Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Il y a plus d’un an l’UFC-Que Choisir et 8 autres ONG déposaient deux recours devant le Conseil d’État, en réaction aux distances d’épandage des pesticides ridiculement faibles que le gouvernement avait autorisées à proximité immédiate des riverains, mais également aux "chartes d’engagement" permettant de rogner encore davantage sur ces distances. Alors que le Conseil Constitutionnel a retoqué les "chartes" de bon voisinage cousues mains par et pour les agriculteurs intensifs, et que le Conseil d’État doit prochainement rendre sa décision, le gouvernement s’entête en organisant une nouvelle parodie de consultation en pleine torpeur estivale, par le moyen d’une instruction aux préfets totalement surréaliste.
En France, la Loi fixe en théorie des distances minimales pour les épandages de pesticides à proximité des habitations (entre 5 et 20 mètres selon le type de produits et de cultures). En théorie seulement car depuis 2019, le gouvernement, prenant fait et cause pour les pulvérisateurs, permet des distances encore plus faibles dans le cadre de bien vagues "chartes d’engagement” rédigées par les organisations agricoles elles-mêmes. Afin de donner un vernis démocratique à cette décision scandaleuse, les chartes devaient initialement être négociées avec les riverains. Finalement, le masque est tombé début 2020, et plusieurs décisions du ministère de l’Agriculture ont permis aux agriculteurs de s’exempter de toute véritable consultation et dégainer la sulfateuse sans s’embarrasser de principes démocratiques ! Le délire politico-administratif a atteint des sommets lorsqu’un simple communiqué de presse a permis aux agriculteurs de déroger aux dispositions du décret du 27 décembre 2019.
Pourtant plusieurs autorités – et non des moindres – ont indiqué que le dispositif actuel ne permet pas de protéger correctement les consommateurs : le Conseil d’État en 2019, le Conseil Constitutionnel en mars dernier et tout récemment le rapporteur public dans le cadre de nos recours pour lesquelles la décision finale est attendue dans les prochains jours. La sagesse voudrait donc que l’on attende la prochaine décision du Conseil d’État, mais le gouvernement n’en a cure, et poursuit sa fuite en avant avec une instruction aux préfets totalement surréaliste au regard du droit. Après quelques affirmations hasardeuses, elles les invitent tout simplement à reprendre tel quel le document rédigé par les organisations professionnelles agricoles en 2020 et à le soumettre à une nouvelle consultation en plein cœur de l’été. Ils écriront que la consultation est ouverte « à toute personne », ils seront les organisateurs directs de la consultation et le tour sera joué. Bien entendu, pour être certains, de ne pas faire d’impair vis-à-vis de la profession agricole, ils prendront son aval avant d’engager la procédure. On croit rêver ! L’UFC-Que Choisir dénonce cette mascarade et a appelé avec le collectif anti-pesticides à un boycott de cette consultation. Il semble d’ailleurs que certains préfets encore lucides soient d’accord avec nous puisque, quatre jours après la date limite fixée par les ministres, de nombreux sites préfectoraux ne font état d’aucune consultation sur le sujet.
Dans cette triste saga aux multiples rebondissements, j’attends maintenant avec impatience le prochain épisode : la décision du Conseil d’État qui peut obliger le gouvernement à revoir totalement ses copies afin de mettre enfin la santé des citoyens, mais aussi des professionnels au cœur des préoccupations.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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