Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Fin septembre, les conclusions de la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, qui a auditionné l’UFC-Que Choisir, devraient être rendues. Parmi les propositions, devrait figurer, selon certaines fuites médiatiques, la mise en place d’une taxe sur le sel afin d’inciter les fabricants à réduire son utilisation dans leurs produits… Après la taxe soda, le retour de la gabelle ? Si la logique consumériste d’une telle taxe a toujours été soutenue par l’association, est-ce néanmoins LA mesure miracle ? J’en doute fortement.
A la barre des premiers accusés, s’agissant des maladies cardiovasculaires qui coûtent de 12 à 15 milliards d'euros par an selon l'Assurance-Maladie, on retrouve en effet le sel ! Consommé en surdose par les français (en moyenne 2 fois plus que les recommandations de l’OMS), présent en trop grande quantité dans notre alimentation, notamment dans les produits transformés comme le soulignent les tests de l’association, le sel fait l’objet depuis des lustres d’engagements volontaires de la part des industriels… Or, l’échec de l’autorégulation est cinglant : aucune réduction de la quantité de sel n’ayant été recensée sur ces dernières années comme le dénonce l’association mais aussi les autorités comme l’ANSES. Afin d’endiguer ce bien triste constat, l’UFC-Que Choisir demande des mesures contraignantes avec des objectifs réglementaires de réduction et des sanctions en cas de non-respect. Après la fin de non-recevoir opposée au cours du débat parlementaire sur la loi EGalim, voilà donc qu’apparaît, à la veille de l’adoption de cette Loi, une proposition de taxe sur le sel, en attendant les autres mesures proposées… Vous avouerez qu’il aurait été préférable de les inscrire dans ce texte « alimentation » plutôt que de les proposer une fois celui-ci adopté… Car l’addition des espoirs d’action législative envolés, en matière alimentaire, commence à devenir vraiment salée.
Surtout, hasard du calendrier, cette proposition intervient alors que la mise en œuvre de la nouvelle taxe soda (entrée en vigueur cet été) est riche d’enseignement. Elle a ainsi montré le contournement de l’objectif par les industriels. En effet, Coca Cola a ainsi profité de cette taxe pour réduire la taille de ses bouteilles (1,25 litre, au lieu de 1,5 ; 1,75 litre au lieu de 2) sans réduire le prix, voire en l’augmentant… Alors que la taxe devait aboutir à une augmentation de prix de 8%, à un « signal prix », à l’arrivée c’est 15% d’inflation dissimulée. Finalement la taxe soda permet aux professionnels de se sucrer au passage…
Bref, entre le rendez-vous législatif manqué s’agissant de la loi Alimentation, et une proposition de taxe bien maigre comparée aux objectifs sanitaires de réduction de sel, les réformes en matière alimentaire ne peuvent être plus maigres. Alors que 12 millions de Français souffrent d’hypertension, de diabète, d’obésité, de maladies cardiovasculaires, occasionnant un coût humain et économique colossal, à quand un courage politique pour obtenir enfin une réduction de teneur en sucre, sel, matières grasses de l’offre alimentaire industrielle ?
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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