CONSEILS

Recouvrement de créancesLe délai de recouvrement d’une dette issue d’un crédit

Vous avez souscrit un crédit immobilier ou à la consommation que vous n’avez pas remboursé. Des mois, voire des années plus tard, vous êtes relancé(e) par l’établissement de crédit ou son mandataire (société de recouvrement, huissier). Vous souhaitez savoir si la dette est encore due. La loi impose au créancier de réagir dans un délai déterminé. On parle alors de délais de prescription ou de forclusion. Des réponses à des questions pratiques ont été apportées par les juges, concernant notamment le point de départ du délai d’action du prêteur, les actes pouvant interrompre ou suspendre le délai, l’incidence du dépassement du délai sur la dette, etc. Voici les principes qu’il faut retenir selon chaque type de crédit.

La prescription en matière de crédit immobilier

La durée du délai de prescription

Les crédits immobiliers accordés aux consommateurs par des organismes de crédit sont soumis à un délai de prescription de 2 ans.
Si le prêteur n’agit pas dans ce délai, le débiteur n’est plus obligé de rembourser sa dette par le simple écoulement du délai.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 28 novembre 2012, n° 11-26508.
Article L. 218-2 du code de la consommation.

Une prescription que vous devez invoquer

Si vous êtes sollicité(e) par un établissement de crédit ou son mandataire pour régler une dette, vous devez lui objecter que le délai pour la réclamer est dépassé. C’est à vous de démontrer que les conditions d'application de la prescription sont remplies (point de départ du délai, absence d’interruption ou de suspension du délai, etc.). En effet, si le litige est porté en justice, les juges ne peuvent pas relever d’office que la dette est prescrite. Or force est de constater que les créanciers peuvent chercher à recouvrer des sommes pourtant prescrites, y compris devant les tribunaux.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 mai 2020, n° 19-10770.
Article 2247 du code civil.

Le point de départ du délai de prescription

Lorsque l’action en paiement porte uniquement sur des mensualités impayées, le délai court à compter de la date d'échéance de chaque mensualité impayée.

Exemple. Vous ne remboursez pas l’échéance du 5 septembre 2020 de votre crédit immobilier. Le délai de prescription du prêteur pour obtenir le remboursement de cette mensualité court à partir du lendemain, soit le 6 septembre 2020. Si vous ne remboursez pas l’échéance suivante du 5 octobre 2020, un nouveau délai de 2 ans court à partir du 6 octobre 2020 pour cette échéance.

Si un emprunteur ne paie pas ses échéances en dépit de mises en demeure, l’établissement de crédit peut prononcer la « déchéance du terme », c’est-à-dire qu'il exige le paiement immédiat de la totalité des sommes restant dues. Dans ce cas, le délai de l’action du prêteur en remboursement du capital court à compter de la déchéance du terme.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 mai 2020 n° 193266.

L’interruption ou la suspension du délai de prescription

Un délai de prescription peut être interrompu ou suspendu par certains actes. Ainsi, par exemple, la prescription est suspendue lorsque les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation. Elle est, par exemple, interrompue lorsqu’une personne admet devoir la somme de manière non équivoque (reconnaissance de dette, demande d’un délai de grâce, etc.). Attention, une action en justice, même en référé, interrompt aussi le délai de prescription.
Articles 2234 et 2241 du code civil.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 17 mars 2016, n° 15-10631.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 11 mars 2020, n° 19-11309.

L’effet de l’interruption ou de la suspension du délai

L’interruption du délai fait immédiatement courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. La suspension du délai en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
Articles 2230 et 2231 du code civil.

La forclusion en matière de crédit à la consommation

La nature du délai

Contrairement au crédit immobilier, en matière de crédit à la consommation, on parle de délai de forclusion. Ce délai accordé au prêteur pour agir est un délai dit « préfix ». Il ne peut pas être suspendu ou interrompu, sauf rares exceptions (cf. « L’effet de l’interruption ou de la suspension du délai », ci-dessous). Une fois ce délai écoulé, l’action du créancier est éteinte du fait de ne pas avoir fait valoir ses droits en justice dans le délai légal.

La durée du délai de forclusion

Lorsqu’un crédit à la consommation n’est pas remboursé par l’emprunteur, l’établissement de crédit doit exercer en justice une action en paiement dans les 2 ans de l’impayé. Ce délai est aussi applicable aux actions menées par le prêteur contre la caution du débiteur.
Article R. 312-35 du code de la consommation.

Le point de départ du délai de forclusion

Le délai de 2 ans court, en principe, à compter du premier incident de paiement de crédit non régularisé. Concernant un crédit renouvelable (« crédit revolving »), c’est le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti qui fait partir le délai.

En revanche, s’agissant d’un découvert bancaire, le point de départ du délai se situe 3 mois après le dépassement du montant autorisé du découvert.

Enfin, lorsqu'il y a rééchelonnement de la dette (par accord amiable, par un plan de redressement ou un décision de justice), le délai de forclusion court à partir du premier incident non régularisé après le réaménagement du crédit.
Article R. 312-35 du code de la consommation.

L’effet de l’interruption ou de la suspension du délai

Un délai de forclusion ne peut pas être suspendu ou interrompu, sauf par un acte d’exécution forcée (saisie-attribution sur un compte bancaire, saisie immobilière, etc.) ou par une action en justice, même en référé.

Cette disposition étant d’ordre public, l’emprunteur ne peut pas, même de façon expresse, renoncer à son application.

Ainsi, par exemple, n’interrompt pas le délai de forclusion :

  • une reconnaissance de dette du consommateur, notamment lors d’échanges ou de tentatives d’accord avec sa banque ;
  • la reprise des paiements par voie de prélèvements automatiques effectués sur le compte de l’emprunteur ;
  • le dépôt par le débiteur d’une demande de traitement de sa situation financière auprès d’une commission de surendettement ;
  • le report d’échéances impayées à l’initiative du prêteur.

Articles 2241 et 2444 du code civil.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 17 novembre 1993, n° 91-15647.

Une fin de non-recevoir à soulever par le débiteur

Comme en matière de prescription lors d’un crédit immobilier, le débiteur doit invoquer la forclusion de l’action en paiement auprès du prêteur et la prouver.

En revanche, lorsque le litige est porté en justice, si le débiteur oublie de soulever la forclusion de l’action du prêteur, les juges sont tenus de le faire à sa place (fin de non-recevoir tirée de la forclusion). Cette même obligation n’existe pas en matière de crédit immobilier.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 3 février 2011, n° 09-71693.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 13 décembre 2012, n° 11-25378.

Effet de la forclusion de l’action du créancier sur la dette

La forclusion empêche le créancier de saisir les juges pour recouvrer la dette. Mais celle-ci n’est pas éteinte pour autant.

Ainsi, vous pouvez encore être relancé(e) à l’amiable par le prêteur ou par un mandataire (société de recouvrement ou huissier) afin d’en obtenir le paiement. Néanmoins, il ne pourra plus vous contraindre à le régler en justice, ni vous saisir faute d’action ou d’autorisation préalable d’un juge dans le délai imparti (saisie de compte bancaire, saisie sur salaire, saisie conservatoire, etc.).

De même, la créance peut valablement être rachetée par un tiers qui doit, pour que cette cession vous soit opposable, vous en informer par voie de notification. Ce tiers peut toujours rechercher par voie amiable le paiement.

Si, en tant que caution, vous êtes poursuivi(e) en justice dans le délai de forclusion de 2 ans, vous ne pouvez pas opposer la forclusion de l’action contre le débiteur non sollicité dans le délai imparti pour échapper au paiement.

En outre, l’inscription de l’incident de remboursement inscrit au Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) peut être maintenue pendant 5 ans.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 juin 2012, n° 11-10618.
Article 1324 al. 2 du code civil.
Réponse ministérielle n° 17521 JOAN Q. 9 juill. 2019, p. 6460.

Le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)

Le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) est géré par la Banque de France. Il recense les informations sur les incidents de remboursement des crédits et les mesures prises en matière de surendettement.

Les incidents de remboursement sont inscrits pendant 5 ans maximum. Si vous bénéficiez d’une procédure de surendettement, l’inscription est maintenue pendant toute la procédure.
Si vous régularisez l’incident, votre inscription au FICP est radiée par l’établissement de crédit qui vous a inscrit. Celui-ci doit en informer rapidement la Banque de France.

Les établissements de crédit consultent le FICP pour analyser la solvabilité d'une personne sollicitant un prêt. Pour autant, même si vous y êtes inscrit(e), une banque peut vous accorder un crédit.

Bien que la forclusion empêche le créancier de saisir les juges pour recouvrer la dette, celle-ci n’est pas éteinte pour autant : l’inscription de l’incident de remboursement au FICP peut être maintenue pendant 5 ans.

Si vous êtes victime d’un fichage abusif et que, malgré votre demande, l’établissement qui vous a inscrit ne rectifie pas les informations erronées vous concernant, vous pouvez saisir, par courrier ou par courriel, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). En cas de contestation sur le fond, c’est le juge des contentieux de la protection de votre domicile qui est compétent pour régler le litige.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 juin 2012, n° 11-10618.
Articles 2, 5 et 6 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Articles L. 751-2 et L. 752-1 du code de la consommation.
Article L. 213-4-6 du code de l'organisation judiciaire.

En cas de litige avec un professionnel (établissement financier, société de recouvrement ou huissiers), n’hésitez pas à contacter votre association locale UFC-Que Choisir.

Magali Berthe

Magali Berthe

Service d’information juridique

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