Élisabeth Chesnais
Rénovation énergétiqueLes qualifications officielles RGE et Cofrac en question
Tous les intervenants d’une rénovation globale sont labellisés RGE ou accrédités Cofrac. Cela n’empêche pas la fraude. Alors que se passe-t-il avec ces qualifications officielles exigées pour toucher les aides ?
Un professionnel doit être auditeur RGE (1) pour effectuer un audit énergétique avant travaux dans le cadre d’une rénovation globale, entrepreneur RGE pour réaliser ce type de chantier, et accrédité Cofrac s’il veut obtenir le statut de bureau de contrôle. La fraude serait donc impossible sans la participation massive d’entreprises qualifiées et de prestataires agréés. Or, le gouvernement s’obstine à exiger comme préalable au versement de MaPrimeRénov’ que ces interventions soient menées par des établissements RGE. « La non-qualité des travaux et les détournements financiers proviennent d’entités RGE qui arrivent sur le marché dans le but d’amasser de l’argent, sans respecter les règles de l’art », constate pourtant Florence Lievyn, présidente du Groupement des professionnels des certificats d’économies d’énergie.
Production de Faux
Il est vrai que devenir RGE est en grande partie une affaire de documents, en plus de l’examen théorique. Certains se sont fait une spécialité des faux statuts, des faux clients, des faux devis, des fausses factures et… de la fausse identité. Quant aux contrôles diligentés par l’organisme délivrant la qualification, ils se font dans un des cinq chantiers que l’entreprise candidate propose. Ce n’est pas le moyen le plus objectif de s’assurer de sa compétence. « Nous ne sommes pas officiers de justice. Quand un candidat présente sa carte d’identité en salle d’examen, nous n’avons aucun moyen de vérifier si elle est authentique, plaide Gaël Parrens, vice-président de Qualit’EnR, un des acteurs du secteur. Les fraudeurs sont très organisés. Ils savent présenter un dossier conforme reposant sur de faux documents. Lorsque les critères de qualification sont remplis, on n’a pas d’autre choix que d’accorder la mention RGE. Ils ne peuvent être coincés que par la police, la répression des fraudes ou le fisc. Il nous manque le soutien de l’État. »
Sous-traitance en cascade
Une fois qualifiées RGE, les entreprises du bâtiment qui participent aux fraudes prennent officiellement en charge des chantiers de rénovation énergétique, puis les sous-traitent souvent à des structures qui emploient des travailleurs étrangers ne maîtrisant pas, ou peu, le français, et ne possédant pas toujours les compétences requises. C’est toutefois sans conséquences. Comme la vérification réglementaire de l’audit préalable à la rénovation a été conduite par un bureau de contrôle accrédité Cofrac, mais complice, et qu’une société RGE a soi-disant exécuté les travaux,
le dossier est parfait. Il est validé par l’Administration. S’en prendre aux seuls organismes de qualification ou d’accréditation serait cependant injuste. Eux ne font qu’appliquer les procédures réglementaires.
Bureaux de contrôle partiaux
Le Cofrac est la seule instance d’accréditation en France. Il s’assure de la compétence et de l’impartialité des organismes candidats. « Depuis ses 30 ans d’existence, je n’avais jamais été confrontée aux dérives que nous découvrons dans la rénovation énergétique. Il y a des bureaux de contrôle qui ne remplissent pas leur mission avec la rigueur technique et l’impartialité attendues, affirme Carole Toussaint, directrice de la section inspection. Actuellement, 48 bureaux de contrôle sont accrédités dans ce secteur. Nous avons suspendu six accréditations cette année, nous en avons retiré une et refusé quatre demandes. » Aussi surprenant que cela paraisse et jusqu’à l’arrêté du 13 juin 2023 qui l’interdit, un dirigeant de bureau de contrôle pouvait également être patron d’une entreprise de travaux, mandataire ou demandeur de CEE. Autrement dit, juge et partie. Un vrai boulevard pour la fraude…
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(1) Changement en 2024 : tous les audits avant travaux seront réalisés par des professionnels accrédités Cofrac.