DÉCRYPTAGE

Complémentaires santé responsablesMode d’emploi

Une nouvelle version des contrats santé responsables est entrée en vigueur en avril 2015. Les organismes complémentaires d’assurance maladie y ont vu un « choc de complexification ». Les particuliers pourraient bien penser la même chose.

Depuis le 1er avril 2015, une nouvelle et seconde version des complémentaires santé « responsables » est entrée en vigueur. Tous les contrats individuels nouvellement conclus depuis sont concernés. Tous les contrats individuels ou collectifs en cours le sont aussi, au fil de leurs dates d’échéance respectives, avec une limite de mise en application fixée au 31 décembre 2017 pour les contrats collectifs obligatoires.

Concrètement, l’ensemble des organismes complémentaires d’assurance maladie ont revu leur copie, ou sont en train de le faire, pour s’adapter aux modalités du décret qui modifie désormais les règles de « responsabilité » de la quasi-totalité des contrats santé du marché. Pour info, seule une frange très mince de contrats individuels, commercialisés par les organismes complémentaires d’assurance maladie, est aujourd’hui non responsable (entre 3 et 5 % du marché environ).

Certes, les obligations qui incombaient jusqu’à présent aux contrats  responsables en contrepartie d’avantages fiscaux et sociaux (taxation réduite à 7 % au lieu de 14 %, absence de cotisations sociales sur la part payée par l’employeur et déduction de l’impôt sur le revenu de la part payée par le salarié dans le cadre d’un contrat collectif) ne changent pas. Parmi les plus importantes, il y a notamment l’incitation à respecter le parcours de soins coordonnés (non prise en charge de la majoration du ticket modérateur effectuée par l’assurance maladie obligatoire en cas de sortie de ce parcours par exemple), la non prise en charge de la participation forfaitaire de 1 € ou des franchises. En revanche, le remboursement du ticket modérateur d’au moins deux prestations de prévention fixées par la réglementation n’est désormais plus requis. À ces obligations, viennent désormais s’ajouter des planchers de remboursement sur différents postes de soins. Ceux-ci vont offrir une protection minimale à tout détenteur d’un contrat responsable, voire « faciliter l’accès aux soins de certaines populations qui ne se font plus soigner actuellement ou qui renoncent à acquérir un équipement », souligne Agnès Pfertzel, directrice santé d’Axa particuliers et professionnels. En parallèle, viennent également s’ajouter des plafonds de remboursement dont l’objectif affiché est de responsabiliser plus directement encore les patients à l’encontre des dérives tarifaires de certains praticiens (dépassements d’honoraires des spécialistes notamment) et des opticiens. Ces plafonds devraient incontestablement impacter toutes les personnes adhérentes ou assurées, tant dans leur façon de consommer les soins qu’au niveau de leur budget : voici ce qu’il faut en savoir.

Hospitalisation : du mieux, mais attention tout de même…  

Bonne nouvelle pour tous ceux qui devront un jour se faire hospitaliser : les contrats responsables vont prendre en charge l’intégralité du forfait journalier hospitalier, soit 18 € par jour, comme cela était le cas jusqu’à présent, mais de façon illimitée. Concrètement, les limites de durée de prise en charge qui pouvaient exister avec les contrats les plus basiques uniquement (30 ou 60 jours maximum) vont disparaître. Pour l’ensemble du marché, une récente enquête la Drees a d’ailleurs relevé que cette prise en charge était déjà illimitée pour plus de 93 % des contrats individuels. Cet élargissement de garantie ne changera donc pas grand-chose, d’autant que la durée moyenne d’un séjour en médecine, chirurgie et obstétrique, supérieure à 10 jours en 1980, a été divisée par deux en 2011, selon les chiffres de l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). Attention tout de même, car cette nouvelle règle ne s’applique pas aux hospitalisations en établissements psychiatriques. Les limitations existantes (prise en charge du forfait journalier de 13,50 € dans la limite de 90 jours actuellement pour près de 4 contrats individuels sur 10 selon une récente enquête de la Drees) vont donc perdurer.

Autre point de vigilance, et non des moindres : les dépassements d’honoraires des anesthésistes, chirurgiens et autres praticiens (radiologistes). En effet, même à l’hôpital public (et a fortiori en clinique…), ces dépassements sont légion et le plafonnement désormais en vigueur pour les médecins non adhérents au CAS devrait considérablement accroître les restes à charge, surtout pour les hospitalisations urgentes où l’on ne choisit jamais, par définition, les professionnels qui interviennent !

Consultations : il va falloir choisir avec soin son médecin !

C’est l’une des mesures phares du nouveau cahier des charges des contrats santé responsables : appliquer une prise en charge différenciée et plus importante pour les dépassements d’honoraires des médecins ayant adhéré au contrat d’accès aux soins (CAS). Cette prise en charge s’ajoute au remboursement usuel de l’assurance maladie.

Pour la consultation d’un spécialiste adhérant au CAS, sur avis du médecin traitant, le TC fixé par l’assurance maladie est de 28 €, avec une base de remboursement de 70 %, soit 18,60 € versés, déduction faite de la participation forfaitaire de 1 €. Pour cette même consultation, une complémentaire santé qui affiche une prise en charge à hauteur de 200 % du TC va verser en plus 130 % du TC – dans la limite de la dépense réelle – soit 36,40 €. Avec une garantie de 300 % du TC, le remboursement complémentaire – toujours dans la limite de la dépense réelle – sera de 64,40 €… Autrement dit, il n’y a rien de changé pour les patients qui restent dans le parcours de soins coordonnés et choisissent un médecin « vertueux ». Mais il n’y a rien de changé non plus du côté des médecins qui, dès lors qu’ils adhèrent au CAS, peuvent continuer de facturer des dépassements sans prendre le risque de voir leur patientèle se détourner faute de remboursements diminués !

En revanche, si ce même médecin n’est pas adhérant au CAS, ce sont les patients – et eux seuls – qui vont en être pour leurs frais. Les contrats responsables « nouvelle génération » doivent en effet plafonner la prise en charge des dépassements d’honoraires à 125 % du TC en 2015 et en 2016 et à 100 % du TC en 2017. Cette prise en charge doit également respecter une différence d’au moins 20 % du TC correspondant à la consultation effectuée. Pour la consultation d’un spécialiste sur avis du médecin traitant, mais non adhérent au CAS (voir notre simulation), le TC fixé par l’assurance maladie passe ici à 23 € au lieu de 28 €, avec un taux de remboursement de 70 %, soit 15,10 € versés, déduction faite de la participation forfaitaire de 1 € et la limite de remboursement d’une complémentaire santé est fixée à 28,70 € (125 % du TC fixé à 23 € jusqu’à la fin 2016 seulement). Autant dire qu’il va falloir non seulement être très vigilant sur la politique tarifaire et l’éthique de chaque spécialiste, même « conseillé » par le médecin traitant. Il va donc devenir quasi obligatoire d’effectuer une recherche systématique sur l’outil informatique mis en place par l’assurance maladie pour savoir si ce médecin adhère ou non au CAS…

Complexe, ce nouveau système de remboursement dont l’objectif est de contrer les dépassements d’honoraires, voire de les diminuer, pourrait cependant « accentuer plus encore le reste à charge des assurés », selon Evelyne Guillet, directrice santé du CTIP (Centre technique des institutions de prévoyance).

Équipements optiques : pas de quoi ouvrir l’œil !

Autre point clef que les contrats responsables doivent désormais respecter : 6 plafonds de prise en charge pour la monture et les verres, variables selon les corrections. Pour faire simple, ces plafonds vont de 470 € (verres de faible correction) à 850 € (verres de forte correction ou progressifs), monture comprise (sa prise en charge ne peut plus dépasser 150 €). Cet équipement ne sera désormais remboursé que tous les 2 ans, sauf évolution de la vue ou s’il est destiné à un jeune de moins de 18 ans.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ces nouvelles dispositions ne sont pas contraignantes pour les personnes assurées, sauf verres excessivement coûteux. Problème : elles ne semblent pas non plus l’être pour les opticiens… ce qui risque de ne pas produire les effets escomptés en termes de baisses de prix. Seule solution vers laquelle tendent de plus en plus de contrats d’organismes complémentaires d’assurance maladie : booster les remboursements lorsque les équipements sont délivrés par des  professionnels de santé affiliés à leurs réseaux de soins (Kalivia, Santéclair, Seveane, Terciane, Carte Blanche Partenaire…).

Petit lot de consolation tout de même : les contrats responsables comportent également des minimas de prises en charge qui vont de 50 € à 200 € selon les corrections, monture comprise. Concrètement, les complémentaires basiques dont la prise en charge se cantonne actuellement au « ticket modérateur » sur tous les postes de soins vont devoir rehausser leurs garanties sur l’optique. Pour les personnes dont le budget santé est limité, ces minimas sont à la fois une bonne et une moins bonne nouvelle. La bonne, c’est que leur reste à charge va se réduire sensiblement ; la moins bonne, c’est qu’à terme leurs cotisations risquent d’augmenter un peu plus encore du fait d’un appel d’air probable, à l’échelle du portefeuille de chaque contrat, sur ce poste de soins !

Médicaments traditionnels et homéopathie : effet placebo garanti

Rien de changé côté médicaments : les complémentaires santé responsables vont continuer de prendre en charge l’intégralité du ticket modérateur (hors franchise de 0,50 € par conditionnement) des médicaments remboursés à 65 % par l’assurance maladie (service médical majeur ou important). Pour les autres, c’est-à-dire pour les médicaments remboursés à 30 % (service médical considéré comme modéré, médicaments homéopathiques et certaines préparations magistrales) ou à 15 % (service médical faible), les complémentaires santé peuvent, comme avant, décider de prendre en charge ou non leur ticket modérateur.

Prothèses dentaires : on rit jaune…

Les prothèses dentaires (couronne, implant…) ont un point commun avec les équipements optique : leur cherté, tout comme les restes à charge pour les patients sont régulièrement dénoncés ! Il n’empêche : aucun plafonnement n’a été prévu par la nouvelle réglementation.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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