Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Si, en amour, la durée a du bon, en termes de forfaits mobiles, elle constitue surtout un repoussoir. La bague au doigt, pourquoi pas, les pieds et poings liés, sûrement pas !
Bien que les forfaits avec engagement gardent un attrait auprès des consommateurs (déclinant, néanmoins, puisqu’aujourd’hui la part des forfaits avec engagement est devenue minoritaire), c’est que la souscription à de tels forfaits s’accompagne généralement de l’acquisition d’un terminal dit « subventionné », moins cher que son prix « nu » sur le marché.
Or, sans remettre en cause le principe de la subvention – qui peut correspondre à l’attente de certains consommateurs –, l’UFC-Que Choisir a, à maintes reprises, mis en lumière le fait que, sur la période d’engagement, la bonne affaire que le joli terme « subvention » laisse entendre était loin d’être au rendez-vous… Parlant de crédit déguisé, nous avons systématiquement demandé la transparence sur ce type de contrat, notamment pour que soient distinguées, dans le forfait, la partie relevant du paiement du terminal (qu’il fasse ou non apparaître un taux d’intérêt, d’ailleurs), et celle correspondant à la prestation de services (appels, SMS, Internet). Au-delà de la transparence informative, cela aurait en outre une vertu majeure : que le paiement du terminal cesse une fois la période d’engagement passée !
Saisie à la suite d’un conflit déjà ancien entre deux opérateurs (Free et SFR), la Cour de cassation vient de souligner, dans un arrêt en date du 7 mars, que dans certaines conditions, ce mécanisme de la subvention pouvait bel et bien être assimilé à une opération de crédit. Si, d’après ce que je lis dans la presse, pour de nombreux opérateurs proposant des forfaits avec engagement, cet arrêt ne remet aucunement en cause leurs pratiques, pour Free Mobile, il libérerait quasiment de facto les consommateurs ayant de tels forfaits de leurs obligations contractuelles.
Entre le « circulez, y a rien à voir » des uns et le « résiliez sans frais » de l’autre, l’UFC-Que Choisir a une vision intermédiaire : le sujet est réel, les conséquences à en tirer peuvent être immédiates, mais il serait en l’état plus que risqué pour les consommateurs de voir dans l’arrêt de la Cour de cassation un motif légitime de résiliation de leur abonnement.
Le sujet est réel, puisqu’il n’est pas utile d’attendre ce que jugera la cour de renvoi (qui, par définition, se prononcera sur un cas particulier) pour que les éléments de droit généraux soulignés par la Cour de cassation soient lourds de conséquences, notamment si les pratiques sur le marché mettent en évidence la présence des caractéristiques précises évoquées par la Cour de cassation concernant la subvention de terminaux.
À ce stade, il convient donc de ne pas confondre vitesse et précipitation. Alors que l’UFC-Que Choisir se livre actuellement à une analyse économico-juridique plus approfondie des conséquences de cet arrêt, j’ai demandé aux opérateurs pratiquant des offres avec terminaux subventionnés, ou l’ayant fait au cours des dernières années, de bien vouloir nous faire connaître leur analyse et les conséquences qu’ils comptent en tirer… Affaire à suivre, donc.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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