Sophie Herbreteau
Recouvrement de créancesLes points à vérifier sur un courrier de recouvrement de créances
Vous venez de recevoir une lettre émanant d’une société de recouvrement. Celle-ci recouvre pour le compte d’un autre professionnel (ex. : fournisseur d’énergie, opérateur de téléphonie, établissements financiers). Les sociétés de recouvrement peuvent aussi pratiquer ce qu’on appelle le rachat ou l’acquisition de créances. La société rachète à un professionnel une dette et essaie ensuite d’en obtenir le paiement pour son propre compte. Il est donc inutile de chercher à contacter le créancier initial car celui-ci n’en est plus propriétaire. Inutile aussi d’invoquer la réglementation propre au recouvrement pour le compte d’autrui. Quelques vérifications s’imposent, notamment en ce qui concerne les mentions obligatoires que doit comporter tout courrier de recouvrement. Vérifiez également l’identité du créancier, la somme réclamée, et l’éventuelle présence de frais qui vous seraient facturés abusivement.
Les mentions obligatoires du courrier adressé par la société de recouvrement
La lettre de recouvrement doit obligatoirement mentionner les points suivants :
- sa dénomination ;
- son adresse ;
- l’indication qu’elle procède à un recouvrement amiable ;
- le nom du créancier (la personne à qui vous devez de l’argent) ;
- le fondement et le montant de la dette ;
- l’indication que les frais de recouvrement amiable restent à la charge du créancier.
Le courrier doit, de plus, reproduire des mentions issues de la loi, plus précisément les 2e et 3e alinéas de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution :
- Al. 2 : Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire.
- Al. 3 : Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l'exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi.
Les références et date d'envoi de la lettre sont rappelées à l'occasion de toute autre démarche par la société auprès du consommateur. Cette lettre peut être envoyée par lettre simple.
Le fait de mentionner ces informations en très petits caractères, quasi illisibles, pourrait être reproché à la société. C’est le cas, par exemple, si la mention « recouvrement judiciaire » est inscrite en caractère gras, comme l'indication portée qu'il s'agit d'un « ultime recours avant dépôt de requête par notre huissier », alors que la mention précisant qu’il s’agit d’un recouvrement amiable est inscrite en très petit. En effet, ceci ne permet pas au consommateur de percevoir la nature amiable de la démarche.
Article R. 124-4 du code des procédures civiles d'exécution.
Cour d'appel, Rennes, 2e chambre civile, 8 novembre 2013, n° 12/07008.
Comment distinguer une lettre de recouvrement amiable pour le compte d’autrui et un recouvrement suite à une cession de créance ?
Afin de vous aider à bien comprendre à qui vous avez affaire, voici deux courriers émanant d’une même société.
Dans le cas du premier courrier, la société fait du recouvrement amiable pour le compte d’un professionnel. Elle doit donc respecter la loi qui prévoit des mentions obligatoires précises.
Dans le cas du second courrier, la même société recouvre une dette qu’elle a rachetée auprès d’un professionnel (rachat de créances). Elle n’est alors pas tenue de reporter sur ce courrier les mêmes mentions.
Que se passe-t-il si une mention obligatoire fait défaut dans la lettre ?
Si l’une des mentions n’est pas reproduite dans le courrier, la société de recouvrement encourt une contravention de 5e classe soit 1 500 € et 3 000 € en cas de récidive. La lettre qui ne comporte pas les mentions légales présente un caractère illicite. Pour autant, même si la société de recouvrement se voit infliger une amende pour absence de mentions légales, la créance et la demande de paiement restent, en soi, valables. La société devra toutefois rééditer un courrier conforme à la loi.
Le retour d’expérience fait apparaître que ces sociétés omettent rarement ces mentions dans leurs correspondances. En règle générale, les litiges portent plutôt sur leurs pratiques quant à la façon de recouvrer les sommes ou sur le fait de réclamer des frais illégaux.
Article R. 124-7 du code des procédures civiles d'exécution.
Article 131-13 du code pénal.
→ Lettre type – Société de recouvrement - Mentions obligatoires absentes
→ Lettre type – Société de recouvrement - Modèle de plainte pour défaut de mentions obligatoires
Les vérifications à effectuer
Face à une demande de paiement, n’hésitez pas à demander des précisions ou à procéder à des vérifications. Il est nécessaire de s’interroger sur la créance. Par ailleurs, certaines sociétés peuvent chercher à recouvrer des dettes prescrites ou proches de la prescription. Restez vigilants. Enfin, certains frais sont illégaux.
Vérifiez tout d’abord l’identité du créancier et le détail de la somme réclamée. Tentez de vous rappeler si vous devez de l’argent à cette personne et si vous avez pu laisser passer des lettres de relance.
Pour être due, la somme (créance) doit être « certaine », « liquide », « exigible » et « non prescrite » :
- « Certaine » : La dette doit être fondée. Avez-vous signé un contrat et omis de régler une facture par exemple ?
- « Liquide » : Le montant doit être précisément déterminé, évalué et mentionné dans le courrier.
- « Exigible » : La facture est-elle bien à régler ? Existe-t-il une condition (ex. : condition suspensive) ou un délai pour son paiement ?
- « Non prescrite » : Le délai permettant au professionnel d’obtenir le paiement est-il dépassé ? Dans ce cas, la dette trop ancienne n’est peut-être plus due.
La facture fait souvent foi jusqu’à preuve du contraire.
Pour savoir si la dette est encore due, il faut rechercher si le délai permettant au professionnel d’obtenir le paiement est dépassé. On parle alors de délais de prescription ou de forclusion. Il n’existe pas un mais des délais selon la nature de la dette.
Un délai de prescription peut également être interrompu ou suspendu. La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai qui a déjà couru. Ainsi, par exemple, la prescription est suspendue lorsque les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation. L’interruption fait, quant à elle, courir un nouveau délai de même durée que le premier. La prescription est, par exemple, interrompue lorsqu’une personne reconnaît devoir la somme (reconnaissance de dette). Attention, une action en justice, même en référé, interrompt aussi le délai de prescription.
Le délai de forclusion qui s’applique notamment en matière de crédit à la consommation est encore plus rigoureux dans son application. Il ne peut être suspendu. Il peut être interrompu par une demande en justice, référé compris, ou un acte d’exécution forcée – seuls cas expressément prévus par la loi.
→ Recouvrement amiable de créances - Pendant combien de temps une dette est-elle due ?
Articles 2230, 2231, 2238, 2240 à 2244 du code civil.
Attention aux frais abusifs !
La réglementation prévoit que les sociétés spécialisées dans le recouvrement amiable pour le compte d’autrui ne peuvent percevoir et même solliciter de votre part de frais en plus du règlement de la créance. En effet, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire (principalement sans jugement) restent à la charge de celui qui réclame le paiement par l’intermédiaire de la société de recouvrement (le créancier comme, par exemple, un opérateur de téléphonie, un fournisseur d’énergie, etc.).
Si la société demande le paiement de frais pour le recouvrement, ces frais sont illégaux. Elle encourt une peine d’emprisonnement de 2 ans et une amende de 300 000 € au plus. Le montant de l'amende peut même être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.
Cependant, attention, il faut vérifier que la société de recouvrement ne reporte pas des intérêts de retard ou une somme émanant d’une clause de votre contrat avec le créancier. Dans ce cas, ces frais ne sont pas illégaux. S’il s’agit d’une clause pénale issue du contrat et si son montant semble excessif, il est toutefois possible de le contester devant le juge compétent. Si le recouvrement a déjà donné lieu à une mise en demeure, la somme réclamée peut porter intérêt au taux légal.
Articles L. 121-21 et L. 132-23 du code de la consommation.
Article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
Article 1231-5 du code civil.
Exemple de frais illicites
C’est le cas, par exemple, si la société ajoute des frais en l’occurrence des dommages et intérêts en se référant à l’article 1231-6 al 3 du code civil. Or les conditions prévues par cet article ne sont pas remplies à ce stade. Seule la somme en principal est due.
Il en est de même des sociétés de recouvrement de créances qui facturent aux débiteurs des frais de recouvrement soit indus (frais de quittance, frais de mise en demeure, dommages et intérêts transactionnels), soit en les mentionnant sous de fausses dénominations (intérêts de retard).
Bon à savoir. En 2018, la DGCCRF a procédé à des contrôles dans le secteur du recouvrement amiable des créances auprès des sociétés de recouvrement. Elle a constaté que des sociétés de recouvrement de créances réclament des frais de manière illicite, comme s’il s’agissait de frais légaux exigibles. Si jamais vous constatez que vous avez payé des frais indus, exigez-en le remboursement.
→ Lettre type - Société de recouvrement - Demande de remboursement de frais
→ Justice Devant quel tribunal agir
Une quittance à remettre au débiteur pour tout paiement
Une quittance est remise au débiteur pour tout paiement. La réglementation ne prévoit pas que le débiteur ait à en faire la demande expressément. Mais sur certains documents de mise en demeure, il est parfois indiqué qu’elle sera « remise sur demande ». N’hésitez pas alors au moment du paiement à rappeler qu’une quittance doit vous être remise. Cette quittance attestera que vous avez payé votre dette.
Article R. 124-6 du code des procédures civiles d'exécution.
Une société de recouvrement a aussi des obligations envers le créancier (celui qui veut se faire payer)
La société doit avoir signé un contrat avec le créancier
Cette convention précise :
- le fondement et le montant des sommes dues, avec l'indication distincte des différents éléments de la ou des créances à recouvrer auprès de vous ;
- les conditions et les modalités de la garantie ;
- les conditions de détermination de la rémunération à la charge du créancier ;
- les conditions de reversement des fonds que la société va récupérer auprès de vous encaissés pour le compte du créancier.
Article R. 124-3 du code des procédures civiles d'exécution.
La société doit justifier d’une assurance professionnelle
L'assurance souscrite doit couvrir sa responsabilité vis-à-vis de celui qu’elle représente (le créancier) mais aussi les conséquences résultant d'une responsabilité vis-à-vis des tiers (le débiteur notamment).
La souscription d'un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle doit être justifiée avant tout exercice auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l'activité. À tout moment, le procureur de la République peut vérifier que la société respecte cette obligation.
Article R. 124-2 du code des procédures civiles d'exécution.
La société doit avoir un compte spécial affecté exclusivement aux fonds recouvrés
L'ouverture d'un compte bancaire spécial doit faire l'objet d'une déclaration écrite envoyée, avant tout début d’activité, au procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l'activité.
Article R. 124-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Informations dues et reversement au créancier
Lorsque la société a obtenu un paiement même partiel de votre part, elle doit en informer le créancier, sauf si ce paiement résulte de l'exécution d'un accord de paiement échelonné déjà connu et accepté par lui (ex. : échéancier convenu).
La société de recouvrement doit aussi tenir informé le créancier de toute proposition de votre part si celle-ci conduit à proposer un échéancier par exemple (autre moyen que le paiement immédiat de la somme réclamée).
Les fonds reçus par la société de recouvrement donnent lieu, sauf convention contraire, à un reversement dans un délai d'un mois à compter de leur encaissement effectif.
Articles R. 124-5 et R. 124-6 du code des procédures civiles d'exécution.
Lire aussi
- Dossier Recouvrement de créances