Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Après plus d’un an de discussions, les experts des Etats membres ont adopté hier une définition des perturbateurs endocriniens (PE) qui, malheureusement, ne rime pas avec ambition. La fermeté de la position française a fini par être perturbée… et la France s’est rangée au camp des « oui » à une définition bien minimaliste.
Pour lutter contre une substance indésirable, chacun comprendra que la définition de celle-ci avec des moyens clairs de l’identifier est décisive. En matière de perturbateurs endocriniens (PE), les Etats membres partaient de loin avec une proposition de la Commission européenne au rabais. Malheureusement, malgré plusieurs rappels à l'ambition, le mauvais départ n’a pu être comblé avec l’adoption, hier, d’une définition qui reste très largement insatisfaisante. En effet, le niveau requis de démonstration de l’effet de perturbateurs endocriniens (PE) reste bien trop élevé, l’exclusion des biocides spécifiquement PE (exigence de de l’Allemagne) est inadmissible, et la gradation dans la caractérisation des PE (avérés, suspectés, présumés) est bien trop allusive puisque les PE présumés ne sont évoqués que dans des considérants... Bref, cette définition me laisse clairement dubitatif sur son efficacité et sa capacité à endiguer le phénomène, pourtant considéré à juste titre comme l’un des défis majeurs de santé publique du siècle.
Maigre réjouissance mais dont il faut tout de même noter l’existence : la Commission européenne a annoncé de nouvelles mesures parmi lesquelles la mise en place d’une stratégie prenant en compte l’exposition des PE dans les jouets, les cosmétiques et les emballages alimentaires… Cette approche transversale, demandée dès le départ par l’Association, est une initiative louable.... Mais permettez-moi de questionner son utilité dans le cas où elle aurait vocation à s’appliquer sur la seule base de la définition adoptée hier et dans un calendrier renvoyé aux calendes grecques. La mobilisation de budgets supplémentaires pour la recherche, l’application rapide des nouveaux critères, la mise en place d’audits sur l'efficacité de la nouvelle définition et les effets des exemptions votées sont d'indispensables bouées si l'on veut sauver ce qui reste de l’ambition de la noyade...
La déception est donc palpable... Certains se consoleront en disant que cette définition a le mérite d'exister et pourra être améliorée plus tard... Nicolas HULOT commentant le vote favorable de la France a ainsi affirmé : « nous n’avons pas gagné cette guerre, mais nous avons gagné une bataille », promettant par ailleurs que la France irait plus loin chaque fois que cela sera possible... L'UFC-Que Choisir sera vigilante quant à l'application de la définition européenne et la réalisation des engagements de la Commission mais aussi du gouvernement français. Le combat des consommateurs pour une société plus saine ne saurait se transformer en une victoire des lobbies vers une société indésirable !
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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