Jean-Paul Geai
50 ans d'indépendance
L'UFC-Que Choisir fête ce mois-ci son 50e anniversaire. Ceux qui rejoignent aujourd'hui l'association et les nouveaux abonnés à Que Choisir ignorent bien souvent les détails de son histoire au service des consommateurs. Rappels.
1951-2001
Début des années cinquante, l'économie française tourne à plein régime. Il s'agit de faire oublier les années noires marquées par la pénurie et le rationnement. Très vite naît l'idée qu'il faut créer un contre-pouvoir face aux professionnels. La nécessité s'impose d'organiser les consommateurs afin de leur donner une plus grande efficacité dans une économie de marché en pleine mutation. Plusieurs hauts fonctionnaires décident de se réunir en dehors du ministère de l'Économie nationale. Leur objectif: réfléchir à l'information des consommateurs et définir les moyens à prendre pour l'améliorer: étiquetage, normalisation, certification, publicité, tests... Les premières réunions tournent (déjà !) autour des problèmes de fraudes, de prix... Y participent des personnalités qualifiées, des représentants de syndicats et d'associations familiales, mais aucun consommateur de base. Ce sont ces «experts» qui, en octobre 1951, créent l'UFC (Union fédérale de la consommation, son nom à l'époque). L'article 2 des statuts définit l'objet de l'association, véritable bureau d'études spécialisé : «Établir un lien entre les groupements ou les personnes qui se préoccupent d'aider les consommateurs et usagers à tenir leur rang dans la vie économique. [...] Susciter toutes actions orientées dans le sens de l'éducation ou de la défense des consommateurs. [...] Représenter les intérêts de la consommation auprès des pouvoirs publics ou des organismes privés.»
Dès lors, l'association va s'attacher à développer l'information des consommateurs sur les réalités du marché, la connaissance des produits, la réglementation, la jurisprudence. Elle publie le Bulletin d'information de l'UFC, des Notes documentaires sur les produits, des brochures Savoir acheter. Autant de publications à la diffusion confidentielle. En 1957, l'UFC crée la première émission radio. Diffusée tous les matins au cours du «Journal parlé» de 8 h, elle informe les ménagères parisiennes sur les arrivages de leur marché (fruits, légumes, viandes...) à partir des cours des halles. En 1959, ce rendez-vous conso sur les ondes est diffusé au journal du soir et s'étend à Lyon, Marseille, Lille, Grenoble, Toulouse via les chaînes régionales de la RTF, ou par voie d'affichage, comme à Reims ou Saint-Quentin.
1961, le premier numéro
Les rangs de l'association grossissent alors de militants gagnés aux idées consuméristes, mais c'est dans une quasi-indifférence que paraît en décembre 1961 le premier numéro de Que Choisir. Au sommaire de ce numéro vendu 2,50 F aux seuls adhérents à l'UFC, deux essais comparatifs : l'un sur les détergents à vaisselle, l'autre sur les balles de tennis. Mais l'éditorial résume bien la volonté de l'époque : «Au lieu de vous livrer à des expériences coûteuses _et parfois décevantes_, vous pourrez juger du produit qui vous convient le mieux en vous fondant sur des essais de caractère scientifique effectués par des laboratoires compétents, sous le contrôle d'une association indépendante et sans but lucratif. [...] Le travail entrepris aujourd'hui avec vous doit vous permettre de traiter de pair avec les producteurs et les vendeurs. [...] En vous aidant à mieux choisir, cette publication contribue à entraîner la production et le commerce dans la voie du progrès.»
Du diphényle à la qualité de l'eau
La confiance est immédiate. Le succès suit, jalonné de grandes dates qui ont marqué le mouvement consommateur français. 1967, l'UFC dénonce les dangers du diphényle dans les agrumes. 1968, les événements de mai sont l'occasion de redistribuer les cartes : les représentants des organisations officielles se retirent et l'association réaffirme son indépendance de tout pouvoir en réaction à la création par l'État de l'INC (Institut national de la consommation). 1970, Que Choisir publie la première carte de France des plages polluées. Les municipalités s'indignent. Cinq ans plus tard, sous la pression de l'opinion, les pouvoirs publics publient systématiquement les résultats d'analyses de l'eau de mer. 1976, sous la pression de l'association, dix colorants alimentaires sont interdits. La même année, Que Choisir fait connaissance avec la justice à la suite de son enquête sur l'amiante dans le vin. Sur vingt-neuf crus de consommation courante, quinze contiennent de l'amiante provenant du filtrage. Soupçonnant ce produit d'être cancérigène, l'UFC décide de boycotter les marques qui continuent à utiliser ce procédé. Les pinardiers réclament cinq millions de dommages-intérêts. Quatre ans plus tard, les pouvoirs publics interdisent l'usage des filtres d'amiante.
1978, pour la première fois en France, une association de consommateurs obtient le retrait de deux produits dangereux : les pyjamas au Tris, matériau cancérigène, et les lampes au trichloréthylène. 1980, l'UFC est condamnée pour avoir appelé au boycott du veau aux hormones, mais le mot d'ordre fait mouche auprès de l'opinion publique. 1986, offensive contre les chèques payants que veulent (déjà !) imposer les banquiers. L'UFC édite un Que Choisir d'un jour et propose à ses lecteurs d'émettre un chèque de un franc. Elle en recueillera plus de trente mille dont le montant est versé à des associations caritatives. Cette même année, elle décide de passer la France au compteur Geiger et publie un numéro hors-série qui tire les leçons de la catastrophe de Tchernobyl : non, le nuage toxique ne s'est pas arrêté aux frontières de l'Hexagone. 1990, la pollution cachée de l'eau du robinet : trop de nitrates et de pesticides dans l'eau d'une cinquantaine de communes. Les années suivantes, ce sont les factures d'eau, tout aussi scandaleuses.
Les années quatre-vingt-dix sont aussi celles où la confiance des consommateurs en leur alimentation est ébranlée : vache folle, OGM, épidémies de listeria, contamination par les dioxines...
L'UFC-Que Choisir (c'est son nouvel intitulé depuis 1994) s'investit à fond. Elle obtient en 1997 l'étiquetage de la viande bovine (pays d'origine de l'animal, sa catégorie et son type racial). En mars dernier, elle révèle, tests à l'appui, que les industriels prennent un malin plaisir à rajouter du sel dans notre alimentation, favorisant les maladies cardio-vasculaires.
Au long de ces années, l'UFC-Que Choisir a saisi la justice dès qu'il y a atteinte à la santé, à la sécurité et aux intérêts économiques des consommateurs ou pour faire évoluer la jurisprudence. Elle est partie civile dans de nombreux dossiers (vache folle, hormone de croissance, tunnel du Mont-Blanc...). Elle a obtenu la suppression de clauses abusives dans de nombreux contrats (location de voitures, maisons de retraite, portables...). Au bout d'un demi-siècle, le combat n'a pas changé. Avec le marché unique et la mondialisation des échanges, le terrain d'action s'est simplement élargi.
les grandes dates
1951 Naissance de l'Union fédérale de la consommation
1961 Parution du premier numéro de Que Choisir1962 L'UFC-Que Choisir participe à la fondation du Beuc (Bureau européen des unions de consommateurs)1965 Création de la première association locale qui s'affilie à l'UFC-Que Choisir1970 La pollution des plages1972 Premier palmarès des prix des grandes surfaces1976 Boycott des colorants alimentaires et interdiction des filtres à l'amiante pour le vin. L'UFC-Que Choisir obtient son premier agrément lui permettant d'agir en justice dans l'intérêt des consommateurs1980 Boycott du veau aux hormones1986 Victoire contre les chèques payants1987 Un an après Tchernobyl, l'UFC-Que Choisir passe la France au compteur Geiger : le nuage radioactif n'a pas épargné l'Hexagone 1990 Trop de nitrates dans l'eau du robinet. L'UFC-Que Choisir participe à la création d'International testing (IT)1997 Étiquetage de la viande bovine 1999 Le scandale des factures d'eau2001 Trop de sel caché dans notre alimentation
L'UFC-Que Choisir en chiffres
- L'UFC-Que Choisir fédère aujourd'hui 200 associations locales qui regroupent 85000 adhérents. Pour 2001, son budget annuel s'élève à 110 millions de francs (16,77 millions d'euros) dont 97% proviennent de son activité éditoriale.
- L'UFC-Que Choisir, qui compte 84 salariés, édite trois magazines sans publicité et totalement indépendants : Que Choisir, mensuel, tirage 380000 exemplaires, 300000 abonnés ; Que Choisir Hors-Série Argent, trimestriel, tirage 225000 exemplaires, 185000 abonnés et Que Choisir Spécial, trimestriel, tirage 85000 exemplaires, 59000 abonnés. L'UFC-Que Choisir possède son propre site Internet : www.quechoisir.org
- L'association a consacré cette année 6 millions de francs (0,9 million d'euros) à la réalisation des essais comparatifs (achats de produits et frais de laboratoires). Son service juridique a engagé 25 nouvelles procédures judiciaires dans l'intérêt collectif des consommateurs. Quatre-vingt-dix-sept procédures sont actuellement en cours. Le téléphone Azur mis en place pour venir en aide aux abonnés reçoit chaque mois environ 8 000 appels.