ENQUÊTE

AntibiotiquesComprendre l’antibiorésistance

Depuis leur découverte au XXsiècle, les antibiotiques ont sauvé des millions de vies. Mais leur efficacité est aujourd’hui mise à mal par le développement rapide d’un fléau encore sous-estimé : l’antibiorésistance.

La résistance aux antibiotiques, c’est quoi ?

Il s’agit de la capacité d’une bactérie à continuer de se multiplier en présence d’un antibiotique, pourtant censé l’éradiquer. Dans la nature, les antibiotiques sont des molécules produites par des micro-organismes (bactéries, champignons, etc.) pour éliminer leurs compétiteurs dans leur niche écologique. Mais il arrive parfois que des bactéries contre-attaquent en développant des mécanismes de résistance. Cette bataille permanente des micro-organismes pour leur survie est une des clés de la biodiversité. Mais l’arrivée des antibiotiques de synthèse (fabriqués par l’homme) et, surtout, leur utilisation massive à partir des années 1950, ont perturbé cet équilibre, en favorisant l’apparition de « super germes », c’est-à-dire résistants à plusieurs classes d’antibiotiques, voire, dans certains cas, à toutes les classes d’antibiotiques.

L’environnement, réservoir de l’antibiorésistance

Remède miracle, l’usage des antibiotiques a été étendu à toutes les infections bactériennes, même bénignes, contribuant largement à l’apparition de bactéries résistantes. Mais c’est aussi leur usage vétérinaire intensif qui a accentué leur diffusion dans l’environnement. En effet, hommes et animaux rejettent, via leurs déjections dans les eaux usées, une grande partie des antibiotiques absorbés, ainsi que des bactéries devenues résistantes lors des traitements, polluant ainsi nappes phréatiques, rivières et océans.

Une menace mondiale pour la santé

Si la résistance aux antimicrobiens se généralisait, des infections, même sans gravité, deviendraient impossibles à soigner. On estime d’ores et déjà que ce fléau provoque 700 000 décès, chaque année, dans le monde. On pourrait atteindre 10 millions de morts en 2050, soit autant que le cancer aujourd’hui. « Ces projections, bien que très théoriques, sonnent comme un signal d’alarme, juge Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans certaines régions du globe, 70 à 90 % des habitants sont porteurs de bactéries antibiorésistantes, alors que la prévalence de ce phénomène dans des situations identiques ne s’élève qu’à 5 % en France. » Un chiffre encourageant, mais l’épidémie de Covid-19 nous a montré que des souches infectieuses, résistantes ou non, pouvaient se diffuser très vite.

La lutte s’organise... lentement

Face à la perte d’efficacité des antibiotiques disponibles, la première idée est de découvrir de nouvelles molécules, mais c’est une course sans fin. « Les bactéries finissent toujours par trouver la parade, constate Jean-Yves Madec. La lutte contre l’antibiorésistance passe donc d’abord par l’optimisation de la consommation de ces médicaments. » Et les marges de progression sont considérables. Il faut commencer par limiter drastiquement leur emploi dans le monde animal, car de nombreux pays s’en servent encore comme facteurs de croissance (c’est interdit en Europe depuis 2006). En France, les plans EcoAntibio 1 et 2 ont déjà permis une réduction de 40 % des prescriptions vétérinaires, voire de 80 % pour certaines substances. Revers de la médaille, notre pays compte parmi les plus gros consommateurs d’antibiotiques en médecine humaine. Le slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique » peine à se concrétiser dans les pratiques.

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