
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Le masculin l’emporte sur le féminin. C’est une règle grammaticale… C’est aussi une norme implicite… en médecine. Aujourd’hui encore, la recherche médicale se construit sur un modèle masculin, depuis la recherche fondamentale jusqu’aux essais cliniques. Dans les laboratoires, les animaux femelles restent souvent exclus des essais, leurs cycles hormonaux étant considérés comme trop complexes, et leur prise en compte trop onéreuse. Lors des essais sur l’humain, les hommes de 70 kg, jeunes et en bonne santé sont surreprésentés. Les femmes y sont sous-représentées. Et les conséquences de cette invisibilisation sont graves : des traitements administrés aux femmes dans un contexte d’incertitude, des effets secondaires mal identifiés, une efficacité sous-évaluée.
Depuis plus de 10 ans, l’UFC-Que Choisir se bat pour garantir à toutes et tous un accès équitable aux meilleurs soins, en tant qu’association engagée pour les droits des usagers et usagères du système de santé. Nous sommes soucieux de la qualité de l’information médicale et des connaissances sur l’efficacité et la sécurité des soins. En ce qui concerne la santé des femmes, l’information est pour le moins lacunaire, voire trop souvent inexistante. Tout se passe comme si les chromosomes XX et XY modifiaient nos corps mais restaient paradoxalement sans incidence sur les maladies, les symptômes ou les traitements. C’est faux !
Les faits sont là : les femmes sont plus touchées par les maladies auto-immunes, les troubles thyroïdiens, les migraines, les infections urinaires. Elles réagissent différemment aux médicaments, comme les immunothérapies contre le cancer, parfois moins efficaces. Leurs symptômes ne sont pas toujours ceux enseignés dans les facultés de médecine. Ainsi, lors d’un infarctus, elles ressentent moins souvent la douleur thoracique irradiante, symptôme classique chez les hommes, mais davantage des troubles digestifs, un mal de dos aigu ou une oppression. Cette représentation masculine, comme si c’était la seule forme d’infarctus, peut faire perdre des minutes précieuses, voire coûter des vies.
Aux différences biologiques s’ajoutent les inégalités sociales dans une société encore traversée d’une organisation sexiste en héritage. Plus exposées à la précarité, l’adoption des recommandations en matière de prévention et promotion de la santé peut être complexe et compromise. Des diktats sociaux, à l’image de normes de minceur, peuvent pousser à des régimes dont les effets peuvent être nocifs pour la santé. En la matière d’ailleurs, le Wegowy, traitement contre l’obésité, doit être surveillé de près, notamment par rapport à d’éventuels détournements. Plus insidieux enfin, la parole des femmes reste minimisée : il aura fallu des décennies pour que l’endométriose, maladie touchant près de 10 % des femmes, soit enfin reconnue comme un enjeu de santé publique, et il en faudra encore de nombreuses pour que des traitements soient développés.
Le plus révoltant, c’est que ce constat n’a rien de nouveau. Les avancées sont marginales, largement insuffisantes.
En cette Journée internationale des droits des femmes, l’UFC-Que choisir appelle à briser ce statu quo. Il est urgent d’exiger des protocoles de recherche systématiquement représentatifs dès la recherche fondamentale, d’investir dans des études spécifiques prenant en compte les différences biologiques et de genre et d’améliorer la formation des professionnels de santé. Il est aussi urgent de donner aux femmes les moyens de prendre soin de leur propre santé, en renforçant leur accès à une information fiable et en cessant de minorer leur parole.
La santé des femmes, et cette approche de la santé qui prend mieux en compte la diversité des personnes et des corps nous concerne toutes et tous. Les considérer, c’est transformer la médecine et, plus largement, la société tout entière.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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