Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
À l’issue des débats portant sur la loi anti-gaspillage et économie circulaire (loi AGEC) du 10 février 2020, ministres et majorité parlementaire annonçaient, en grande pompe, des avancées notables en matière de consommation responsable, et notamment la création d’une information claire sur la recyclabilité des emballages. Une intention louable mais aussitôt dévoyée quand il s’agit de la mettre en application.
L’article 13 de la loi AGEC vise à améliorer l’information des consommateurs sur les qualités environnementales des produits qui génèrent des déchets. Tout portait à croire, qu’enfin, les consommateurs pourraient aisément identifier les emballages compostables, contenant des matières recyclées ou encore recyclables. Raté.
Car, une nouvelle fois, les intérêts des fabricants ont primé sur ceux des consommateurs et de la consommation responsable. En effet, le projet de décret proposé en application de l’article 13 prévoit qu’un professionnel pourra accoler la mention entièrement recyclable dès lors que 95 % du poids de l’emballage peut être recyclé. On est en présence d’une légalisation du mensonge.
La différence entre 95 % et 100 % semble innocente au premier regard. Mais prenons le cas d’une bouteille en plastique. Les 5 % laissés de côté par le décret se retrouvent dans le bouchon. Or, si la bouteille elle-même est bien souvent recyclable, son bouchon pose bien des difficultés aux filières de valorisation. C’est donc avec fierté et sans risquer d’être inquiétés pour pratique commerciale trompeuse que les fabricants pourront marquer comme 100 % recyclables des bouteilles qui, dans les faits, ne le sont pas. L’information sur la recyclabilité ainsi inexacte induit en erreur les consommateurs soucieux de privilégier dans leurs achats un emballage parfaitement recyclable. Cela réduit à néant toute incitation des industriels à développer des filières de valorisation pour recycler tous les composants d’un emballage car ils sont mis à l’abri de la pression naturelle qui doit être celle du marché.
Voilà une nouvelle illustration de la dualité gouvernementale qui, d’une part, affiche l’objectif de 100 % de recyclage des emballages en plastique à usage unique d’ici le 1er janvier 2025 et, d’autre part, concède des facilités aux industriels au mépris d’une information fiable aux consommateurs. J’appelle donc à ce qu’on revienne à un principe de loyauté : la mention « entièrement recyclable » ne doit être possible que sur les emballages qui sont… entièrement recyclables. C’est incroyable d’en être réduit à revendiquer ce genre de chose.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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