Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
La loi Alimentation de 2018 (dite loi EGAlim) a instauré le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) pratiqué par les enseignes de distribution en les obligeant à réaliser une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires en rayons. Concrètement, si un distributeur achète à son fournisseur une pâte à tartiner 10 €, il ne peut pas la revendre aux consommateurs à un prix inférieur à 11 €. Imposer une marge minimale de 10 % c’est imposer une hausse des prix en rayons pour tous les produits alimentaires pour lesquels les marges étaient jusqu’alors réduites, voire nulles. Cela concerne les produits de marque comme les produits premier prix.
Pourquoi avoir voulu imposer l’augmentation des prix ? L’objectif était que la grande distribution utilise les profits supplémentaires réalisés pour mieux rémunérer les agriculteurs. Autrement dit, déshabiller le pouvoir d’achat des consommateurs pour habiller celui des agriculteurs, la grande distribution se chargeant de passer les vêtements des uns aux autres. Ça, c’est la théorie qui ne reposait que sur l’incantation.
En pratique, l’UFC-Que Choisir a démontré que cette mesure constitue un chèque en blanc pour la grande distribution… et un chèque en bois pour les agriculteurs. La hausse mécanique de nombreux prix de produits alimentaires qui a eu lieu dès l’entrée en vigueur du relèvement du SRP le 1er février 2019 a conduit à ponctionner le budget annuel des ménages de 800 millions d’euros par an sans que les agriculteurs ne voient la couleur de l’argent. Cette réalité constatée par de nombreux syndicats agricoles (dont la Confédération paysanne) a même ému le rapporteur de la loi EGAlim qui se demandait après-coup « où est réellement allée la valeur libérée par le relèvement du SRP [puisqu’elle] n’est pas redescendue au producteur, c’est une certitude ». Passez, muscade !
La preuve étant établie que compter sur le seul bon vouloir des distributeurs pour mieux rémunérer les agriculteurs relevait du fantasme, en fin d’année dernière la loi dite EGAlim 2 a strictement encadré les négociations commerciales entre distributeurs, transformateurs (industriels, négociants…) et agriculteurs, pour assurer à ces derniers une juste rémunération de leur travail.
Alors que l’UFC-Que Choisir demandait qu’à la faveur de la loi EGAlim 2 il soit mis fin à cette aberration, le relèvement du SRP a été maintenu et continue donc d’alimenter mécaniquement l’inflation. Comment accepter, alors que les prix des biens alimentaires ont augmenté de 4,8 % en un an, la persistance d’une mesure législative qui continue d’ajouter de l’inflation à l’inflation ?
Il devient urgent de mettre fin à cette disposition imbécile et scélérate. J’ai récemment interpellé le Ministre de l’Économie sur le sujet. À ma grande surprise, il a fait part de sa critique à l’encontre de cette mesure aux effets indésirables. L’espérance née de cette prise de position a été vite refroidie. Le sujet semble être la chasse gardée du ministère de l’Agriculture, très perméable aux volontés de la FNSEA, instigatrice de la mesure qui aujourd’hui encore, après avoir constaté et déploré, comme tout le monde, l’absence de ruissellement vers le revenu agricole, continue d’œuvrer pour son maintien.
Se pourrait-il que dans les arbitrages d’Élisabeth BORNE cette abrogation ne soit pas à l’ordre du jour dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat ? Je n’arrive pas à l’imaginer.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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