Roselyne Poznanski
Contrat socle ANIUne vraie complémentaire santé pour tous ?
C’est la question que l’on peut se poser au regard des obligations de souscription – minimales – auxquelles les employeurs vont être prochainement tenus de se conformer dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) !
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Le 1er janvier prochain, tous les salariés, y compris et surtout ceux qui travaillent dans des petites structures, vont bénéficier d’une complémentaire santé via leur entreprise. Cette mesure découle de l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013, transposé dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013 : théoriquement, 4 millions de salariés sont concernés, mais en réalité, la généralisation de la complémentaire santé est de portée moindre puisque seules 400 000 personnes totalement dépourvues à ce jour d’une assurance complémentaire santé sont en fait concernées. Pour elles, les modalités de l’ANI apparaissent comme une avancée sociale puisque leur employeur va devoir prendre en charge une partie de la cotisation de leur contrat santé alors qu’elles y avaient renoncé jusqu’à présent pour des questions de coût.
Pour les autres salariés, déjà couverts par le contrat collectif de leur conjoint ou par un contrat souscrit de façon individuelle, l’ANI n’est pas forcément une bonne affaire. À terme, cet accord va en effet les obliger à changer de complémentaire santé, c’est-à-dire à résilier leurs complémentaires santé actuelles pour basculer vers le nouveau contrat obligatoire ANI de leur entreprise. Certes, le coup de pouce financier de leur employeur sera le bienvenu, mais à y regarder de près, il n’est pas sûr qu’ils soient également gagnants du côté des garanties.
Pourquoi ? Tout d’abord parce que la réglementation impose un « panier de soins » plancher dans lequel doivent être pris en charge l’intégralité du ticket modérateur pour les consultations, les actes et les prestations remboursables par l’assurance maladie obligatoire (sauf cures thermales et médicaments remboursés à 30 % ou à 15 %), le forfait journalier hospitalier sans limitation de durée, les frais dentaires à hauteur de 25 % de plus que les tarifs de responsabilité et les dépenses d'optique, de manière forfaitaire par période de deux ans (100 € pour les verres simples, 200 € pour les verres complexes et 150 € pour les équipements mixtes). Mais à y regarder de plus près, ces différents postes de remboursement sont vraiment des minimas… parfois inférieurs aux prises en charge proposées par la CMU-C ! C’est le cas par exemple pour les frais de pose d’une couronne dentaire métallique : avec le contrat socle ANI, les dépenses vont être prises en charge jusqu’à 134,37 €, tandis qu’avec la CMU-C la dépense est couverte jusqu’à 230 € !
Ensuite, il y a fort à parier que les employeurs n’aillent pas au-delà des minimas réglementaires de prise en charge (sauf accord plus favorable de leur branche professionnelle), histoire de juguler au mieux cette nouvelle contrainte budgétaire à laquelle ils doivent se plier. De façon schématique, on peut donc prévoir que deux grands types de contrats collectifs obligatoires d’assurance maladie vont coexister : des contrats généreux au rapport prestations/prix très intéressant, accessibles aux salariés des PME ou des très grandes entreprises et des contrats nettement moins généreux, reflets du strict cadre de l’ANI, destinés aux salariés des TPE et des professionnels libéraux notamment.
Troisième point : là encore, il y a fort à parier que les employeurs s’en tiennent au service minimum pour ce qui concerne leur participation financière. Si la loi les oblige à prendre en charge 50 % de la cotisation pour chacun de leurs salariés (ce qui devrait représenter une quinzaine d’euros par mois pour des prestations conformes au panier de soins), elle ne les oblige pas à aller plus loin et à couvrir notamment conjoint et enfants. Autrement dit, pour disposer de meilleures garanties ou pour couvrir également leur famille, les salariés des TPE vont devoir mettre la main à la poche et souscrire à leurs frais aux options ou aux renforts de garanties (prise en charge des dépassements d’honoraires des médecins, des frais d’ostéopathie, des frais d’optique ou de prothèse dentaire…) qui pourront leur être proposés dans le cadre d’une surcomplémentaire collective (qui devra respecter les nouvelles obligations des contrats responsables). Si un tel contrat n’est pas mis en place par l’employeur, ils devront alors souscrire une surcomplémentaire individuelle de leur choix. Résultat : de par la participation de leur employeur, ils économiseront certes quelques euros par mois, mais devront en parallèle être très vigilants sur leurs dépenses de soins. Car, et c’est un des effets probables de la généralisation de la complémentaire santé, ce changement a ouvert l’appétit des organismes complémentaires d’assurance maladie. Pour décrocher les faveurs des chefs d’entreprise, ils tirent au maximum les prix des contrats socle, mais qu’importe : cette stratégie leur permet de se hisser sans mal sur le podium des options ou des surcomplémentaires individuelles auxquelles les salariés les plus prudents vont sans aucun doute adhérer… à des tarifs qui seront, ici, nettement moins tirés vers le bas !
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