BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Inflation des produits alimentaires

Un sursis salutaire !

Le climat, vraiment, ne s’y prêtait plus. Mettre en œuvre au 1er janvier prochain le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et l’encadrement des promotions dans la grande distribution aurait porté un nouveau coup au pouvoir d’achat des consommateurs, au moment où celui-ci cristallise tant de colères.

Mise à jour du 07 décembre 2018 à 18h00
Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour connaître la suite de l’affaire ! Deux jours après avoir reculé… le gouvernement vient, tardivement un vendredi soir (un hasard ?), de reculer sur son recul. L’examen des ordonnances, à l’heure qu’il est, est donc prévu mercredi prochain, pour une application au 1er février 2019. Une valse-hésitation qui donne le tournis, et surtout une belle occasion manquée de préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.


Ce ne fut donc pas une surprise d’apprendre que le gouvernement renonçait à présenter en cette fin d’année en Conseil des ministres les ordonnances prévues par la loi Agriculture et Alimentation, qui devaient mettre en musique ces mesures. Officiellement, ce n’est qu’un report. Mais comme sa durée reste un mystère, on peut imaginer qu’il soit sine die. Si ce ne fut pas une surprise, il s’agit en revanche d’une bonne nouvelle pour les consommateurs, alors que nous avons bataillé contre cette mesure inefficace pendant plus d’un an.

Rappelons en quelques mots l’affaire : relever de 10 % le seuil de revente à perte, c’est-à-dire le prix en-dessous duquel un commerçant ne peut pas vendre un produit, coûterait près d’un milliard d’euros aux consommateurs, sur les deux ans d’expérimentation de la mesure. Une ponction d’autant moins acceptable qu’elle sera en réalité concentrée sur les consommateurs à faible budget. En effet, ce ne seront pas tous les distributeurs qui devront monter leurs prix, mais ceux qui ont une politique de prix agressive, et vers qui justement se tournent les consommateurs modestes ! Les Français aisés qui font leurs courses dans des magasins de centre-ville ne verraient en revanche pas la couleur de cette inflation.

Reste une polémique sur l’usage qui sera fait de cette ponction sur le pouvoir d’achat des ménages. Si le gouvernement, certains distributeurs, les industriels et la FNSEA ont avancé en cœur que les agriculteurs seraient les bénéficiaires de ce milliard d’euros, nous n’y avons jamais cru.  Et pour cause ! Rien dans la loi ne prévoit de mécanisme pour que les marges supplémentaires faites par la grande distribution percolent vers les industriels de l’agroalimentaire, puis vers les agriculteurs français. Et je me réjouis d’enfin voir les masques tomber à ce propos ! Ainsi de cette lecture dans les Echos du 3 décembre, je cite : « La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) appuie, elle aussi, le consensus [vous vous en doutez, je récuse le terme !] qui a été difficile à construire. Ses membres, comme Carrefour, Auchan et Casino, espèrent reconstituer un peu leurs maigres [à nouveau…] marges. » Le crime est donc maintenant signé : ce seront bien les grands distributeurs qui en bénéficieront, par des hausses de marges qui ne seront pas reversées vers l’amont. Et dire que la FNSEA menace d’enfiler son gilet jaune pour exiger, entre autres, le maintien de cette réforme….  Affaire à suivre.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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