interconnexions, de dilutions et de traitements plutôt que d’une pollution minime de la ressource en eau, mais sa réussite est indiscutable.
Sur le plan national, la nouvelle étude de l’UFC-Que Choisir est globalement rassurante. L’immense majorité des Français reçoit en permanence une eau conforme aux normes de potabilité sur l’ensemble des critères à respecter. 97 % de la population boit une eau du robinet conforme du point de vue des pesticides, plus de 97 % une eau sans aucune contamination bactériologique, c’est la bonne nouvelle que fournit la compilation des analyses réalisées dans les 36 600 communes de 2014 à 2016.
Il reste cependant de nombreux ménages alimentés par une eau non conforme sur au moins un critère de qualité, essentiellement pour cause de pesticides ou de contamination bactériologique, mais pas seulement. Force est de constater que les citadins sont plus chanceux que les ruraux et les montagnards habitant de très petites communes. Ainsi, côté contamination microbiologique, critère prioritaire pour la santé, les non-conformités sont concentrées sur de très petits réseaux desservant moins de 500 habitants, parfois quelques dizaines. La Lozère compte 13 des 15 villages où l’on risque le plus d’avoir des ennuis de santé en buvant l’eau du robinet (dérangements intestinaux, gastro-entérite…) mais elle n’est pas la seule. Des villages de la Drôme, du Cantal, de Haute-Loire, de Savoie et de Haute-Savoie, des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence sont concernés.
Agriculture intensive = pesticides
Il n’y a pas de risque bactériologique dans les zones vouées à l’agriculture intensive, en revanche y boire une eau non potable pour cause de pesticides n’a rien d’une exception, notre carte est très parlante. Les problèmes se concentrent dans les zones de grandes cultures, de viticulture, de maraîchage intensif ou de culture effrénée du maïs. Au total, près de 2 millions d’habitants ont été régulièrement desservis par une eau trop chargée en pesticides. Au vu des analyses, le problème des nitrates agricoles semble, en revanche, presque résolu. Plus de 99 % de la population est alimentée par une eau sans aucun excès de nitrates. Seules 200 000 personnes reçoivent encore une eau non potable pour cette raison, c’est le cas à Saran, dans le Loiret, à Berck, dans le Pas-de-Calais, mais aussi dans des communes de Seine-et-Marne où nitrates et pesticides se cumulent au robinet, tout comme en Beauce. Et 10 % de la population est alimentée par une eau à teneurs proches de la limite réglementaire (de 40 à 50 mg par litre), preuve que la conformité est atteinte par les traitements et les dilutions, pas par une réduction des pollutions agricoles.
Encore des défauts de traitement
D’autres non-conformités d’origines très diverses sont mises en évidence, mais elles touchent à chaque fois moins de 100 000 personnes sur l’ensemble du territoire. C’est, par exemple, le cas du fluor, ou du sélénium, un oligoélément parfois présent dans les couches profondes des nappes phréatiques. Le retrouver dans l’eau potable démontre une surexploitation de la ressource, d’ailleurs les dépassements du seuil autorisé se situent tous dans les grandes zones céréalières. C’est encore le cas des bromates, des sous-produits du traitement de l’eau. Quant aux dépassements en aluminium, eux aussi dus à des dysfonctionnements dans le traitement de potabilisation, ils touchent moins de 30 000 personnes. Seuls les chlorites, qui témoignent d’une surchloration mal contrôlée, voient leur référence de qualité plus souvent dépassée, 1,5 million de Français sont concernés. La maîtrise de la chloration reste donc un enjeu important pour certaines petites communes, mais aussi dans des villes comme Meaux et Bourges.
Enfin, des mesures sont faites de façon aléatoire au robinet d’usagers pour rechercher des métaux. Certaines analyses révèlent la présence de plomb, de nickel ou de cuivre. Mais impossible d’évaluer l’ampleur du problème, car ce n’est pas la station de potabilisation qui est en cause, ni le réseau de distribution puisque les branchements publics en plomb ont été remplacés. Le plomb au robinet vient des canalisations intérieures, le risque concerne des immeubles urbains anciens, construits avant les années 50. Combien ? Quelques centaines de milliers de personnes ou plus d’un million ? C’est l’inconnu. Pour un polluant aussi toxique que le plomb, détecté au robinet d’usagers notamment à Albi, Nice, Toulon, Dijon, Avignon, Créteil, La Rochelle, Saint-Brieuc, dresser la liste des immeubles concernés serait fort utile à l’information de la population. En attendant, en cas de doute, Que Choisir recommande de laisser couler l’eau une ou deux minutes le matin ou après une absence, afin d’évacuer ce qui a stagné dans les canalisations, avant de l’utiliser. Au final, éviter le plomb au robinet dans son logement ancien reste quand même plus facile qu’échapper aux pesticides en zone d’agriculture intensive !
L'étude de l'UFC-Que Choisir
36 600 communes examinées
L’étude a porté sur les analyses effectuées de février 2014 à août 2016 dans les 36 600 communes du territoire. Cette durée de 2 ans et 6 mois est nécessaire pour disposer de données portant sur tous les paramètres dans les petites communes. Plus de 3,5 millions de bulletins d’analyses ont été exploités, tous paramètres confondus. Notre étude concerne en effet tous les paramètres mesurables de la surveillance réglementaire. Ceux qui présentent des risques immédiats ou de plus ou moins long terme pour la santé font l’objet de limites réglementaires à ne pas dépasser. Il s’agit de 30 paramètres dont les bactéries, les pesticides, les nitrates, les bromates, le plomb, le sélénium, les solvants chlorés, les hydrocarbures aromatiques… Une vingtaine d’autres témoignent des caractéristiques de l’eau distribuée et du bon fonctionnement ou non des installations de potabilisation. Ils font l’objet de références de qualité qu’il convient de respecter ou de viser en cas de dépassement.
Vérifiez la qualité de votre eau
Pour connaître la qualité de votre eau potable, consultez notre carte interactive. Que vous habitiez une grande ville ou un village, elle vous renseigne très précisément sur la qualité de l’eau distribuée dans votre commune et en particulier par le réseau qui dessert votre logement quand il y en a plusieurs. Son nom figure sur votre facture d’eau et il est important de renseigner cette information. Un quartier ou un hameau peut en effet être desservi par une eau de qualité irréprochable et un autre par une eau chargée en résidus de pesticides ou peu ragoûtante sur le plan bactériologique.
Olivier Andrault