Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Ce n’est pas le débat d’arrière-garde – et qui a pourtant occupé la majeure partie du temps parlementaire – sur la réduction de 25% de la part du nucléaire dans le mix énergétique, qui va nous sortir de l’ancien modèle.
Est-il utile de rappeler que le nucléaire s’appuie tout de même sur des ressources épuisables, au coût de production gigantesque et qui représente un non-sens au regard des enjeux de sobriété et du développement des moyens de production décentralisés qu’était censé représenter ce projet de loi ? Que plusieurs pays ont interdit toute construction de nouvelles centrales et d’autres ont carrément stoppé net toute production nucléaire, sans d’ailleurs trop de problèmes en définitive ?
Le vieil argument d’un prix compétitif – déjà laminé par le fait que la consommation d’électricité des ménages français est bien plus importante que dans les autres pays comparables de l’UE du fait du chauffage électrique et du chauffe-eau – s’éloigne à vitesse grand V avec les normes post Fukushima, les enjeux de démantèlement et de traitement de déchets. L’ensemble de ces coûts est évalué à près de 80 milliards d’euros d’ici 2025 par la Cour des comptes, mais qui précise dans la foulée qu’aucune étude sérieuse ne permet de véritablement appréhender le coût des dépenses d’assainissement et de traitement des déchets, ce qui fait dire qu’en réalité le coût sera bien supérieur… jusqu’à 400 milliards selon certaines estimations très pessimistes[1], pas plus fiables que d’autres d’ailleurs.
En ce qui concerne l’EPR le débat est clos : aucune chance qu’il soit un jour compétitif quand on voit l’enlisement infini et le renchérissement considérable du coût qu’il s’agisse du chantier de Flamanville ou d’Hinkley-Point en Grande-Bretagne. Surtout que la production nucléaire ne devrait plus répondre aux besoins de demain : doit-on rappeler que la baisse de la consommation d’énergie, qu’il s’agisse des industriels ou des résidentiels, diminue au point que les producteurs d’énergie ont construit des centrales thermiques inutiles qu’ils sont aujourd’hui obligés de fermer ?
Doit-on préciser la tendance assez forte à avoir tellement d’énergie injectée dans le réseau interconnecté que les prix deviennent carrément négatifs sur le marché de gros européen ? Je ne suis pas contre ou pour le nucléaire, je dis simplement que si on en reste aux objectifs fixés par la loi elle-même on comprend mal les moyens qu’elle se donne pour les atteindre, car à l’heure où toutes nos centrales sont en fin de vie, le choix de l’investissement se fait maintenant et ne laisse pas la place à l’erreur.
L’UFC-Que Choisir est attachée à l’amélioration de l’efficacité énergétique passive car c’est le seul moyen à terme de diminuer la facture des ménages tout en préservant notre environnement. Le nucléaire nous a poussé à des habitudes énergivores, et nous laissera à terme et à coup sûr des factures sensiblement en hausse au regard de tous les coûts cachés du nucléaire que l’UFC-Que Choisir et un rapport parlementaire ont mis à jour !
[1] Le démantèlement de la centrale de Brennilis dure depuis 30 ans et coûte pour l’instant 20 fois plus que le coût initialement prévu, soit 420 millions. Ainsi, il y a fort à parier que les 80 milliards annoncés soient largement sous-estimés.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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