Roselyne Poznanski
Complémentaires santéQui fait quoi et comment ?
Contrairement à ce que l’on pense, les complémentaires santé ne se distinguent pas les unes des autres uniquement par leurs garanties, c’est-à-dire leur prise en charge financière des soins et des dispositifs de soins (lunettes…) ou par leurs prix. D’autres paramètres importants sont également à prendre en compte, notamment la « philosophie » de chaque organisme complémentaire d’assurance maladie (OCAM).
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Contrat collectif : obligatoire en principe
Le premier paramètre, le plus connu, tient à la différence entre contrat collectif et contrat individuel. Un contrat collectif n’est autre qu’un contrat souscrit par une branche professionnelle ou un employeur au profit de ses salariés : il est soit négocié par les représentants des salariés de l’entreprise, soit adopté par référendum, soit mis en place de façon unilatérale par l’employeur, ce qui est généralement le cas dans les petites entreprises. Contrairement à une formule individuelle, un salarié ne peut pas adapter les garanties d’un contrat collectif à sa situation personnelle. S’il ne consulte que des médecins sans dépassements d’honoraires par exemple et si son contrat d’entreprise inclut une prise en charge de ces dépassements à hauteur de 300 % du tarif de convention par exemple, ce surplus de garantie par rapport à la simple prise en charge du ticket modérateur ne lui sert à rien. Sauf exceptions, un salarié ne peut pas non plus renoncer au contrat de son entreprise, la plupart des contrats collectifs étant à adhésion obligatoire. En contrepartie, il existe de nombreux avantages.
Les bénéfices de la mutualisation
Tout d’abord, l’entreprise participe au paiement des cotisations. Si le contrat est responsable, les sommes versées par l’employeur sont exonérées de cotisations de Sécurité sociale, dans certaines limites. Selon le CTIP (Centre technique des institutions de prévoyance), toutes tailles d’entreprises et tous secteurs d’activité confondus, ce niveau moyen de contribution est actuellement de 58 % environ. Grâce à la participation de son employeur (et à la possibilité pour le salarié de déduire, dans certaines limites, sa part de cotisation de son revenu imposable), une complémentaire santé coûte donc moins cher à un salarié, ce qui est particulièrement intéressant. Une récente enquête de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de statistiques) indique par exemple, pour tous types d’organismes complémentaires confondus, que la prime mensuelle par bénéficiaire d’un contrat collectif était de 36,1 € en moyenne en 2010, contre 46,7 € pour un contrat individuel.
Second avantage, de taille lui aussi : si la politique sociale de l’entreprise est forte, la mutualisation peut jouer à plein et ne comprendre qu’un seul et même niveau de cotisation quel que soit le profil familial du salarié – célibataire, en couple, voire à la tête d’une famille nombreuse. Ce schéma, qui favorise évidemment les familles avec enfants, est à l’opposé du système de tarification des complémentaires santé individuelles, où chaque personne doit verser une cotisation spécifique pour pouvoir être garantie (de très nombreux organismes accordent toutefois la gratuité d’assurance à partir du 3e enfant).
Troisième avantage que l’on oublie souvent mais qui n’en est pas moins important : le bénéfice d’un contrat collectif d’entreprise est acquis à tous les salariés (certaines catégories de salariés peuvent néanmoins bénéficier d’un contrat collectif spécifique) sans délai de carence le plus souvent (toutes les garanties s’appliquent donc immédiatement), sans distinction de date d’embauche ou d’ancienneté dans l’entreprise, sans distinction de nature du contrat de travail (CDI ou CDD) ou de rémunération, et surtout sans distinction d’âge. Ce dernier point est crucial car il est fondamentalement différent de ce qui prévaut avec une complémentaire santé individuelle. Sur ce marché en effet, quel que soit le niveau de garanties souscrit et quel que soit le contrat, la cotisation augmente avec l’âge du bénéficiaire. Avec un contrat collectif en revanche, un salarié proche de la retraite par exemple paye la même cotisation qu’un jeune salarié fraîchement recruté, ce qui est là encore très intéressant côté budget pour les plus âgés (mais moins intéressant pour les plus jeunes).
Enfin, les contrats collectifs, surtout dans les grandes entreprises, sont souvent beaucoup plus généreux que leurs homologues individuels : leurs prises en charge des consultations, leurs forfaits pour des soins très peu remboursés par l’assurance maladie (1 000 € pour un implant dentaire par exemple) ou leurs possibilités de remboursement de certaines alternatives médicales (ostéopathie, homéopathie…) sont en effet plus élevées. Résultat : non seulement un salarié paye moins cher sa cotisation santé grâce à la participation de son employeur (cette réalité est encore plus forte si son conjoint et ses enfants peuvent également bénéficier de son contrat sans surcoût), mais il est également mieux couvert !
Contrats individuels : une offre pléthorique
À l’inverse, comme son nom l’indique, un contrat individuel est celui qu’une personne va choisir pour elle-même en fonction de ses habitudes de consommation de soins et du budget qu’elle entend ou qu’elle peut y consacrer. En dépit de la généralisation de la complémentaire santé le 1er janvier 2016 pour tous les salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise, plusieurs millions de personnes sont encore concernées par le choix d’un contrat individuel. Il s’agit notamment des indépendants (auto-entrepreneurs ou autres), des professionnels libéraux, des fonctionnaires et des contractuels de la fonction publique, personnes qui font valoir leurs droits à la retraite (salariés, indépendants, professionnels libéraux, exploitants agricoles, fonctionnaires d’État ou fonctionnaires territorial ou hospitalier), des personnes déjà retraitées depuis de nombreuses années, des jeunes qui n’ont pas encore accès au marché du travail et qui ne peuvent plus être couverts par l’intermédiaire d’un contrat parental, des personnes employées par des particuliers ainsi que des personnes indemnisées par l’assurance chômage depuis plus de 12 mois.
Des philosophies et des modèles économiques très différents
En dehors des critères de choix propres à chaque profil, et des habitudes de consommation de soins, il est important de comprendre ce marché pléthorique de la complémentaire individuelle pour se diriger vers un contrat adapté. En effet, les contrats se comptent par centaines, si ce n’est par milliers au regard des différents niveaux de garantie proposés. Tous sont structurés autour des mêmes grands postes de remboursement (consultations courantes, actes paramédicaux, hospitalisation, optique…) et les innovations ou les astuces marketing qui peuvent ponctuellement faire la différence d’un contrat à l’autre (accès à un réseau de soins, remboursements des contraceptifs oraux ou des dispositifs anti-tabac, instauration de bonus de fidélité…) sont très vite copiées et intégrées par chaque acteur présent sur ce marché. Dans ces conditions, il peut être opportun d’en savoir plus sur les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) ou organismes assureurs qui « fabriquent » et commercialisent ces contrats et d’appréhender leur philosophie d’entreprise. Ces organismes assureurs sont aujourd’hui au nombre de quatre : les mutuelles – ce mot est devenu à tort synonyme de complémentaire santé ou d’assurance santé alors qu’il recouvre un modèle économique bien spécifique –, les sociétés d’assurance, les sociétés d’assurance mutuelles et les institutions de prévoyance.
Le modèle mutualiste est loin devant
Les mutuelles sont aujourd’hui les acteurs les plus importants de l’assurance complémentaire santé individuelle en France. Une étude de la Drees consacrée au marché de l'assurance complémentaire santé (juin 2015), indique que les 600 mutuelles existantes ont collecté 54 % du total des cotisations versées en 2013, devant les sociétés d’assurance (28 %) et les institutions de prévoyance (18 %). La plupart d’entre elles sont adhérentes à la FNMF (Fédération nationale de la mutualité française). Selon cette fédération, 6 Français sur 10 disposeraient ainsi d’une complémentaire santé, collective ou individuelle, gérée par une mutuelle adhérente, soit 38 millions de personnes en tout. Les mutuelles les plus importantes sur le marché de la complémentaire individuelle sont Harmonie Mutuelle, le groupe MGEN et la Mutuelle Générale. Ces organismes, il faut le savoir, sont des groupements de personnes et non de capitaux. Ils sont indépendants et appartiennent à leurs adhérents (ou sociétaires) et à eux seuls. Ceux-ci disposent d’un droit de vote pour participer aux décisions à prendre et élire les membres bénévoles de leur conseil d’administration. Dans la lignée de ce fonctionnement démocratique, les mutuelles n’ont ni actionnaire à rémunérer, ni but lucratif : leurs excédents doivent être utilisés au profit de leurs adhérents. C’est ce qui explique, entre autres, l’existence au sein de chaque mutuelle d’un fonds d’action social qui, ponctuellement, aide financièrement les adhérents les plus démunis. Historiquement, les mutuelles n’ont jamais opéré de sélection médicale à l’entrée, contrairement aux assureurs traditionnels qui ont abandonné cette pratique en 2002, sous peine d’une taxe supplémentaire de 7 %. Les mutuelles ont également lutté contre les dérives consuméristes et inflationnistes des couvertures santé, en cherchant à limiter, depuis longtemps, l’inflation des dépassements d’honoraires. Cette prise de position s’est traduite récemment par une évolution de la réglementation sur les contrats responsables. Leurs contrats santé (pour les contrats individuels, on parle de règlement mutualiste) sont régis par le code de la mutualité.
Les sociétés anonymes ou à forme mutuelle : deux identités spécifiques
Les sociétés anonymes d’assurance, de loin les plus connues, sont des entreprises de capitaux. Elles sont clairement à but lucratif, leur objectif étant de réaliser des profits qui seront ensuite redistribués aux actionnaires. Leurs assurés ne disposent donc d’aucun droit de vote, sauf s’ils sont actionnaires. Ces compagnies ou ces filiales assurances des banques sont pour la plupart adhérentes à la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances). Elles interviennent essentiellement sur le marché individuel. Leurs contrats sont régis par le code des assurances.
Pour leur part, les sociétés d’assurance mutuelles n’ont rien à voir avec les « vraies » mutuelles régies par le code de la mutualité. Pour autant, il n’est pas toujours facile de les en distinguer lorsque l’on n’est pas spécialiste du monde de l’assurance. Comment ne pas confondre en effet une « mutuelle d’assurances » ou un « assureur mutualiste », qui sont d’autres façons de désigner une entreprise ayant le statut de société d’assurance mutuelle ? Bien que ces sociétés n’aient également aucun but lucratif à l’instar des « vraies » mutuelles, donc aucun actionnaire à rémunérer, et bien qu’elles revendiquent « une autre façon d’entreprendre » et un ancrage dans l’économie sociale, elles sont régies par le code des assurances. La plupart d’entre elles adhèrent au GEMA (Groupement des entreprises mutuelles d’assurance) et couvrent actuellement 3,5 millions de personnes en assurance santé. Statutairement, certaines peuvent pratiquer des cotisations variables, ce qui signifie qu’elles peuvent procéder en fonction de leurs résultats, soit à des ristournes, soit à des rappels de cotisations en fin d’exercice.
De façon plus globale, parmi les organismes adhérents de la FFSA ou du GEMA, les plus importants acteurs sur ce marché de l’assurance santé sont Axa France, Groupama, Swiss Life et Allianz.
Les institutions de prévoyance : peu connues du grand public
Les institutions de prévoyance font pour l’essentiel partie des groupes de protection sociale, essentiellement connus pour leur activité de gestionnaires des caisses de retraite complémentaires des salariés. Ces groupes sont aujourd’hui les acteurs numéro un de la complémentaire santé collective, un peu devant les mutuelles : 7,2 millions de salariés ou d’anciens salariés bénéficiaient d’un contrat d’entreprise en 2013. Comme les mutuelles, les institutions de prévoyance n’ont aucun but lucratif : elles disposent donc d’un fonds social financé par les excédents et destiné à venir également en aide aux plus démunis. Elles n’ont pas le même mode de fonctionnement que les mutuelles puisque leur gouvernance n’est pas assurée par les adhérents, mais elles ont la particularité d’être gérées conjointement par des partenaires sociaux, c’est-à-dire par des représentants des salariés et des représentants des employeurs. Les plus importantes institutions de prévoyance sur le marché de l’assurance santé individuelle ou collective sont Malakoff Méderic, le groupe Humanis, AG2R et Pro BTP. Leurs contrats sont régis par le code de la sécurité sociale ou de façon plus marginale, par le code rural et de la pêche maritime.
Deux questions à Emmanuel Roux, directeur général de la Mutualité Française
Que Choisir : La confusion persiste entre mutuelles et sociétés d’assurance mutuelles… Pourquoi ?
Emmanuel Roux : Parce que nous sommes très proches. Sauf exceptions, nous avons un socle de valeurs et des principes communs. Certaines sociétés d’assurance mutuelles comme la Macif ou la Matmut par exemple ont développé des « filiales » santé adhérentes à la FNMF. C’est vrai aussi pour les grands groupes de protection sociale à gouvernance paritaire. En parallèle, nous avons aussi des singularités : les sociétés d’assurance mutuelles peuvent proposer des assurances de biens (auto, habitation…) alors que l’objet des mutuelles du code de mutualité est circonscrit à la protection sociale. Par ailleurs, leur modèle d’entreprendre accorde moins de place à l’assemblée générale et au règlement mutualiste.
Que Choisir : De fait, pourrait-il y avoir un rapprochement ?
Emmanuel Roux : Il est vrai que d’ici 5 ou 10 ans, ces distinctions peuvent être amenées à s’atténuer. Le secteur du non-lucratif a déjà tendance à se regrouper. On pourrait voir émerger un « bloc » non lucratif dans lequel le modèle mutualiste serait prédominant, y compris sur la totalité du champ assurantiel.
Contrats collectifs : plus généreux
Les adhérents des contrats collectifs sont mieux logés que ceux des contrats individuels : ils perçoivent en moyenne 91 % de leurs cotisations (sous forme de remboursements pour l’essentiel) contre 81 % pour les adhérents d’un contrat individuel. L’explication ? Elle tient pour beaucoup dans les économies de coûts de gestion, réduits avec un contrat collectif, l’entreprise étant l’unique intermédiaire de ses salariés (source : Drees, juin 2015).
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