BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Clauses de domiciliation Une explication plus inquiétante à la volte-face du Gouvernement ?

Alors que l’Assemblée nationale vient de mettre un terme au feuilleton des clauses de domiciliation des revenus au sein des contrats de crédit immobilier et que nombreux sont ceux qui s’attribuent la paternité du revirement du Gouvernement, permettez-moi d’être bien plus modeste...

Si je ne peux que me réjouir que le Ministre de l’Economie ait finalement soutenu l’abrogation d’un dispositif qu’il avait lui-même instauré, cette décision doit être analysée à l’aune de l’alerte concomitante du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) sur la distribution effrénée du crédit. Un Haut Conseil présidé par… Bruno Le Maire.

S’il est désormais entendu de tous que la tristement célèbre ordonnance de juin 2017 était nuisible à la concurrence, comme je l’évoquais ici, le dispositif était également mortifère pour les établissements bancaires. Appâtées par l’aubaine d’imposer une décennie de captivité aux emprunteurs, les banques ont comprimé à un niveau inédit leurs marges sur leur cœur de métier : le crédit. Cette pratique, indolore de prime abord, ne peut conduire qu’à des effets délétères. Le premier, un risque d’inflation des frais bancaires sur les clients captifs, qu’ils soient emprunteurs ou fragiles. Le second, une distribution incontrôlée du crédit à des emprunteurs de plus en plus risquée.

C’est dans ces conditions que la Banque de France, dans un langage allusif qu’elle maîtrise à merveille, note que « la croissance du crédit aux ménages appelle à une vigilance particulière face à un possible relâchement des conditions d’octroi». Sur le fondement de cette observation et conformément aux engagements pris par la France depuis la crise financière de 2008, le HCSF a imposé le 18 mars dernier une nouvelle hausse des provisions des banques pour limiter tous risques d’emballements funestes. La Fédération des banques françaises (FBF), qui n’a pas manqué de condamner la décision du ministre, a pourtant elle aussi ravivé le spectre d’une rapide dégradation de la solvabilité des ménages au sein de son propre observatoire du crédit !

C’est dans ce contexte qu’il convient de lire la décision d’abrogation des clauses de domiciliation. Loin d’une soudaine fièvre consumériste de la part du Gouvernement, la lucidité doit conduire à considérer qu’il s’agit aussi de préserver la solidité financière des banques. Quoiqu’il en soit, cela n’empêchera pas l’UFC-Que Choisir de continuer à plaider pour une concurrence bancaire plus saine.  

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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