BILLET DE LA PRÉSIDENTE

LucentisLa néfaste influence des labos lourdement épinglée !

Les bonnes nouvelles en matière de santé sont rares en 2020, alors ne boudons pas notre plaisir : la condamnation par l’Autorité de la Concurrence des laboratoires Novartis, Roche et Genentech à une amende de plus de 440 millions d’euros, pour pratiques anti-concurrentielles, a de quoi nous réjouir. Elle vient sanctionner les comportements inadmissibles de ces laboratoires, que l’UFC-Que Choisir avait dénoncés dès 2014, et qui ont abouti à un surcoût énorme pour l’Assurance maladie (donc pour les usagers qui la financent) dans le traitement de la DMLA, cette grave maladie de la rétine.

L’histoire est complexe, essayons de la résumer. La DMLA, fréquente avec l’avancée en âge, nécessite des traitements par injections dans l’œil. A la fin des années 2000 et au début des années 2010, le principal médicament utilisé pour traiter cette pathologie était le Lucentis (laboratoire Novartis), particulièrement coûteux (1161 € par injection, à renouveler régulièrement), au point d’être devenu alors la plus grosse dépense de l’Assurance maladie. Pourtant, une alternative au coût dérisoire (30 à 40 € par dose) existait : l’Avastin (laboratoire Roche). Problème : ce médicament était à l’origine conçu pour traiter certains cancers, et son laboratoire n’a jamais souhaité demander qu’il puisse être utilisé pour la DMLA. Etonnant ? Pas vraiment : par un jeu complexe de licences et de participations capitalistiques croisées, Roche gagnait de l’argent à chaque fois que son concurrent Novartis vendait le dispendieux Lucentis.

Voulant mettre un terme à cette gabegie, l’UFC – Que Choisir avait dès 2014 saisi l’Autorité de la Concurrence, mais aussi agi auprès du gouvernement et des parlementaires pour passer outre le blocage des laboratoires et autoriser par la réglementation l’utilisation de l’Avastin dans le traitement de la DMLA. Cela avait été possible début 2015. Aujourd’hui, l’enquête de l’Autorité nous en dit plus sur toutes les manœuvres de Roche et de Novartis pour maintenir en vie leur poule aux œufs d’or, au mépris de l’intérêt collectif. Deux stratégies ont été mises en œuvre : tout d’abord, une campagne auprès des professionnels de santé, pour les convaincre que la solution peu coûteuse présentait un danger pour les patients, malgré les études scientifiques qui se multipliaient pour prouver l’inverse. Une fois de plus, l’influence néfaste des labos sur les médecins est mise en évidence. Ensuite, un dénigrement systématique de l’Avastin auprès des pouvoirs publics (ministère comme agences sanitaires), qui se sont trop longtemps laissés abuser. Il aura fallu l’action de la société civile pour que les autorités bougent et sortent de l’impuissance dans laquelle elles s’étaient installées.

Poids des labos, pouvoirs publics prétendument impuissants, conséquences néfastes pour la santé publique et les finances de la Sécu… Cette petite musique que nous avons connue sur la DMLA m’en rappelle une autre : celle que nous jouent aujourd’hui les défenseurs du laisser-faire en matière de pénuries de médicaments, phénomène à la croissance préoccupante. Il ne serait pas possible de prévoir des stocks de sécurité, pas non plus de produire les médicaments essentiels en Europe ou en France, encore moins d’envisager un pôle public du médicament pour produire les molécules délaissées par l’industrie. Mais quand est-ce que le courage et la volonté politiques nous sortiront de ces funestes impasses ?

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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