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AgricultureLes gènes des nuisibles ciblés ?

Les insecticides dits « à ARNi » ont été développés et testés en catimini, sans garantie de leur innocuité sur les autres insectes.

1. Blocage des fonctions vitales

Ces nouveaux pesticides ne contiennent pas de substances chimiques toxiques pour les insectes, mais une molécule appartenant au matériel génétique des êtres vivants, l’ARN interférent (ARNi). Dans tout organisme animal ou végétal, l’information génétique est stockée dans l’ADN. L’ARN, lui, la lit afin de synthétiser les protéines (enzymes, hormones…) nécessaires au fonctionnement des cellules. Une forme spécifique, l’ARNi, bloque l’expression de ces gènes ; on parle de silençage génique. Les produits à ARNi visent à inhiber certaines fonctions vitales chez les ravageurs des cultures (puceron, pyrale du maïs…), entraînant ainsi leur mort. Ils peuvent être pulvérisés sur les cultures, fabriqués par une plante, elle-même génétiquement modifiée pour sécréter cet ARNi, ou diffusés par le biais de micro-organismes.

2. Quel intérêt ?

Les firmes agrochimiques qui les ont développés l’affirment : ces produits sont respectueux de l’environnement et permettront de réduire l’utilisation des pesticides chimiques classiques et la pollution qu’ils engendrent. Au passage, elles reconnaissent implicitement que ces derniers sont nocifs pour la planète. De plus, en ciblant des gènes spécifiques à un insecte donné, les pesticides à ARNi n’agiraient que sur cette espèce, et ne contribueraient pas à l’effondrement de la biodiversité.

3. Des dégâts collatéraux

L’association Pollinis, qui œuvre à la protection des abeilles, bourdons, guêpes, papillons, fourmis, etc., remet en cause les propos rassurants de ces groupes industriels. En procédant à une analyse sur l’ADN de 2 500 espèces de pollinisateurs, elle a constaté que les gènes visés par les pesticides à ARNi étaient très proches de ceux d’un grand nombre de ces insectes. Ainsi, « 136 espèces de pollinisateurs pourraient être victimes d’effets hors cible » en raison de cette similarité génétique. Sur les 26 produits à ARNi étudiés, 14 provoqueraient « des effets mortels » sur eux. Un carnage à venir ? Une publication de l’OCDE (1) relativise cependant ce risque.

4. Essais incontrôlés

Des expérimentations en plein champ ont d’ores et déjà été menées aux États-Unis, en Chine et dans plusieurs pays européens. En France, trois essais ont été réalisés entre 2020 et 2021. Aucune information n’est disponible : ni le lieu ni la nature des produits, pas plus que les protocoles et les résultats. Ces tests ont bénéficié d’un régime dérogatoire accordé par le ministère de l’Agriculture, échappant ainsi au contrôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Impossible dès lors de vérifier l’innocuité des insecticides. Interrogée, en mai dernier, par l’eurodéputé Éric Andrieu, la Commission européenne a botté en touche : elle « n’a pas connaissance » de telles expériences, car c’est de la responsabilité des États membres de les autoriser ou non. Or, ces derniers « ne sont pas tenus d’en informer » Bruxelles…

(1) One.oecd.org/document/env/jm/mono(2020)26/en/pdf

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