BILLET DE LA PRÉSIDENTE

30 ans de la redevance pour copie privéeL’âge de raison ?

A la suite de notre étude de novembre dernier sur la redevance pour copie privée (appliquée sur de nombreux matériels de stockage – CD vierges, disques durs externes, smartphones…) qui mettait en évidence – outre le fait que les consommateurs français sont 4 fois plus ponctionnés que leurs homologues européens – les multiples dysfonctionnements du système et identifiait différentes solutions pour le modifier, la sphère politique s’est animée en décidant de ne plus fuir le problème.

D’un côté le ministère de la Culture pilote une médiation visant à ce que la commission qui détermine les barèmes de la copie privée (commission composée de consommateurs, d’ayants droit et d’industriels) puisse relancer ses travaux en jachère depuis 2012. D’un autre côté, une mission d’information lancée par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale travaille actuellement sur le sujet.

D’un point de vue purement calendaire, je note que l’agitation du ministère est postérieure au lancement de la mission d’information de l’Assemblée nationale. Est-ce à dire que le ministère s’inquiète de voir les parlementaires se saisir de la question et qu’il souhaite court-circuiter leurs travaux afin de garder dans son pré carré tout ce qui a trait à la copie privée ? Je ne peux pas l’affirmer, même si cet enchainement me laisse particulièrement songeur.

Ce que je peux cependant vous dire, c’est que l’UFC-Que Choisir a été sollicitée à la fois par le ministère et par la mission d’information pour évoquer cet épineux problème. Critiquant le manque de transparence de la copie privée en France, je me fais le devoir de tenir informés les consommateurs de l’implication de notre association dans les discussions en cours.

Nous avons accepté avec plaisir l’invitation de la mission d’information qui nous a été adressée. J’ai ainsi eu l’occasion, ce 1er avril, de me rendre à l’Assemblée nationale et de présenter aux membres de cette mission notre analyse de la situation ainsi que nos propositions d’évolution du mode de gouvernance de la commission copie privée. Nous avons également échangé avec elle sur des modifications plus structurelles du mode de perception de la redevance.

Par contre, nous n’avons pas souhaité participer à la médiation du ministère de la culture pour deux raisons : l’une de forme, l’autre de fond.

Sur la forme tout d’abord, le ministère nous a dans un premier temps contactés pour participer à une réunion du collège des consommateurs par un simple coup de fil donné la veille, car il « avait oublié de nous mettre dans la boucle ». Il s’agit à l’évidence d’un manque de considération pour notre association qui ne nous mettait pas dans les meilleures dispositions pour considérer avec bienveillance cette « invitation ». Sur le fond, et c’est là bien entendu le cœur de notre refus, le ministère a d’emblée exclu du champ de discussion (à la demande des ayants droit) l’évolution du mode de gouvernance de la commission, qui est pourtant l’élément-clé expliquant les défaillances du système actuel. Dès lors, il était totalement cosmétique de participer à ces échanges qui, en réalité, visent plus à assurer aux ayants droit que de nouveaux supports seront « taxés » (ordinateurs, consoles de jeu, mais aussi le cloud) qu’à assainir le système.

Si je ne considère pas définitivement enterrée la possibilité d’avoir des échanges constructifs avec le ministère, je fonde mes principaux espoirs sur la capacité des parlementaires à imposer par la loi une modification du mode de gouvernance de la commission pour copie privée, qui assurerait aux représentants des consommateurs de pouvoir réellement peser dans l’élaboration des barèmes. C’est la condition sine qua non pour que l’UFC-Que Choisir accepte de réintégrer cette commission et, plus largement, pour que la redevance pour copie privée retrouve une légitimité perdue depuis longtemps.

C’est ainsi que j’attends fermement le rapport de la mission d’information. J’ai l’espoir qu’il ne consacrera pas l’incapacité des autorités françaises à réformer ce système. Si tel devait être le cas, alors le salut ne pourrait venir que d’une harmonisation de la copie privée à l’échelle européenne garantissant un traitement juste et équitable de l’ensemble des consommateurs européens.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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