Olivier Puren
Impôt à la sourceComment le réduire si vos revenus baissent
Les contribuables peuvent demander à l’administration fiscale de diminuer leur impôt à la source si leurs revenus chutent. Le point sur les conditions à remplir et sur la marche à suivre pour bénéficier de cette option en 2021.
La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 va impacter durablement l’économie française. Avec, à la clé, une baisse de revenus importante pour des millions d’actifs, en particulier ceux travaillant dans les secteurs les plus touchés par les mesures de restriction prises pour lutter contre la propagation du coronavirus (hôtellerie, restauration, tourisme, aéronautique, culture, etc.). Comme en 2020, des milliers de salariés subiront le chômage partiel ou perdront leur emploi en 2021, et de nombreux commerçants, artisans ainsi que professionnels libéraux verront leur chiffre d’affaires baisser nettement, voire devront fermer boutique. Si vous êtes concerné, vous pourrez demander à l’administration fiscale, dès le 1er janvier 2021, de diminuer le montant des impôts prélevés à la source sur vos revenus. Selon votre situation, vous obtiendrez une baisse de votre taux de prélèvement ou un allègement du montant des acomptes d’impôt prélevés sur votre compte bancaire. Cela vous permettra de compenser en partie vos pertes et d’améliorer votre trésorerie.
Calcul du taux de prélèvement ou des acomptes mensuels
Le prélèvement à la source, en vigueur depuis janvier 2019, est censé faciliter le paiement de vos impôts. Fini, le décalage d’un an entre la perception de vos revenus et leur imposition. Vous payez désormais ce que vous devez au fisc immédiatement. Si vous êtes salarié, c’est votre employeur qui prélève votre impôt sur le salaire qu’il vous verse mensuellement, et si vous êtes travailleur indépendant, c’est le fisc qui le ponctionne chaque mois ou chaque trimestre sur votre compte bancaire.
L’actualisation du fisc n’est pas immédiate
Salarié, votre taux de prélèvement à la source est calculé sur la base des revenus que vous avez perçus lors des deux dernières années, et non pas en fonction de ceux de l’année en cours. Ainsi, le taux appliqué aux salaires que vous toucherez entre janvier et août 2021 dépendra des revenus que vous avez perçus en 2019. Et le taux actualisé, sur vos bulletins de paie de septembre à décembre 2021, sera fonction de vos revenus encaissés en 2020.
Résultat, si vous gagnez moins l’an prochain, votre taux de prélèvement, lui, ne baissera qu’en septembre 2022 – soit lorsque le fisc l’actualisera, à partir de vos revenus touchés en 2021 et déclarés au printemps 2022. Vous risquez donc de payer trop d’impôts à la source en 2021 par rapport à ce que vous devez réellement… et d’avoir à patienter jusqu’à l’été 2022 pour être remboursé des sommes versées en trop. De même, si vous êtes licencié en 2021, vous payerez sans doute trop d’impôts à la source sur vos allocations-chômage, car les sommes prélevées par Pôle Emploi seront fixées à partir d’un taux ne reflétant pas votre nouvelle situation.
Les entrepreneurs doublement pénalisés
Commerçant, artisan ou professionnel libéral, votre taux de prélèvement ne dépend pas de vos bénéfices de l’année en cours mais des derniers déclarés. Autrement dit, vous êtes imposé à la source non seulement d’après un « taux historique », comme les salariés, mais aussi sur une « assiette historique », correspondant à vos bénéfices des deux dernières années. Les acomptes d’impôt qui seront prélevés en 2021 seront, en effet, déterminés sur la base de vos bénéfices imposables de 2019 (jusqu’en août) et de 2020 (à partir de septembre), et non sur ceux de 2021. Cette assiette étant figée, vous serez doublement pénalisé si vos bénéfices chutent en 2021, car vous paierez des impôts calculés à un taux et sur une base trop élevés.
Modulation à la baisse des retenues ou acomptes
Vous pensez gagner moins en 2021 qu’en 2019 et/ou en 2020 ? Demandez une modulation à la baisse de votre taux de prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2021. Cela vous évitera de consentir une avance d’impôt au fisc, et de devoir attendre plus d’un an avant de la récupérer. Pour cela, vous vous connecterez à votre espace personnel sur le site des impôts, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source », sous-rubrique « Actualiser suite à une hausse ou une baisse de vos revenus ». Vous effectuerez une déclaration estimative de vos revenus et charges de 2021, ainsi que de vos revenus et charges de 2020 si votre demande intervient avant le dépôt de votre déclaration de cette année.
Une diminution de taux sous conditions
Cette démarche permettra de recalculer le montant de vos prélèvements à la source (retenues et acomptes) dus en 2021 en tenant compte de la baisse estimée de vos revenus. Le fisc comparera le résultat obtenu à la somme des impôts que vous auriez dus en l’absence de demande de modulation. Si l’écart entre les deux est supérieur à 10 %, il déterminera un nouveau taux de prélèvement (plus faible !). Ce dernier sera transmis à votre employeur (ou à Pôle Emploi), afin qu’il soit appliqué à vos salaires (ou à vos allocations-chômage) jusqu’en décembre 2021. En revanche, si le seuil de 10 % n’est pas atteint, votre demande de modulation sera rejetée. Votre taux de prélèvement ne sera pas modifié. L’impôt à la source éventuellement payé en trop en 2021 vous sera restitué durant l’été 2022.
Une modulation rétrospective des acomptes
Si vous êtes travailleur indépendant et remplissez les conditions pour obtenir une baisse de taux, votre demande entraînera aussi une diminution du montant des acomptes d’impôt prélevés chaque mois ou trimestre sur votre compte bancaire. Le fisc établira un nouvel échéancier de versement, en appliquant le taux recalculé aux bénéfices indiqués dans votre ou vos déclarations estimatives de revenus. Au cas où votre demande interviendrait en cours d’année, il sera tenu compte des acomptes payés depuis le 1er janvier 2021 pour déterminer ceux, résultant de la modulation, qu’il restera à verser jusqu’à la fin de l’année. Et si vous avez déjà trop payé par rapport à ce que vous devez après modulation, le fisc cessera les prélèvements sur votre compte bancaire. Les acomptes excédentaires payés en 2021 vous seront alors remboursés à l’été 2022, lors du calcul de l’impôt définitif sur vos bénéfices de 2021.
Exemple. En 2019 et en 2020, vous avez réalisé un bénéfice imposable de 60 000 €. Votre taux de prélèvement à la source étant de 15 %, vos acomptes d’impôt de 2021 s’élèvent à 9 000 € (60 000 € x 15 %), payables en 12 mensualités de 750 € de janvier à décembre 2021 (9 000 €/12). À la fin du deuxième trimestre 2021, vous vous rendez compte que votre bénéfice de l’année sera en baisse de 20 % (48 000 €). En juillet, vous faites une déclaration estimative de vos revenus et charges de 2021 qui aboutit à réduire votre taux de prélèvement à 12 %, et vos acomptes d’impôt à 5 760 € (48 000 € x 12 %). Le fisc établira donc un nouvel échéancier du restant dû à partir d’août 2021, lequel tiendra compte des 5 250 € d’acomptes déjà payés entre janvier et juillet (750 € x 7). Par conséquent, il vous restera 510 € à régler (5 760 € - 5 250 €), payables en cinq mensualités de 102 €, d’août à décembre 2021 (510 €/5).
Interruption des acomptes
Si le contexte économique vous conduit à cesser votre activité indépendante en 2021, le Trésor public ne le saura qu’en 2022, lorsque vous aurez déposé votre déclaration des revenus. Il continuera donc de prélever des acomptes d’impôt sur votre compte bancaire jusqu’en août 2022, bien que vous ne perceviez plus de bénéfices. Vous aurez cependant la possibilité de lui demander d’interrompre les ponctions en vous connectant à votre espace personnel sur le site des impôts, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source », sous-rubrique « Gérer vos acomptes ». Elles cesseront alors à compter du versement mensuel ou trimestriel suivant le mois de dépôt de votre demande. Parallèlement, vous devrez remplir une déclaration de vos bénéfices réalisés en 2021 dans un délai de 45 ou 60 jours, selon la nature de votre activité et votre régime d’imposition. Le fisc pourra ainsi calculer immédiatement l’impôt sur vos derniers bénéfices, et vous réclamer le solde éventuellement dû, compte tenu des acomptes que vous aurez déjà réglés depuis janvier 2021.
Autre solution. Si vous connaissez des mois difficiles, il sera possible de solliciter auprès de l’administration fiscale le report d’au maximum trois échéances d’acomptes d’impôt sur la suivante en cas de paiement mensuel, ou d’une échéance sur la suivante si vous avez opté pour des acomptes trimestriels. Ce report vous sera accordé de plein droit, sans que vous ayez à justifier votre requête. Il interviendra, là encore, dès l’échéance qui suit le mois de la demande. Cela vous permettra d’adapter les modalités de paiement de votre impôt à la source à vos encaissements et d’optimiser votre trésorerie les mois où vous en aurez le plus besoin.
Seule limite, cette option ne pourra pas vous permettre de reporter le paiement de vos échéances de 2021 sur 2022. Autrement dit, vous n’aurez pas la possibilité de demander le report de votre dernier acompte d’impôt mensuel (payable le 15 décembre 2021) ou de votre ultime acompte trimestriel (réglable le 15 novembre 2021).
Régularisation de l’impôt sur vos revenus 2020
L’impôt que vous avez réglé à la source cette année, sous forme de retenues ou d’acomptes, dépend de votre situation fiscale de 2018 (de janvier à août) et de 2019 (de septembre à décembre). Vous avez donc sans doute été trop taxé si, en 2020, vos salaires ou vos bénéfices ont baissé par rapport aux années précédentes. Dans ce cas, le trop-perçu vous sera restitué dans le courant de l’été 2021.
En pratique. Le Trésor public calculera l’impôt définitif dû par votre foyer fiscal sur vos revenus 2020 selon les éléments que vous inscrirez dans votre déclaration au printemps prochain. Il comparera ensuite son montant à la somme des retenues et acomptes d’impôt payés cette année par les membres de votre foyer. Si le solde obtenu est négatif, l’excédent vous sera remboursé en juillet 2021. En revanche, si le solde est positif, vous devrez verser un complément d’impôt entre septembre et décembre prochains.
Gare aux sanctions !
Attention, si vous obtenez une baisse excessive de vos prélèvements à la source en 2021, vous risquez d’être sanctionné en 2022, lorsque le fisc calculera l’impôt définitif dû sur vos revenus de 2021… Si votre demande de modulation a abouti à vous faire payer un impôt à la source inférieur de plus de 10 % au montant que vous auriez dû régler, vous supporterez une pénalité égale à 10 % des prélèvements non réglés à tort. Et si vous avez payé un impôt à la source inférieur de plus de 30 % au montant que vous auriez dû régler, son taux sera majoré. Cette pénalité s’appliquera que vous ayez sous-estimé volontairement vos revenus ou que vous vous soyez trompé dans leur estimation. Dans ce dernier cas, toutefois, vous pourrez échapper à la sanction en prouvant que votre erreur a été commise de bonne foi, et qu’elle est liée à des évènements difficilement prévisibles à la date où vous aviez demandé une modulation. Vous échapperez aussi à toute sanction en dessous de 10 % d’erreur.
Bon à savoir
➔ Si votre logement n’est pas équipé d’un accès à Internet ou si vous n’avez pas encore créé de compte personnel sur le site des impôts, vous pouvez demander une baisse de vos prélèvements à la source par courrier adressé à votre centre des finances publiques, ou en vous rendant sur place. Vous pouvez également contacter le fisc par téléphone au 0809 401 401 (appel non surtaxé).
➔ Si vous avez déjà demandé une réduction de votre taux de prélèvement à la source en 2020, le nouveau taux calculé par le fisc s’appliquera uniquement aux revenus perçus jusqu’en décembre 2020. Dès janvier 2021, en revanche, c’est le taux défini à partir de votre déclaration des revenus de 2019 qui s’appliquera. S’il est, selon vous, supérieur à celui que vous devriez supporter au vu des revenus que vous encaisserez en 2021, renouvelez votre demande de baisse de taux.