Marie-Noëlle Delaby
Huiles d’olive« Pas de différence gustative entre des huiles conventionnelles ou bio de qualité »
Cécile Le Gaillard, oléologue, et Olivier Baussan, directeur de l’écomusée de l’Olivier à Volx (04), fondateur d’Olivier and Co et Maison Brémond 1830, nous en disent plus sur l’huile d’olive.
Que Choisir : Comment reconnaître une huile de qualité ?
Cécile Le Gaillard. À l’exception de quelques huiles faites avec des olives maturées (les fruités noirs*), elle doit être vierge extra. Les huiles vierges sont obtenues par procédé mécanique, sans traitement chimique ni chauffage susceptible d’altérer leur qualité. Mais pour décrocher le qualificatif d’« extra », il faut aussi répondre à des critères chimiques et sensoriels précis, garants du moins d’altération possible du fruit entre la récolte et le pressage. Il s’agit de préserver les composés volatiles qui lui donnent ses qualités aromatiques. Mais les meilleures huiles doivent développer d’autres qualités comme de la complexité en bouche, une persistance du goût ou une harmonie des saveurs. Côté pratique, ne vous fiez pas à votre nez, une huile au parfum puissant ne sera pas forcément riche au palais et inversement. En revanche, sa texture est un bon indicateur, car les huiles de très bonne facture ne sont pas grasses en bouche. Enfin, contrairement au vin, l’huile ne se bonifie pas avec l’âge ! Pour limiter son rancissement mieux vaut la protéger de la lumière et de la chaleur en transvasant dans un huilier ce qui est nécessaire à table ou en cuisine et laisser la bouteille à l’abri du placard.
Q.C. : À chaque pays son huile d’olive ?
Cécile Le Gaillard. À l'instar des cépages pour le vin, il existe plus de 1 700 variétés d'oliviers dans le monde, chacune donnant sa spécificité à l'huile. À cela s’ajoute l'indice de maturité du fruit au moment où il a été récolté. Ces deux facteurs vont déterminer le fruité de l'huile d'olive, vert ou mûr.
On trouve donc des huiles aux arômes très variés dans chaque pays producteur. Ainsi, l’Italie compte une trentaine d’appellations d’origine protégée (AOP), au point qu’il est parfois difficile de distinguer une différence notable entre deux AOP proches géographiquement. La plus connue est l’huile toscane, très réputée pour son fruité vert obtenu en pressant les olives avant leur pleine maturité. En bouche, elle est dominée par les sensations herbacées avec un final très poivré, parfait avec une glace à la vanille pour les plus audacieux. En Tunisie, au Portugal et en Espagne, on a plutôt des huiles au fruité mûr, douces et rondes en bouche avec une légère amertume. Mais si l'olive Arbequina, variété représentative de la Catalogne, va donner des arômes de pomme et d'amandes fraîches et une huile douce, la Picual, variété prédominante de la région de Jaén, en Andalousie, présentera une ardence et une amertume marquées des arômes de feuilles d'olivier, tomates et feuilles de figuier. Toutefois, les huiles de caractère sont chères et les grands huiliers qui vendent des produits à moins de 10 € le litre proposent en général des huiles sans grande typicité issues d’assemblages entre différentes zones de production (UE et hors UE), pour obtenir une huile au goût semblable toute l’année.
Olivier Baussan. En France, la production, très modeste (moins de 1 % de la production européenne), est ancrée dans la tradition. Nos sept AOP, des Baux-de-Provence à la Corse, traduisent un lien fort avec les territoires mais on trouve aussi de très belles huiles hors label, notamment dans le Var, qui fut le grenier à huile des Romains. Dans la plupart des régions de production les olives sont ramassées à peine purpurines et donnent des fruités assez verts. À Nyons ou à Nice, elles sont au contraire cueillies noires pour obtenir des fruités mûrs aux arômes de fruits, parfois de pomme ou d’artichaut. Enfin, j’ai beaucoup d’admiration pour les producteurs de fruités noirs qui, dans la vallée des Baux ou vers Aix-en-Provence, perpétuent une tradition ancienne consistant à stocker les olives à pleine maturité quelques jours dans des caisses où, à l’abri de l’air, elles fermentent légèrement. Cette technique est périlleuse, car la récolte tardive peut être menacée par le gel et une maturation mal maîtrisée virera au rance. Bien travaillée, l’huile perd son ardence initiale pour prendre des arômes puissants et compotés d’olive noire.
Q.C. : L’huile d’olive bio est-elle gage de qualité ?
Olivier Baussan. Soyons clairs, de l’aveu même des producteurs, il n’y a pas de différence gustative entre des huiles conventionnelles ou bio de qualité. Les secondes ont surtout le mérite de proposer des méthodes de culture plus respectueuses de l’environnement. En France, l’émergence de la filière bio il y a une vingtaine d’années a été difficile, les producteurs ne disposant pas à l’époque d’outils de lutte contre les ravageurs aussi efficaces que dans le conventionnel, en particulier contre la mouche de l’olivier. Les récoltes n’étaient donc pas toujours de qualité. Mais aujourd’hui, notamment grâce au développement de la lutte biologique, les producteurs en bio ont les outils nécessaires pour faire une huile de bonne qualité.
* Leurs paramètres physico-chimiques propres à leurs méthodes de fabrication ne leur permettent pas de remplir le critère extra.