Roselyne Poznanski
Réforme du 100 % santéFaut-il en profiter pour faire des économies sur sa mutuelle santé ?
Avec la réforme du 100 % santé, il va être possible de se soigner sans bourse délier sur certains postes (optique, dentaire ou audiologie). L’apparition de cette offre nouvelle n’est-elle pas l’occasion de réviser les garanties de sa complémentaire santé individuelle responsable, donc de réaliser quelques économies substantielles ?
À partir du 1er janvier 2020, toutes les personnes couvertes par un contrat complémentaire santé responsable vont, de facto, accéder aux offres 100 % santé qui vont se déployer. Certains équipements optiques, certaines prothèses dentaires et certaines aides auditives, dispositifs coûteux, peu ou mal remboursés, vont ainsi être pris en charge à 100 %, c’est-à-dire sans aucun reste à charge pour les patients, par l’Assurance maladie d’une part et par les assureurs santé d’autre part. Cette avancée sociale va bénéficier aux salariés couverts dans le cadre de leur entreprise par un contrat de groupe obligatoire, aux personnes qui peuvent accéder à la nouvelle Complémentaire santé solidaire (CSS) de par leurs faibles niveaux de ressources, et à tous les souscripteurs d’un contrat santé individuel et responsable.
Or, et c’est une différence majeure par rapport aux salariés ou aux bénéficiaires de la CCS, les souscripteurs d’un contrat individuel ont toute latitude pour agir sur leur contrat. Il en va ainsi des seniors, mais aussi des indépendants, des professionnels libéraux et, entre autres, des micro-entrepreneurs. Autrement dit, ils peuvent réviser leurs garanties, à la hausse ou à la baisse, en fonction de leurs besoins de santé ou du budget qu’ils peuvent y consacrer. D’où la question bien légitime à se poser : à l’aune du 100 % santé et de ses prestations gratuites, ne faut-il pas baisser le niveau général de ses garanties, ou celui de ses options ou de ses « renforts » si le contrat en comporte, afin de réaliser de substantielles économies ? La réponse appelle plusieurs éléments.
Le 100 % santé ne fait pas tout
En premier lieu, il est important de faire la différence entre ce qui ressort du champ d’application de la réforme et ce qui en est exclu. En effet, aussi pertinente et utile socialement soit-elle, la réforme du 100 % santé porte sur certains équipements bien définis, pas sur toute la gamme des soins. Dès lors, il convient de raisonner « par construction, en réexaminant ses garanties par rapport à ses besoins, mais non en regard de l’insertion obligatoire des offres “zéro reste à charge” dans tous les contrats responsables », souligne Yves Poquet, directeur technique et produits de Macif-Mutualité. Ainsi, les personnes attentives au poste hospitalisation ou aux consultations avec dépassements d’honoraires, par exemple, qui ont fait le choix d’un certain niveau de garanties pour avoir un reste à charge le moins contraignant possible ou même nul, n’ont pas intérêt à réviser à la baisse le niveau actuel de leur contrat ou de leurs options. En effet, pour ces postes de soins comme pour beaucoup d’autres (actes paramédicaux, médicaments, cure thermale…), la réforme du 100 % santé ne change rien.
Une question d’acceptation
Ensuite, il convient de bien comprendre ce que représentent vraiment les offres 100 % santé, autrement dit, quels sont les équipements éligibles et, dans une certaine mesure, s’il est opportun de les choisir systématiquement. Pierre François, directeur général de SwissLife prévoyance et santé, reconnaît « que l’on peut se dire qu’avec les nouvelles offres sans reste à charge, on aura tout ce qu’il faut ». Mais d’ajouter aussitôt : « Est-on sûr d’accepter les montures et les verres 100 % santé, dont les caractéristiques esthétiques et techniques seront extrêmement cadrées ? » Dans ce même esprit, chacun doit se poser la question de savoir s’il est ou non d’accord avec la pose de couronnes métalliques, et non de couronnes céramo-métalliques, sur des dents autres que celles du sourire, tel que le prévoit la réforme ? Une chose est sûre : même s’ils ne sont pas décriés côté qualité, les caractéristiques de ces équipements gratuits (matériaux, technologies et emplacement des dents) ne feront pas forcément l’unanimité. « Un certain nombre de personnes ne seront probablement pas intéressées par ces offres, explique Pascale Soyeux, directrice santé et prévoyance chez Covéa. Dès lors, elles n’ont aucun intérêt à changer de formule, sauf réajustements fonction de leurs objectifs personnels. »
Une attitude fonction du niveau de garanties
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte le niveau de garanties auquel on a souscrit. Pour les personnes qui disposent de contrats peu chers ou contrats d’entrée de gamme généralement peu couvrants, l’apparition des offres 100 % santé va venir, c’est fort probable, enrayer la spirale du renoncement aux soins (c’est toute l’ambition de cette réforme) ou combler des manques : inutile dans ce cas de changer quoi que ce soit. À l’inverse, les personnes ayant opté pour des contrats haut de gamme afin d’atteindre des niveaux de remboursement élevés, et qui payent cher leur contrat santé, peuvent avoir intérêt à le revisiter si elles adhèrent aux modalités des offres 100 % santé. Un raisonnement particulièrement opportun pour les aides auditives, équipements onéreux suscitant de forts restes à charge et pour lesquels « il faut aujourd’hui aller chercher des garanties élevées si l’on veut avoir un niveau de remboursement correct », selon Yves Poquet. Demain, à la faveur du 100 % santé, dont le volet audio suscite l’unanimité chez les professionnels de santé, il devient clairement inutile de conserver un haut niveau de garanties si ce dernier a précisément été souscrit pour capter de forts remboursements sur cet équipement.
Comment modifier son niveau de garanties ?
En attendant l’entrée en vigueur de la résiliation à tout moment des contrats complémentaires santé, sans frais ni pénalités, prévue pour la fin 2020, revisiter son niveau de garanties à la baisse (ou à la hausse…) suppose d’être un tantinet vigilant. En effet, cette opération ne peut généralement se faire qu’à la date d’échéance du contrat, en respectant un délai de 2 mois avant cette date et par lettre recommandée avec accusé de réception. De plus en plus d’assureurs acceptent soit une modification des garanties en cours d’année, soit la prise d’options ou de renforts supérieurs : un avenant au contrat initial, avec édition d’une nouvelle grille de tarif, est alors établi. Les nouvelles garanties souscrites font souvent l’objet de délais de carence : elles ne s’appliquent donc pas du jour au lendemain, mais au terme de quelques mois.