Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
« Les passoires thermiques […] doivent être éradiquées dans les dix ans à venir » avait déclaré le Ministre d’Etat lors de l’annonce de son plan climat en juillet dernier. Nicolas Hulot envisagerait aujourd’hui plusieurs mesures afin d’accélérer la rénovation énergétique des logements individuels parmi lesquelles, un système de bonus/malus fiscal afin d’inciter les bailleurs à passer à l’acte. Si cette idée a toujours été encouragée par l’UFC-Que Choisir, elle nécessite plusieurs aménagements afin d’être pleinement efficace.
Lorsqu’un bailleur loue son bien, les économies d’énergie dues à d’éventuels travaux sont d’abord perçues par les locataires. C’est pourquoi trop de bailleurs hésitent à recourir à des travaux de rénovation énergétique. Par ailleurs, les locataires qui eux jouissent de ces économies n’ont pas intérêt de financer des travaux dont ils ne sont pas sûrs de pouvoir bénéficier sur la durée. Devant cette logique implacable, il est nécessaire d’inciter le bailleur à réaliser ces travaux qui permettront ainsi de modifier la performance énergétique du bien, et le rendement locatif de celui-ci ! C’est pourquoi j’accueille favorablement cette rumeur de bonus/malus - qui n’est donc toujours pas un projet, et encore moins une mesure - qui permettrait d’enclencher le cercle vertueux de la rénovation énergétique.
Toutefois, le bonus/malus ne sera efficace que si l’évaluation énergétique du bien immobilier est fiable. Or, comme le révèle notre récente étude, il existe encore trop d’écarts entre les différents DPE sur un même logement, ce qui dénote de leur manque de fiabilité… Les rendre fiables est un passage obligé afin d’éviter une litanie de litiges entre l’administration et les bailleurs sur la précision du diagnostic réalisé, et in fine, des bonus obtenus ou non.
Par ailleurs, la rumeur selon laquelle l’absence de travaux de rénovation sur un bien énergivore avant sa vente serait pénalisée par l’augmentation des droits de mutation est inquiétante. Cette idée n’est pas nouvelle et circule de rapports en rapports depuis quelques temps déjà. Elle consiste à bloquer une somme lors de la mutation du bien si celui-ci est énergivore. L’acheteur est par la suite obligé d’utiliser cette somme pour améliorer la performance énergétique du bien. Je m’inquiète des effets inflationnistes que pourrait avoir ce mécanisme en particulier dans les zones déjà tendues où la demande est tellement importante que les propriétaires pourront se permettre de simplement augmenter les prix.
Quoi qu’il en soit, si tant de solutions sont à la réflexion, il faut en déduire - avec un peu de baume au cœur - que les leviers et outils indispensables d’une rénovation efficace, sans cesse appelée de nos vœux depuis plusieurs années, commencent à être identifiés par l’ensemble des décideurs. Par ailleurs, l’ADEME vient de publier un rapport sur la transition écologique où elle rejoint nombre de nos positions tels que le développement d‘offres globales de travaux de rénovation, la mise en place d’audits plus efficaces et des dispositifs d’aides proportionnés aux économies réalisées dans les émissions de CO2… Souhaitons que ces propositions soient enfin les prémices d’une ère sans passoires où ne se dilapiderait plus sans vergogne l’argent public et celui des consommateurs !
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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