BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Jeux vidéoUne première victoire, mais le combat continue

Marie-Amandine Stévenin

par Marie-Amandine Stévenin

En septembre dernier, dans le cadre d’une action concertée avec nos homologues membres du BEUC, nous avons déposé plainte contre sept éditeurs de jeux vidéo, dont ceux éditant des titres populaires auprès des enfants comme Fortnite, Roblox et Minecraft, pour leur utilisation de monnaies virtuelles payantes. Ces systèmes de paiement intermédiaires, imposés par les éditeurs, empêchent les consommateurs d’acheter directement en euros des objets ou fonctionnalités virtuels (armes, costumes, etc.) dans leurs jeux préférés. À la place, ils doivent d’abord acquérir une monnaie fictive obscure, appelée par exemple « pièces d’or » ou « gemmes ».

Après six mois d’attente, le réseau CPC (réseau européen des autorités de protection des consommateurs, dont fait partie la DGCCRF) a publié une liste de principes clés que les éditeurs de jeux vidéo doivent respecter.

Je me réjouis de voir que ces principes reprennent intégralement les revendications que nous avions formulées. Ainsi, le réseau CPC confirme que les éditeurs doivent afficher le prix en euros pour toute offre de vente d’objet virtuel dans un jeu. De plus, imposer l’achat de monnaies virtuelles uniquement en packs, sans permettre aux joueurs de choisir un montant désiré, est bel et bien une pratique commerciale déloyale.

À la lumière de ces principes directeurs, force est de constater qu’une grande majorité, voire la quasi-totalité, des jeux vidéo ayant recours à ces monnaies virtuelles payantes agissent en contradiction avec les règles protectrices des droits des consommateurs. Or, et c’est là mon principal regret, ces principes n’ont pas de force juridique contraignante : leur application dépend donc, pour le moment, de la seule bonne volonté des éditeurs. Autant dire que je suis sceptique.

D’ailleurs, la réaction de la filière ne laisse rien présager de bon. Dans un communiqué, l’association européenne représentant le secteur a attaqué les principes édités par le réseau CPC, affirmant qu’ils risqueraient de susciter la confusion chez les consommateurs, de priver les parents d’outils de contrôle sur les dépenses de leurs enfants, et même de limiter l’accès aux jeux.

Ces arguments sont aussi vieux qu’infondés. En réalité, ce sont bien les monnaies virtuelles elles-mêmes qui sèment la confusion parmi les joueurs, en dissimulant le prix réel des objets virtuels sous des couches de fausses unités de valeur sans aucun intérêt pour eux. Quant au contrôle parental, un simple portefeuille avec un budget en euros fixé par les parents offre la même protection, sans manipulation ni piège.

De nombreux jeux à succès, y compris des titres free-to-play, proposent d’ailleurs des achats intégrés sans recourir aux monnaies virtuelles payantes. Cette pratique n’est donc en rien une nécessité économique ou même technique pour la commercialisation et le fonctionnement des jeux vidéo, mais bien un stratagème pour inciter les consommateurs à dépenser toujours plus.

Les régulateurs ont annoncé l’organisation prochaine d’un échange avec les représentants du secteur. Dont acte. Mais soyons clairs : il est très improbable que les éditeurs cèdent d’eux-mêmes, car pour trop d’entre eux, ces monnaies virtuelles sont au cœur de leur stratégie économique.

J’appelle donc les autorités à ne pas perdre trop de temps dans des négociations infructueuses et à prendre des mesures, notamment via des outils juridiques adaptés, plus fermes et pérennes. L’heure n’est plus aux demi-mesures : il est temps d’imposer des règles claires et contraignantes pour protéger les joueurs, en particulier les plus jeunes.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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