ENQUÊTE

AllégationUn matériau biosourcé n’est pas forcément vertueux

Un produit biosourcé est fabriqué à partir de matières végétales ou animales. S’il peut être avantageux en substitution à des produits issus de la pétrochimie, cela ne lui garantit pas nécessairement un moindre impact écologique. Il peut être transformé par de lourds process industriels ou s’intégrer dans des produits peu recommandables pour l’environnement.

Un matériau biosourcé est fabriqué tout ou partie à partir de biomasse, c’est-à-dire de matière organique renouvelable. Cette dernière peut être d’origine végétale (bois, chanvre, paille, ouate de cellulose, caoutchouc, textiles recyclés, etc.), animale (laine, cuir, coquilles d’œuf ou d’huître, lait, écailles de poisson, etc.), voire issue de champignons ou de bactéries.

Du plastique végétal

On trouve des objets biosourcés dans notre quotidien depuis longtemps. Les produits pas ou peu transformés, comme le bois pour les charpentes ou les bateaux, le chanvre pour l’isolation et les cordages, la laine ou le lin pour les textiles, l’huile végétale pour les savons, etc., sont utilisés depuis des millénaires.

Grâce à la chimie, d’autres objets sont apparus, à l’instar de jouets en caoutchouc, comme la célèbre Sophie la girafe, de casques de scooter à la coque en bambou, de sacs plastique à base d’amidon de maïs, de portes de voiture en matériaux composites intégrant des fibres de lin, des colles issues d’amidon transformé par l’action de levures… Lors de notre dernier test de peintures d’intérieur blanches, plusieurs références s’affichaient à base de résine ou d’ingrédients biosourcés.

Les matériaux biosourcés se déclinent dans des secteurs parfois inattendus, comme des casques de scooter en bambou.

Mais attention à ne pas confondre biosourcé et vertueux ! « Ce terme n’a aucun rapport avec biodégradable, écologique, biologique ou encore non toxique, précise Grégoire David, ingénieur à l’Agence de la transition écologique (Ademe). Il ne veut pas dire naturel non plus, certains matériaux biosourcés pouvant être très transformés. » C’est par exemple le cas des plastiques comme le PLA (acide polylactique), un polymère synthétisé à partir d’amidon de maïs ou de blé, ou encore le PET (polyéthylène téréphtalate) tiré de la canne à sucre. En fin de vie, ils présentent d’ailleurs les mêmes problématiques qu’un plastique issu du pétrole.

Un avantage environnemental…

Les matériaux biosourcés sont-ils moins dommageables pour l’environnement ? Souvent, mais pas toujours. Grégoire David énumère les bénéfices : stockage de carbone, matériaux plus légers, toxicité et écotoxicité moindres (par exemple, des colles moins émettrices de composés organiques volatils), valorisation d’une ressource nationale (le bois ou le chanvre en France), etc. Le gain est parfois incontestable, quand ils se substituent à des produits issus de la pétrochimie ou d’autres matériaux non renouvelables, réduisant ainsi l’impact carbone. C’est par exemple le cas des soins exfoliants pour la peau, dans lesquels les fabricants ont remplacé les microbilles en plastique par de la poudre de coquille de noix ou de noyau d’abricot, du PLA remplaçant le plastique, ou encore des isolants se substituant au polystyrène dans le bâtiment.  

… qui varie en fonction du cycle de vie du produit

Un produit aura beau être biosourcé, s’il finit dans l'un des continents de plastique qui polluent nos océans, son impact environnemental sera désastreux.

Mais cet avantage environnemental dépend des processus de fabrication et d’utilisation, plus ou moins polluants. Il varie aussi selon la part de matériaux biosourcés dans un objet, qui s’échelonne de quelques pourcents à 100 %. La fin de vie de l’objet importe également : est-il mis en décharge, recyclé ? Les plastiques, même à base d’amidon, restent des polluants s’ils sont jetés dans le milieu naturel, dont une partie rejoint les continents de plastique pétrochimiques au milieu des océans. Enfin, se pose la question de l’impact global du produit dans lequel un matériau est utilisé. Ainsi, « on peut fabriquer des ailes en composite biosourcé qui seront destinées à… un jet privé », sourit Grégoire David. Il est donc nécessaire d’étudier l’analyse du cycle de vie globale des produits au cas par cas, le mode d’extraction des matières premières, leur durée de vie, leur recyclabilité, etc.

Comment reconnaître un produit biosourcé ?

Les matériaux biosourcés sont très présents dans le bâtiment. Ici, un ouvrier pose un isolant en laine de bois.

Le secteur du bâtiment est l’un des principaux utilisateurs de matériaux biosourcés. Les dérives y sont rares, les matériaux biosourcés étant relativement peu nombreux et bien identifiés (isolants à base de chanvre, de ouate de cellulose, de liège ou de laine, par exemple). Pour certains, comme le bois, c’est même une évidence ! On y rencontre les labels suivants : « Bâtiment biosourcé » (État français), « Produit biosourcé » (coopérative Karibati).

Dans le textile, l’information est obligatoire : elle figure sur l’étiquette qui affiche la composition du vêtement. Pour d’autres filières, c’est au bon vouloir du fabricant. L’Ademe prône que la mention du pourcentage de matériau biosourcé dans l’objet final devienne obligatoire, afin d’éviter le greenwashing. En effet, la mention « biosourcé » est parfois mise en avant alors que l’objet n’en comporte qu’un faible pourcentage. Quelques labels sont déjà utilisés : « Bio-based content » (association néerlandaise Dutch Standardization Network) ; « OK biobased » (organisme certificateur autrichien TüvAustria) ; « Biobased XX% » (organisme certificateur allemand DIN Certco).

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