ENQUÊTE

BactériesDes alliées contre le cancer ?

Trop souvent, les traitements du cancer sont mis en échec par la maladie. Dans certains cas, les bactéries pourraient aider à combattre les tumeurs.

Certaines bactéries sont impliquées dans le développement de cancers. C’est le cas d’Helicobacter pylori, qui favorise le développement de tumeurs dans l’estomac. Plus récemment, plusieurs bactéries intestinales associées à des formes agressives du cancer de la prostate ont été identifiées. Mais ces organismes microscopiques peuvent aussi être nos alliés dans la bataille contre les cancers. Un rôle encore méconnu mais qui fait l’objet de nombreuses recherches.

Cibler les tumeurs

À la fin du XIXe siècle, le chirurgien américain William B. Coley faisait un constat : parmi ses patients souffrant de cancer, ceux qui développaient des infections de la peau se portaient mieux. Il tenta donc d’inoculer des bactéries à plusieurs personnes. Les résultats furent mitigés : certains guérissaient tandis que d’autres mouraient de l’infection. Mais l’idée d’utiliser des bactéries pour combattre le cancer ne s’est pas éteinte.

Aujourd’hui, on teste des formes de bactéries atténuées et modifiées en laboratoire. Des études plus rigoureuses ont permis de constater que les Salmonella, en se multipliant, détruisent les cellules tumorales. D’autres, comme Clostridium ou Listeria, produisent des toxines qui endommagent la membrane des tumeurs. Mais une seule a réellement prouvé son efficacité chez l’humain. Il s’agit du bacille de Calmette et Guérin ou BCG, une version affaiblie de la bactérie de la tuberculose et qui est présente dans le vaccin du même nom. Le BCG, utilisé en complément d’autres traitements, est instillé lorsque le cancer est limité aux cellules qui tapissent la paroi interne de la vessie. Le contact de la bactérie avec les cellules cancéreuses crée une réaction inflammatoire qui tue ces dernières.

Renforcer l’efficacité du traitement

À défaut de traiter directement le cancer, les bactéries peuvent venir en appui des traitements conventionnels, comme la chimio­thérapie ou l’immunothérapie. Là encore, les travaux sont à un stade préliminaire, mais plusieurs équipes ont constaté que les bactéries intestinales influencent l’efficacité des traitements. Par exemple, les Enterococcus hirae et Barnesiella intestinihominis augmentent l’efficacité du cyclophosphamide (une chimiothérapie) contre les tumeurs solides. Salmonella typhi­murium, quant à elle, modifie l’environnement à l’intérieur de la tumeur, ce qui peut aider la chimiothérapie mais aussi la radiothérapie à mieux la détruire.

Transporter le médicament

Les propriétés des bactéries pourraient être mises à profit pour faciliter l’administration des nouveaux médicaments par injection. L’idée est de transformer les bactéries en « taxis » pour les médicaments. Deuxième option : se servir des bactéries, en n’en conservant que ce qui est utile, pour lutter contre la tumeur. Elles vont libérer des toxines, étouffer la tumeur, perturber sa croissance, etc. Dans ce domaine, les expérimentations sont multiples. En Europe, le projet CMI2T IA a par exemple rendu des bactéries Clostridium inoffensives pour transporter une immunothérapie jusqu’au site de la tumeur. Sur place, la bactérie aide le médicament à pénétrer la tumeur en limitant les mécanismes d’évasion de celle-ci. 

Et les probiotiques ?

Se servir des bactéries pour combattre la maladie n’en est encore qu’à un stade très précoce. Aussi, les personnes atteintes de cancer pourraient être tentées de se tourner vers l’équivalent le plus proche : les probiotiques. Ce sont des bactéries vendues sous forme de compléments alimentaires. Mais l’organisme est fragilisé, une infection est donc possible et les différents essais cliniques n’ont, pour le moment, pas été probants. « Les produits disponibles dans le commerce sont tous à déconseiller dans le cadre du traitement d’un cancer », insiste la Pr Laurence Zitvogel, immuno­logiste des tumeurs à l’Institut Gustave-Roussy.

Audrey Vaugrente

Audrey Vaugrente

Lire aussi

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter