Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
On invite les enfants ne parvenant pas à trouver le sommeil à compter les moutons pour s’endormir. Je pense que compter les amendements demandant la régulation de l’installation des médecins qui sont rejetés à l’initiative du gouvernement pourrait constituer une alternative probablement plus efficace.
Cette semaine encore, dans le cadre de la discussion d’une proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins, une bonne dizaine d’amendements - déposés par des sénateurs de divers horizons politiques - ont voulu mettre fin à la liberté totale d’installation des médecins mais ont tous été rejetés à la demande du gouvernement. Et il s’en est fallu de peu de voix pour que ce système soit expérimenté, une soixantaine…
Depuis plus de 10 ans, l’UFC-Que Choisir demande la régulation de l’installation des médecins pour mettre fin au scandale de la fracture sanitaire. Notre argumentation convainc de plus en plus de parlementaires qui déposent, pour chaque texte législatif relatif à la santé, des amendements toujours plus nombreux allant dans le sens des demandes de notre association. Je ne prends donc pas trop de risques en disant qu’il est probable qu’au cours de la dernière décennie ce sont au global plusieurs centaines d’amendements parlementaires demandant la régulation de l’installation des médecins qui ont été rejetés. Les compter, c’est donc bien assez pour trouver le sommeil, non ?
Si ce n’était pas le cas, se référer aux arguments du gouvernement pour voter contre ces amendements finirait par assommer les plus résistants. Comme toujours, les faux chiffons rouges ont été agités, comme l’inefficacité d’un conventionnement territorial, empêchant qu’un médecin puisse s’installer dans une zone surdotée, pour résorber la fracture sanitaire. Il s’agit d’un argument on ne peut plus éculé. Je rappelle qu’il était également évoqué lorsque la question de la régulation de l’installation des infirmières libérales, des sages-femmes ou encore des kinésithérapeutes s’est posée. Une telle régulation a progressivement été mise en place pour toutes ces professions. Résultats des courses ? Une régression des inégalités territoriales, évidemment. La régulation de l’installation a même été adoptée pour les dentistes cet été. Comment les autorités peuvent-elles alors continuer de défendre le fait qu’elle ne fonctionne pas ?
Je vais peut-être vous surprendre, mais ce qui s’est passé cette semaine au Sénat est plutôt positif. En effet, l’amendement proposant l’expérimentation du conventionnement territorial a recueilli 124 voix pour, 188 contre. Il y a 10 ans, les votes pour un tel dispositif se comptaient sur les doigts d’une ou deux mains. Dans moins de 10 ans j’espère qu’on n’aura plus à compter… la régulation de l’installation des médecins ayant alors été votée.
J’y crois d’autant plus que le statu quo devient de plus en plus inacceptable, et que fermer les yeux sur ce que vivent les victimes des déserts médicaux est plus que jamais insupportable. Sur le terrain, la situation est toujours plus catastrophique. Nous aurons prochainement des choses à dire sur le sujet…
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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