Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Alors que nous attendons, depuis près d’un an, l’examen au Sénat de la proposition de loi portant réforme de la procédure d’action de groupe, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, et que la discussion doit enfin avoir lieu cette semaine au sein de la Haute Assemblée, une disposition votée en commission des lois au Sénat entend retarder grandement l’entrée en vigueur de cette réforme.
En matière d’action de groupe, l’attente est longue… Après avoir patienté plus de 30 ans pour que cette procédure permettant, qu'en un seul procès, l’indemnisation de victimes de litiges de masse soit adoptée en France, voilà que sa réforme, également fortement attendue, traîne en longueur… En effet, compte tenu des malfaçons législatives initiales de l’action de groupe consommation/concurrence créée en 2014 (limitation au seul préjudice économique, champ d’application sujet à interprétation, pas de juridictions spécialisées, etc.), l’UFC-Que Choisir, plusieurs associations de consommateurs, mais aussi nombre d’autorités et de parlementaires, appelaient de leurs vœux une réforme en profondeur.
Suite à leur rapport parlementaire pointant le bilan décevant des actions de groupe « à la française », deux députés ont déposé une proposition de loi unifiant les différents régimes d’action de groupe (consommation, santé, environnement, données personnelles, etc.) et reprenant nombre de nos demandes (indemnisation de tous les préjudices, champ d’application large, mise en place de juridictions spécialisées). Ce texte a été adopté à l’unanimité au premier trimestre 2023 à l’Assemblée nationale. À l’époque, les députés avaient souligné l’importance que, comme pour toute loi de procédure, la réforme entre en vigueur immédiatement…
L’examen au Sénat s’est cruellement fait attendre… Annoncé pour la rentrée parlementaire 2023, le texte n’est finalement examiné que cette semaine en séance plénière. Et surprise, la Commission des Lois propose de repousser aux calendes grecques l’entrée en vigueur de cette réforme. En effet, le rapporteur a fait voter un amendement prévoyant que la nouvelle procédure ne s’appliquerait qu’aux actions dont le fait générateur de responsabilité ou le manquement est postérieur à l’entrée en vigueur de la Loi… Un tel report (de plusieurs années) m’a fait triplement bondir !
D’abord, alors que c’est une loi de procédure, et que les règles classiques de procédure sont, conformément à l’usage et la Jurisprudence, d’application immédiate. Pourquoi repousser l’entrée en vigueur d’une réforme que tout le monde attendait au risque de créer un vide juridique abyssal pour les litiges de masse ne relevant pas du périmètre des actions de groupe actuelles ?
Ensuite, parce que l’argument soulevé par le rapporteur d’une nécessaire « sécurité juridique » pour les entreprises a de quoi interpeller. En effet, cette loi ne crée pas d’obligations nouvelles pour les entreprises. Elle permet simplement de rendre effectifs des droits créés par d’autres textes… Surtout une entreprise qui ne viole pas la Loi ou ses contrats n’a rien à craindre de cette réforme.
Enfin, alors que ce texte transpose en France la Directive sur les actions de groupe européennes, qui aurait dû entrer effectivement en vigueur à la fin du premier semestre 2023, c’est quand même un comble que de la retarder encore davantage.
Pour une entrée en vigueur rapide de la réforme, l’UFC-Que Choisir a alerté, avec la CLCV et Familles rurales, les sénateurs sur la nécessité de revenir à la version adoptée à l’Assemblée nationale. Je me réjouis que de nombreux sénateurs aient répondu à notre appel en proposant des amendements en ce sens, et j’invite l’ensemble de leurs collègues à les voter. Comptez sur moi pour suivre la discussion.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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