Florence Humbert
1855.comLa coupe est pleine
Que Choisir alerte régulièrement ses lecteurs sur les pratiques commerciales douteuses de 1855.com. Malgré plusieurs procédures en cours (dont une plainte déposée par l’UFC-Que Choisir), ce site de vente de vin en ligne est toujours en droit de poursuivre son activité. Actuellement en redressement judiciaire, la société est en période d’observation. Honore-t-elle pour autant ses commandes ? Pas vraiment.
Depuis 2007, Que Choisir rend compte régulièrement des multiples péripéties judiciaires auxquelles fait face le site de vente de vins en ligne 1855.com : commandes de bordeaux primeurs jamais honorées, recapitalisation hasardeuse, changements incessants de raison sociale… Bien qu’en cessation de paiement depuis avril 2012, ce n’est qu’en octobre dernier que l’entreprise et ses filiales (ChateauOnline, CavePrivée, Chais de la transat) ont enfin été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Une décision obtenue de haute lutte par les avocats des centaines de clients floués par ces sites et qui ont passé commande, ont payé mais n’ont jamais été livrés de leurs vins ! Un préjudice qui est estimé à plusieurs millions d’euros. Étrangement, le président du tribunal n’a pourtant pas jugé utile de démettre de leurs fonctions Emeric Sauty de Chalon et Fabien Hyon, respectivement président et directeur général de 1855.com. Ils peuvent donc poursuivre leurs activités de vente de vins en ligne (hormis les primeurs), le mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire désignés par le tribunal de commerce n’ayant qu’un rôle d’observateur. Il suffit donc de taper 1855.com sur n’importe quel moteur de recherche pour arriver sur une page d’accueil proposant une vinothèque exceptionnelle, qui va du « petit bordeaux » à 4,95 €, au Château Lafite Rothschild impériale 2001 à 16 800 € ou à la Romanée Conti à 8 303,70 €, avec livraison promise sous 10 jours ! Mais quelles garanties peuvent attendre les consommateurs naïfs qui se laisseraient encore tenter par ces offres alléchantes ?
Pour en avoir le cœur net, Que Choisir a décidé de passer commande le 23 mars dernier, par l’intermédiaire d’un compte privé ouvert au nom d’un collaborateur. Notre choix se porte donc sur une sélection de quatre bouteilles de bordeaux (voir encadré), qui étaient toutes proposées avec la mention « en stock », suivi de la quantité de bouteilles disponibles. Pour valider la commande, 1855 nous demande de créer un compte client, opération qui se déroule sans problème. Nous sommes ensuite invités à régler le montant de notre panier (110,70 €), par carte de crédit. Pas de souci non plus à ce stade, la transaction est validée par la banque et acceptée par le site. C’est ensuite que les choses commencent à se gâter : l’e-mail de confirmation que nous recevons en retour est totalement illisible (code HTML brut), ce qui ne manque pas de nous inquiéter. D’autant que nous constatons, quelques jours plus tard, que le montant de la transaction a déjà été débité de notre compte bancaire. En revanche nous n’avons encore reçu aucun avis de livraison ! Pour vérification, nous nous connectons sur notre compte 1855. Notre commande figure bien, mais le délai d’expédition, initialement prévu sous 24 heures, s’est allongé à deux ou trois semaines ! Un mois plus tard, toujours aucune nouvelle des vins soi-disant en stock… Conformément aux indications du service client du site, nous tentons alors de contacter « Chloé, Émilie, Katiuscia ou Armand » par téléphone pour connaître le statut de notre commande. En vain, leur boîte vocale ne pouvant plus recevoir de message et nous priant de « rappeler ultérieurement ».À en croire notre expérience, 1855.com continue donc impunément à engranger des commandes qui ne sont pas honorées (le seront-elles jamais ?) tout en encaissant les paiements correspondants. Une pratique qui, normalement, tombe sous le coup de la loi. Selon Maître Hélène Poulou, en charge de la défense de 300 clients lésés par le site, nous serions loin d’être les seuls pigeons à se faire encore piéger. « J’ai quelques échos selon lesquels des commandes passées après la mise en redressement judiciaire ne sont pas livrées », affirme-t-elle. Une situation qui a, malheureusement, quelques chances de perdurer, puisque la « période d’observation » de la société peut se prolonger jusqu’à 18 mois. À moins que le parquet de Paris qui a ouvert en mars dernier une enquête préliminaire pour des motifs de tromperie, escroquerie et abus de confiance, n’accélère la fin d’un site qui de toute évidence n’a pas sa place dans le e-commerce.
Notre commande
1 bouteille Domaine de Chevalier 2007 – Pessac Léognan rouge : 39,95 €
1 bouteille Château Poujeaux 2007 – Moulis-en-Médoc rouge : 21,95 €
1 bouteille Lacoste Borie 2011 – Pauillac rouge : 16,95 €
1 bouteille Lacoste Borie 2007 – Pauillac rouge : 19,95 €
Frais de livraison : 11,90 €
Total : 110,70 €
Dernière minute
Étrange ! Dix heures après la mise en ligne de notre article sur les pratiques de 1855.com, un livreur sonne à la porte de notre collaborateur, avec un colis de trois des quatre bouteilles commandées. Mieux vaut tard que jamais même si une bouteille manque toujours à l’appel. Mais pour une commande qui devait initialement être honorée dans les 24 heures, puis sous 2 à 3 semaines, on en est à plus d’un mois. Et encore partiellement alors que, le jour de notre commande, le site annonçait que les bouteilles étaient en stock. Bizarre, bizarre…