Camille Gruhier
Pièces de 1 et 2 centimesEntretien avec Louis Lamour, boulanger à Bordeaux
Lorsqu’il a ouvert sa boulangerie fin 2017, Louis Lamour a fait deux choix radicaux. Le premier, ne proposer que des pains et des viennoiseries maison avec des matières premières sélectionnées avec soin. Le second : refuser les pièces de 1 et 2 centimes d’euro, trop encombrantes. Entretien.
Que Choisir : Les clients sont-ils surpris lorsque vous leur refusez les pièces de 1 et 2 centimes ?
Louis Lamour (1) : La plupart le comprennent, parce qu’ils sont eux-mêmes gênés par cette ferraille qui traîne dans leurs poches. D’ailleurs, la plupart du temps, c’est en payant leur pain qu’ils s’en débarrassent.
QC : La loi vous oblige pourtant à accepter ces pièces, qui ont cours légal…
L. L. : Certes, mais les chèques et les billets de 200 ou 500 € ont aussi cours légal et de nombreux commerçants les refusent, parce qu’ils en ont assez des chèques impayés ou craignent les faux billets, et personne ne leur dit rien. Je propose systématiquement aux clients mécontents une remise sur le prix total de leurs achats : j’arrondis aux 5 centimes inférieurs et m’en porte très bien, je perds moins de 2 € par jour au total, ce qui est négligeable par rapport à l’encombrement que représentent les pièces de 1 et 2 centimes.
QC : Quel gain tirez-vous du fait de ne pas accepter ces pièces ?
L. L. : Les pièces de 1 et 2 centimes prennent de la place dans la caisse. Il faut les compter le soir, puis faire des rouleaux et les stocker avant d’en avoir suffisamment pour les apporter à la banque. Il me faut 3 ou 4 minutes pour faire un rouleau de pièces de 1 centime, pour gagner, au final… 50 centimes. J’ai mieux à faire ! Sans ces petites pièces, j’apporte déjà 10 kg de pièces à la banque tous les 15 jours. C’est lourd !
QC : Les consommateurs ont-ils adopté le réflexe du paiement sans contact ?
L. L. : Pas tous, mais la plupart de mes clients y voient une solution simple et pratique pour payer leurs petits achats. De mon côté, je le propose systématiquement, sans minimum d’achat. Pas de caisse ni d’erreur de caisse, pas de perte de temps à compter les pièces, pas de braquage, de l’argent déposé sur le compte le soir même… Ce mode de paiement est très avantageux, même une fois déduite la commission de 0,3 % prélevée par la banque.
QC : Selon un sondage de la Commission européenne, 58 % des Français sont favorables à la suppression des pièces de 1 et 2 centimes. Vous en faites partie ?
L. L. : Oui, sans hésitation ! De nombreux pays ont arrêté de les utiliser, de la Belgique aux Pays-Bas, de l’Italie à la Finlande. Qu’est-ce qu’on attend pour faire pareil en France ?
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(1) Boulangerie Louis Lamour, 7 rue Ravez, 33000 Bordeaux