Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Vous rappelez vous ? Le 14 février 2014, Pierre Moscovici, ministre de l’économie, émettait le souhait de faire de la France « la start-up république de l’Europe » en permettant aux consommateurs de prêter facilement aux petites et moyennes entreprises grâce aux plateformes de financement participatif. Trois ans plus tard, l’étude de l’UFC-Que Choisir a montré que c’est souvent la douche froide pour les consommateurs qui y ont eu recours.
Les plateformes de prêts aux entreprises disposent, en effet, d’un modèle économique à hauts risques tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Les plateformes, rémunérées uniquement à la commission, sont incitées à proposer le plus possible de projets, au mépris de leur qualité intrinsèque, à des taux d’intérêts élevés, qui rémunèrent les prêteurs mais fragilisent d’autant les entreprises. Suite à notre enquête, l’association professionnelle des plateformes n’a pas manqué d’astuces pour commenter nos conclusions. Revenons-y. L’association Finance participative soutient, tout d’abord, que les consommateurs sont parfaitement conscients du risque de perte en capital des prêts aux entreprises. Notre étude constate pourtant qu’alors que son président tablait dans la presse généraliste sur un taux de défaut de seulement « 1 à 2%» en 2014, ce dernier atteint, trois ans plus tard, 14,2% des montants financés chez Unilend, la plateforme leader du marché, soit un risque plus de 7 fois supérieur à celui annoncé.
Sans surprise, face à l’explosion du nombre d’entreprises qui ne remboursent plus leurs échéances aux consommateurs, le rendement de ces placements est quatre à vingt fois inférieur aux promesses. En effet, une fois pris en compte l’impact des défauts et de la fiscalité, il atteint seulement 1,6% pour l’ensemble des prêts effectués sur les principales plateformes et même 0,33% pour les prêts consentis depuis plus d’un an, sur lesquels nous disposons de davantage de recul. L’estimation de l’association Finance participative qui table sur un rendement de 3,7%, en ne prenant en compte l’impact du non-remboursement du capital uniquement lorsque celui-ci date depuis plus de 3 mois (!), nous semble pour le moins optimiste. Nous prenons date du rendez-vous fixé par les plateformes, c’est-à-dire à l’échéance des premières cohortes de prêts, avec inquiétude. En effet, au regard du faible nombre de prêts ayant été remboursés intégralement par les entreprises, moins de 10%, nos estimations pourraient s’avérer particulièrement prudentes !
Dans ces conditions, et alors que la grande majorité des plateformes ne respecte pas ses obligations légales, telle que celle de fournir aux consommateurs un outil permettant d’évaluer si ces placements correspondent bien à leur profil de risque, les déceptions sont déjà légion. Le forum de la plateforme Lendopolis offre à cet effet un verbatim très instructif de leurs plaintes, « Warning sur les taux annoncés », « Faiblesse du taux réel », « Taux de défaut trop importants !! », dont notre étude faisait l’écho face aux discours complaisants.
Au regard de ces graves défaillances, l’UFC-Que Choisir ne peut finalement que rejoindre la demande de l’association Finance participative de mieux contrôler et sanctionner tous les excès du secteur…. Car contrairement à ce que le leader du marché voudrait nous faire croire en se concoctant des indicateurs « maison », ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait tomber la fièvre !
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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