Yves Martin
AutomobileLa voiture verte fait un flop
L'automobiliste français n'a guère la fibre écolo et rejette toutes taxes ou mesures de réduction de la circulation à visée environnementale. Mais il pourrait changer son comportement s'il était mieux informé.
L’écologie est aujourd’hui au centre de tous les messages des constructeurs automobiles. L’objet de plaisir et de liberté des années 1980, plus ou moins polluant, a laissé sa place à un véhicule propre qui consomme peu, si peu… voire pas du tout quand il s’agit d’une version tout-électrique. Et si, finalement, les publicitaires se trompaient d’argument ? Notre grande enquête européenne (lire l’encadré ci-dessous), dont nous livrons ici les résultats pour la France, révèle que les acheteurs ne sont guère convaincus par la voiture verte et que l’automobiliste tricolore… n’est pas si écolo que ça.
Michèle et Lyazid représentent bien cette tendance générale. Pas vraiment écologistes dans l’âme, ces deux quinquas franciliens ont néanmoins conscience que l’automobile nuit à la planète. Mi-2020, ils décident donc de remplacer leur monospace par un véhicule plus moderne, qui carbure à l’essence plutôt qu’au diesel. Mais à dire vrai, leur choix a d’abord été dicté par l’interdiction de circulation probable du diesel dans certains centres-villes… En outre, leur nouveau SUV compact n’est pas un modèle de sobriété, ce qu’ils n’ignoraient pas avant de signer le bon de commande.
Premier critère d’achat ? Le prix !
Leur comportement résume bien celui des Français en général. Comme pour 45 %* des personnes ayant participé à notre enquête, au moment de l’acquisition d’un véhicule, Michèle et Lyazid privilégient le prix et la remise octroyée par le concessionnaire. Avec seulement un peu plus de 1 % des réponses (1,3 % précisément), l’aspect écologique finit en queue de peloton des préoccupations des conducteurs (11e position sur les 18 critères avancés par les sondés), loin derrière la marque (14 %), le confort (7 %), l’esthétique (7 %) ou encore le type de carburant (6 %).
En fait, c’est peut-être Loïc qui illustre le plus clairement la situation. Ce jeune automobiliste de 23 ans estime en effet qu’« avec ce qu’on sait aujourd’hui sur l’impact environnemental des voitures “propres”, très gourmandes en électricité – qu’il faut bien produire et dont les batteries sont difficiles à recycler –, il est assez hypocrite de revendiquer leur caractère écolo ! » D’autant qu’il garde à l’esprit que plus une automobile est dite « verte », plus elle coûte cher. Ce constat, de nombreux consommateurs le partagent. Notre enquête montre que 63 % de nos compatriotes souhaitent investir moins de 20 000 € dans leur prochaine voiture, un budget totalement incompatible avec le prix d’une hybride rechargeable et, a fortiori, avec celui d’un véhicule électrique récent.
L’hybride ne convainc pas
Ainsi, dans le cadre d’un futur achat, encore 61 % de nos concitoyens opteraient pour une motorisation à combustion (dont 27 % pour un diesel) alors que l’hybride, rechargeable ou non, ne récolterait que 30 % des suffrages. L’électrique obtiendrait moins de 6 % et les énergies alternatives, telles que le GPL ou l’hydrogène (une solution en devenir utilisée soit comme carburant, soit dans une pile à combustible pour produire de l’électricité et alimenter un moteur électrique), ne collecteraient respectivement que 0,5 % et 2 % des intentions. Pire, ceux qui prennent déjà le volant d’une hybride ne sont pas tous entièrement conquis par cette technologie : 18,5 % d’entre eux affirment ainsi vouloir abandonner cette solution et désirent repasser à un modèle classique avec moteur thermique. Et même en tenant compte de tous les aspects environnementaux (fabrication de la voiture et des batteries, consommation, recyclage en fin de vie, émission de bruit…), 16 % des Français déclarent que cela n’exerce aucune influence sur leur décision d’achat.
S’il paraît évident que tout le monde apprécie les aides à l’acquisition d’un véhicule vertueux (le bonus écologique notamment), les mesures gouvernementales et/ou locales destinées à limiter la circulation des versions les plus polluantes ne sont pas du tout du goût des conducteurs hexagonaux. La circulation alternée, basée sur les plaques d’immatriculation, en rebute 58 %. Plus de la moitié (57 %) sont contre l’interdiction de circulation des modèles dotés d’un moteur à combustion en centre-ville et désapprouvent la fermeture permanente des hypercentres à tous les types d’autos (52 %). Malgré tout, 61 % de nos compatriotes sont prêts à moins utiliser la voiture afin d’améliorer la qualité de l’air là où ils vivent.
Les Français réfractaires aux taxes
La contrainte par l’instauration de taxes est massivement rejetée. Deux participants à l’enquête sur trois s’opposent au règlement d’un impôt en fonction de la période de conduite (les véhicules circulant aux heures de pointe paient plus) et 64 % refusent une taxe proportionnelle à la distance parcourue (plus on roule, plus on est taxé). S’en prendre à leur porte-monnaie pour modifier leur comportement n’est donc pas acceptable pour les Français. S’ils se montrent si peu intéressés par l’aspect environnemental, c’est parce qu’ils s’estiment mal renseignés. Presque deux tiers disent n’être pas du tout informés sur l’impact de la production des batteries et des composants d’un véhicule, ni sur la quantité et la nature des émissions rejetées par l’industrie. Ce manque de données, on le retrouve du côté des vendeurs de voitures, qui ne communiquent pas forcément spontanément sur le sujet.
Les comportements peuvent changer
Les automobilistes déclarent aussi ne disposer d’aucune précision sur les législations européennes en matière d’écologie (56 %) et sur les politiques environnementales locales (51 %). Pourtant, depuis 2006, chaque voiture neuve doit arborer une étiquette énergétique avec son niveau d’émissions de CO2. Manifestement, cela ne semble pas suffisant. « Ils ne font qu’y jeter un rapide coup d’œil quand ils détaillent les modèles exposés dans notre show-room », nous indique un vendeur de la région parisienne. L’Europe souhaite mettre en place un « indice global de propreté » qui donnerait une information détaillée sur l’impact environnemental d’un véhicule, tant à l’usage qu’au moment de sa fabrication et de son recyclage. Une démarche plébiscitée par un tiers des Français, qui trouvent très important d’être informés à l’aide d’un système de notation le mesurant. C’est précisément ce que nous proposons avec notre test, publié ci-dessous.
Voiture et environnement • Notre grande enquête
L’UFC-Que Choisir et ses homologues de cinq pays (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie et Portugal) ont été sollicités par l’Union européenne pour participer à une enquête. L’objectif ? Soutenir le développement d’un système de notation globale de l’impact environnemental des voitures visant à récompenser les modèles les plus vertueux (Green NCAP). L’enquête s’est déroulée de janvier à février 2020 (avant le début de l’épidémie de Covid-19) auprès d’un échantillon de personnes âgées de 18 à 75 ans et représentatives de la population française. Les questions portaient sur des aspects liés à l’environnement, à la santé, aux règles et lois, à la pollution automobile et à ses conséquences, aux comportements et aux habitudes liés aux voitures, aux préférences d’achat, etc. Au total, 17 363 questionnaires, sous format physique ou numérique, ont été collectés.
Une notation claire attendue des consommateurs
Green NCAP (Green New Car Assessment Program) est un consortium indépendant né en 2016. L’UFC-Que Choisir est l’un de ses membres.
Sa vocation est d’inciter les constructeurs à développer des véhicules plus sobres et produisant moins d’émissions (polluants divers, particules, gaz à effet de serre…), comme Euro NCAP le fait déjà pour la sécurité des voitures. Il classe donc les modèles selon un barème environnemental qui repose sur des étoiles vertes (de une à cinq étoiles, avec des niveaux intermédiaires d’une demi-étoile).
Cette notation dépend de trois critères : index de propreté de l’air (émissions de polluants nocifs pour la santé), index d’efficacité énergétique (indication sur la consommation de carburant, d’électricité…) et index gaz à effet de serre avec les émissions de N2O (protoxyde d’azote) de CH4 (méthane) et de CO2 (dioxyde de carbone). La note obtenue par les automobiles repose sur des tests réalisés dans des conditions plus sévères que celles imposées par la réglementation. Les cycles de mesures sont modifiés et adaptés pour être plus réalistes et Green NCAP en ajoute un qui simule un trajet sur autoroute. In fine, le consommateur bénéficie d’une information claire et objective. C’est d’ailleurs exactement ce qu’il réclame !
Citadines | Propreté de l'air | Efficacité énergétique | Gaz à effet de serre | Notation |
Note sur 10 | ||||
Renault Zoe R110 Z.E.(41 kWh) Motorisation électrique | 10 | 10 | 10 | |
Toyota Yaris 1.5 Hybrid Motorisation mild-hybride essence/électrique | 6,3 | 7,4 | 5,9 | |
Skoda Fabia 1.0 TSI Motorisation essence | 6 | 6,5 | 5 | |
Volkswagen Polo 1.0 Tsi Motorisation essence | 6,3 | 6,2 | 4,9 | |
Renault Clio TCe 100 Motorisation essence | 4,6 | 6,9 | 5 | |
Peugeot 208 1.2 PureTech 100 Motorisation essence | 4,7 | 6,2 | 5,1 | |
Citroën C3 l.2 Pure Tech 83 ch Motorisation essence | 4,8 | 5,7 | 5 | |
Fiat Panda 1.2 8V Motorisation essence | 4,3 | 5,7 | 4,8 | |
Dacia Sandero SCe 75 Motorisation essence | 4 | 5,7 | 4,9 | |
Opel Corsa l.2 Dl Motorisation diesel | 3,7 | 5,9 | 4,6 | |
Mini Cooper Steptronic Motorisation essence | 4,2 | 4,6 | 3,8 | |
Compactes | ||||
Volkswagen ID.3 Pro 150 kW Motorisation électrique | 10 | 9,6 | 10 | |
Toyota Prius 1.8 Plug-in Hybrid Motorisation hybride rechargeable essence/électrique | 6 | 8,3 | 7 | |
Volkswagen Golf 1.5 TSI Motorisation essence | 6,2 | 6,9 | 5,3 | |
Seat Leon Sportstourer 2.0 TDI DSG Motorisation diesel | 6,7 | 6,5 | 3,6 | |
Audi A3 Sportback l.5 TSI 150 ch Motorisation essence | 6,4 | 5,5 | 4,8 | |
BMW 118i Motorisation essence | 4,5 | 5,6 | 4,7 | |
Mercedes Classe A 180d Motorisation diesel | 4,4 | 6,2 | 3 | |
Honda Civic 1.0 Motorisation essence | 3,1 | 5,1 | 4,3 | |
Routières | ||||
Skoda Octavia Combi 2.0 TDI Motorisation diesel | 6,7 | 7,7 | 4,6 | |
Mercedes Classe C 220d 9G-Tronic Motorisation diesel | 7 | 5,7 | 2,9 | |
Volkswagen Passat 2.0 TDI DSG Motorisation diesel | 4,6 | 6 | 2,1 | |
Monospaces | ||||
Mercedes Octavia Combi 2.0 TDI Motorisation diesel | 7,2 | 1,2 | 0 | |
Opel Zafira Life S 2.0 D Motorisation diesel | 6,8 | 1,3 | 0,1 | |
Volkswagen Transporter 2.0 TDI Motorisation diesel | 5,6 | 0,6 | 0 | |
SUV/4 x 4 | ||||
Hyundai Kona Motorisation électrique | 10 | 10 | 10 | |
Hyundai Nexo hydrogen Motorisation électrique(1) | 10 | 7,3 | 10 | |
Kia Niro 1.6 GDI Plug-in Hybrid Motorisation hybride rechargeable essence/électrique | 4,9 | 7,6 | 6 | |
Toyota C-HR l.8 Hybrid Motorisation mild-hybride essence/électrique | 6 | 6,9 | 5,4 | |
Peugeot 2008 l.2 PureTech 110 Motorisation essence | 5,3 | 5,8 | 4,8 | |
Renault Captur l.3 l TCe 130 Motorisation essence | 5,1 | 5,3 | 4,7 | |
Nissan Qashqai 1.3 DIG-T Motorisation essence | 6,1 | 4,5 | 4,1 | |
Honda CR-V 20 i-MMD Hybrid Motorisation mild-hybride essence/électrique | 5,3 | 4,2 | 4,1 | |
Mazda CX-30 SkyActiv-X 180 Motorisation essence | 4,6 | 4,7 | 4 | |
Dacia Duster Blue dCi 115 Motorisation diesel | 5,1 | 5,1 | 2,8 | |
Suzuki Vitara 1.0 Boosterjet Motorisation essence | 3,3 | 4,9 | 4,2 | |
Peugeot 3008 l.5 BlueHDI 130 Motorisation diesel | 4,3 | 5,3 | 2,8 | |
Ford Kuga 2.0 EcoBlue Hybrid Motorisation mild-hybride essence/électrique | 4,7 | 5,8 | 1,8 | |
BMW X1 xDrive l8d Motorisation diesel | 6,9 | 4,7 | 0 | |
Mazda CX-5 SkyActiv-G 165 Motorisation essence | 3,8 | 4,1 | 3,7 | |
Mitsubishi Outlander 2.4 Plug-in Hybrid 4x4 CVT Motorisation hybride rechargeable essence/électrique | 3,9 | 3 | 4 | |
Jeep Renegade l.6 Multijet Motorisation essence | 4,9 | 4,7 | 0,8 | |
Volvo XC60 B4 Diesel 4 x 4 Motorisation diesel | 6,7 | 2,5 | 0 | |
Hyundai Tucson 1.6 GDI Motorisation diesel | 2,6 | 2,8 | 3,4 | |
Land Rover Discovery Sport Dl80 Motorisation diesel | 5,8 | 2 | 0,6 | |
Kia Sportage 1.6 CRDi 4 x 4 Motorisation diesel | 3,4 | 3,2 | 0,1 |
(1) moteur alimenté par une pile à combustible à hydrogène.
* Pour plus de confort, nous avons arrondi les résultats donnés en pourcentage.
Sandrine Girollet
Observatoire de la consommation
Lars Ly
Rédacteur technique