ENQUÊTE

Chauffage au boisGare à la pollution

Si le bois est assurément une énergie renouvelable, il peut être très polluant quand il sert de combustible de chauffage. Tout dépend de l’appareil, de son utilisation et de la qualité du bois.

En Haute-Savoie, la vallée de l’Arve s’est fait une drôle de réputation avec son titre de « vallée la plus polluée de France ». On la connaît maintenant plus pour ses pics de pollution hivernaux aux particules fines que pour ses superbes paysages de montagne enneigée. Surtout, alors que les métropoles qui accumulent les épisodes de pollution aux particules fines le doivent pour une bonne part au trafic des véhicules diesels, ce n’est pas le cas dans cette vallée encaissée.

Les feux de cheminées en accusation

Les nombreux poids lourds qui la traversent pour accéder au tunnel du Mont-Blanc sont évidemment montrés du doigt. Compte tenu de leur forte contribution à la pollution par le dioxyde d’azote, c’est justifié. Mais les si dangereuses particules fines qui empoisonnent les habitants tout l’hiver, les camions n’en sont pas tant responsables. Le grand coupable ? Le chauffage individuel au bois des résidents de la vallée. En hiver, 70 % des émissions de particules fines en proviennent ! Selon l’étude de Santé publique France publiée en septembre 2017, 8 % de la mortalité annuelle dans la vallée leur est attribuable. En plus, « il n’existe pas de seuil protecteur en deçà duquel aucun impact sanitaire ne serait observé », précisent les auteurs. Et « l’exposition quotidienne sur plusieurs années favorise le développement de maladies chroniques : maladies cardio-vasculaires, respiratoires, neurologiques, cancers ».

Loin d’être anodin comme on le pense souvent, le chauffage au bois peut être très polluant et nocif pour la santé. Le plan antipollution établi pour la vallée de l’Arve s’attaque aux feux qu’on fait dans les cheminées. Il incite au remplacement des chauffages d’appoint au bois et de tous les appareils de chauffage au bois installés avant 2002. En quatre ans, il a permis de réduire les émissions de 4 à 12 % selon les sites. C’est mieux que rien, mais très insuffisant pour rendre l’air respirable en hiver. Il est d’ailleurs peu probable que remplacer les vieux appareils suffise à régler le problème. Le récent rapport de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) sur le chauffage au bois domestique prouve en effet qu’il peut être à l’origine de redoutables émissions de polluants, « les particules fines dangereuses pour la santé, mais aussi d’autres composés toxiques tels que le monoxyde de carbone, le benzène, les composés organiques volatils et les oxydes d’azote ».

En cause avant tout, les pics de pollution lors de l’allumage et à certaines allures. 80 % des émissions polluantes ont lieu pendant les 10 à 15 minutes qui suivent l’allumage à froid et lors des rechargements en bois. Cette pollution élevée tient aussi à l’emploi de bois trop humide, à des essences de bois peu adaptées, au vieillissement des appareils et beaucoup au fonctionnement à allure réduite.

L’information sur les appareils est biaisée

De plus, se fier aux performances affichées sur les appareils neufs ne garantit rien. « Les tests du label Flamme verte ne reflètent pas les conditions d’usage chez les particuliers, souligne Serge Collet, coauteur du rapport de l’Ineris. Ils sont effectués selon les normes en vigueur, dans des conditions de référence relativement éloignées des conditions réelles. » Les phases d’allumage et le fonctionnement à allure réduite en sont par exemple exclus, si bien que les performances affichées sous-estiment de beaucoup les émissions réelles de polluants. De 260 à 370 % pour les émissions de COV (composés organiques volatils), de 300 % à 500 % pour la fraction solide des particules, qui en outre représente seulement un tiers des particules émises. À l’inverse, ils surestiment le rendement des appareils ! Pour le consommateur, l’information est biaisée. « Si les tests se font uniquement à puissance nominale, c’est pour que les méthodes de mesure des émissions soient reproductibles d’un appareil à l’autre et qu’il n’y ait pas d’énormes écarts d’un laboratoire d’essai à un autre, justifie Axel Richard, chargé de mission bois domestique et responsable du label Flamme verte au syndicat des énergies renouvelables. Les fabricants font des appareils en fonction de ces tests. »

Davantage de soucis avec les bûches

Autre point fondamental, le combustible, qui dépend du type de poêle. Entre granulé et bûche, les impacts n’ont rien à voir. « Si l’appareil est bien réglé, la performance est maîtrisée avec le granulé, grâce à une alimentation automatique en combustible et en air. D’autant plus que la fabrication du granulé est normalisée, on n’en voit plus de mauvaise qualité, souligne Julien Ducrotois, spécialiste du chauffage au bois à l’Espace info énergie de l’Ageden (Association pour une gestion durable de l’énergie), en Isère. La filière bûche est nettement moins structurée. On a toujours de gros doutes sur le taux d’humidité du bois. Les émissions de polluants explosent au-delà de 25 % d’humidité, mais à moins de se fournir en bûches labellisées, le client apprécie difficilement l’humidité du bois qu’on lui livre. »

Outre ce facteur important, le comportement des usagers influe lui aussi sur les émissions des appareils à bûches. « Quand on diminue les arrivées d’air le soir pour que le feu dure toute la nuit, poursuit le spécialiste, la combustion est incomplète, elle émet énormément de particules. Seul le poêle de masse (à restitution lente de chaleur, ndlr) garantit une combustion parfaitement maîtrisée des bûches. »

Pour que le chauffage aux bûches devienne plus performant et peu polluant, l’Ineris plaide pour des appareils ne permettant pas les allures très réduites, pour une régulation automatique des entrées d’air, en particulier en tout début de combustion, afin d’éviter le pic d’émission de particules fines lors de l’allumage. L’autre enjeu fondamental, c’est de modifier la norme et les tests, pour s’approcher des conditions réelles d’usage des appareils, sans exclure les phases les plus critiques, l’allumage et le ralenti. La balle est aujourd’hui dans le camp des fabricants…

Les appareils recommandés

Le poêle de masse

C’est le seul appareil à bûches offrant une combustion parfaitement maîtrisée. Il ne fonctionne qu’à plein régime, sur quelques heures. La chaleur produite se diffuse via de petits canaux à tous ses matériaux accumulateurs, qui l’emmagasinent et la restituent pendant 12 à 24 heures. Son rendement est maximal, il émet très peu de particules. Lourd, l’appareil exige un sol solide et se place au centre de l’espace à chauffer. Il est vendu posé et installé à des prix très variables, de 6 000 à 12 000 €.

Le poêle à granulés

Il est moins lourd, moins massif et moins cher que le poêle de masse. Il libère des contraintes de l’appareil à bûches et consomme nettement moins. Il se programme sur la journée et la semaine, s’allume automatiquement et gère son alimentation en granulés en fonction de la température souhaitée. C’est un appareil performant et peu émissif. À condition qu’il soit bien conçu et bien réglé, ce qui n’est pas toujours le cas, nos tests le prouvent. Coût : à partir de 3 000 €, livré et installé.

Les chaudières

Le chauffage central peut aussi fonctionner au bois. Qu’elles soient à granulés, à plaquettes ou même à bûches, les chaudières bois sont performantes. Elles affichent de bons rendements et émettent infiniment moins de particules que les inserts ou les poêles à bûches. Sous réserve d’utiliser des combustibles secs. Le top du top, c’est la chaudière à granulés. Elle offre de très hauts rendements, ne pollue quasiment pas et ne présente guère plus de contraintes qu’un chauffage au propane ou au fioul. On fait recharger le silo en granulés au lieu de faire remplir la cuve. Elle coûte cher, environ 15 000 €, mais se rentabilise en 6 à 7 ans face au chauffage au propane, en 10 à 11 ans face au fioul.

Les appareils déconseillés

La cheminée

Le feu dans la cheminée, c’est ce qu’il y a de pire. Seulement 15 % du bois brûlé sert réellement à chauffer. À 85 %, il part dans les fumées, produit des gaz polluants et des émissions de particules fines très élevées. Ce mauvais rendement entraîne une surconsommation de bois importante et encrasse vite le conduit. À titre de comparaison, se chauffer une seule journée avec du bois dans la cheminée émet autant de particules fines que parcourir 3 500 km avec une voiture diesel.

Les inserts

Il s’en vend moins et c’est tant mieux. Certes, ils chauffent mieux qu’une cheminée et émettent trois à quatre fois moins de particules selon l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), mais cela reste beaucoup. Seul moyen pour qu’ils soient peu polluants, les faire fonctionner à plein régime. Or, au quotidien, on modifie le réglage des arrivées d’air selon les besoins. La combustion est incomplète et les émissions de polluants explosent dès qu’on les baisse.

Les poêles à bûches

Les poêles à bûches n’étant pas pilotés par régulation automatique, la gestion des entrées d’air est compliquée. À moins d’être spécialiste du chauffage au bois et conscient de l’énorme pollution qu’entraînent des arrivées d’air insuffisantes, il est impossible de régler le fonctionnement de façon optimisée. De plus, la pratique courante du réglage de nuit à allure réduite émet d’énormes quantités de particules fines. Pour que le poêle à bûches soit peu polluant, il faut réunir deux conditions : utiliser du bois sec à 20 % d’humidité maximum et ne faire fonctionner l’appareil qu’à plein régime. Ces pratiques sont très éloignées de l’usage habituel : personne n’a envie de se relever la nuit pour recharger en bois !

Se chauffer au bois sans polluer

Quelles bûches utiliser ?

Du bois sec. C’est impératif ! Le taux d’humidité ne doit jamais excéder 20 %. Or les bûches de chauffage livrées affichent de 15 à 40 % d’humidité, avec une moyenne à 30 %. Comme on ne peut pas faire confiance aux vendeurs, voici des astuces pour reconnaître du bois sec.

  • S’il est lourd, s’il y a de la mousse, des champignons, de l’écorce qui ne se détache pas, il est trop humide.
  • S’il est léger et fendillé, sans moisissures et sans champignons, si cogner deux bûches l’une contre l’autre les fait résonner dans un bruit sec, il est prêt à l’emploi.

L’autre solution, c’est de s’approvisionner à l’avance pour faire sécher le bois chez soi. Il doit être coupé et fendu au bon format, stocké à l’abri des intempéries et sans être en contact avec le sol, dans un endroit ventilé et si possible ensoleillé. Si le bois vient d’être coupé, il faut compter au moins deux ans de séchage, et au moins 18 mois plein sud.

Du bois de feuillu dur. Les résineux se consument trop vite et encrassent les conduits. Les feuillus durs sont adaptés, ils brûlent lentement. Pour le chêne, l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) recommande d’augmenter les arrivées d’air. Enfin, quelle que soit l’essence, brûler des bûches sans l’écorce pollue moins.

Des bûches du commerce dont le taux d’humidité est affiché. Les marques ou labels France bois bûche, NF bois de chauffage ou ONF Énergie bois indiquent le taux d’humidité du bois. À plus de 20 %, il doit être stocké, plus ou moins longtemps selon le taux d’humidité.

Plus d’informations dans notre guide d’achat Bois de chauffage - Quel bois choisir pour se chauffer

Comment savoir si vous polluez ?

Une vitre qui s’encrasse vite, des braises importantes, des parois qui goudronnent, tous ces signes indiquent une mauvaise combustion et une pollution élevée. Une vitre propre, une cendre grise très fine et en faible quantité témoignent d’une combustion parfaite et peu émissive.

À noter. Un appareil de chauffage au bois doit être dimensionné au plus juste des besoins pour éviter qu’il ne fonctionne le plus souvent au ralenti.

Quelles astuces pour moins polluer ?

Allumez le feu par le haut. Cette technique, venue de Suisse, divise par deux les émissions polluantes de l’allumage. Empilez les bûches en plaçant les plus grosses en dessous et en laissant un peu d’air entre chacune, puis posez le petit bois d’allumage dessus. Le bois brûle alors de haut en bas et les gaz de combustion si nocifs sont éliminés dans les flammes.

Rechargez en bois aussitôt qu’il n’y a plus de flammes, sur le lit de braises vives, en ouvrant la porte le moins longtemps possible.

Quels granulés choisir ?

Le granulé simplifie la vie, il est vendu bien sec, a un haut pouvoir calorifique et pollue peu. La production française est certifiée à plus de 95 % en NF, DIN plus ou EN plus, c’est assez proche, et le solde est composé de petits producteurs à qui cette démarche coûterait trop cher. Le volume produit se compose de sciures et de copeaux de l’industrie du bois, il est supérieur à la consommation.

Plus d’informations dans notre guide d’achat Choisir les bons granulés de bois en vrac ou en sac

Élisabeth Chesnais

Élisabeth Chesnais

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