Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
Avez-vous déjà eu la sensation déroutante que Google vous connaît mieux que quiconque ? Considérez-vous qu’il ne vous donne pas les moyens de bien contrôler les informations récupérées concernant votre vie privée ? Si tel est le cas, vous êtes loin d’être les seuls. L’UFC-Que Choisir et ses homologues européens ont reçu de nombreux signalements attestant des manquements du géant américain à l’application du RGPD, ce règlement européen visant à protéger nos données personnelles dans l’univers numérique.
Google pousse en effet les utilisateurs à intégrer à leur insu son système de surveillance, au moment de la création de leur compte. Ils sont alors invités à définir les paramètres relatifs à la collecte des données concernant leurs habitudes de navigation, leur historique YouTube et la personnalisation des annonces publicitaires. C’est une étape indispensable pour les 7 consommateurs sur 10 qui achètent un nouveau smartphone utilisant le système Android. Seule cette inscription leur permet d’accéder aux services qu’il propose (tels que Chrome, YouTube, la recherche Google, Gmail, Google Maps ou le Google Play Store).
À cet instant, deux options sont proposées : voulons-nous utiliser le processus d’inscription express en une étape ou bien avons-nous le temps, l’envie, l’énergie pour sélectionner la personnalisation manuelle en 5 étapes ? Si vous optez pour la première, qui est certes séduisante, vous n’aurez d’autre choix que d’activer en un clic tous les paramètres qui alimentent les activités de surveillance de Google.
Si vous souhaitez refuser certains paramètres et opter pour la seconde, qui laisse subtilement sous-entendre qu’elle serait plus respectueuse de votre vie privée en vous laissant déterminer « les paramètres à activer et désactiver afin de personnaliser votre expérience », pas moins de 10 clics seront nécessaires.
Vous serez confrontés alors à une interface biaisée, un langage peu clair et des choix trompeurs. Vous ne saurez jamais exactement à quelles fins vos données seront collectées. Gare à vous si l’envie vous prend de revenir sur votre décision afin de choisir les options les plus respectueuses de votre vie privée. Google vous fera comprendre qu’alors vous renoncez à des avantages, voire des fonctions tout simplement indispensables (« vous ne verrez plus les résultats de recherche les plus pertinents »…).
En d’autres termes, la réalité c’est que Google met tout en œuvre pour inciter le consommateur à autoriser un traitement étendu et invasif de ses données personnelles. Ceci dans l’optique de pouvoir toujours mieux le suivre, définir son profil et le submerger de publicité ciblée sans qu’il ait véritablement donné son consentement libre et éclairé.
Détenant une influence considérable sur tous les acteurs du marché, il est inconcevable que ce géant du numérique puisse continuer à user de ce stratagème et enfreindre le RGPD. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, dans le cadre d’une action sous l’égide du Bureau européen des consommateurs (Beuc) (1), l’UFC-Que Choisir a décidé de transmettre la plainte d’une consommatrice à la Cnil, pour que Google soit sanctionné et cesse ces pratiques. En 2019, la Cnil avait déjà prononcé une amende de 50 millions d’euros contre Google pour non-respect du RGPD. Ça peut sembler beaucoup. En vérité pour Google, qui a réalisé 76 milliards de dollars de bénéfices l’année dernière, c’est à peine une piqûre de moustique. Notre action s’inscrivant dans une démarche européenne, aujourd’hui niveau le plus pertinent, devrait déboucher, nous l’espérons tous, sur des décisions réellement efficaces permettant de rendre effective l’application du RGPD.
(1) dTest (République Tchèque), Forbrukerrådet (Norvège), EKPIZO et KEPKA (Grèce), UFC-Que Choisir (France) et ZPS (Slovénie) ont déposé plainte auprès de leur autorité de protection des données. Verbraucherzentrale Bundesverband – vzbv (Allemagne) a envoyé un courrier d’alerte à Google, une première étape avant de potentiellement déposer plainte. Consumentenbond (Pays-Bas), Forbrugerrådet Tænk (Danemark) and Sveriges Konsumenter (Suède) ont écrit à leurs autorités nationales afin de les alerter sur les pratiques de Google.
Alain Bazot
Président de l'UFC-Que Choisir
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