BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Projet de loi de financesAprès le coup de force de la FNSEA, le « plan eau » fuit de toute part !

Lors de sa présentation en avril dernier par le Président de la République, l’UFC-Que Choisir avait déjà dénoncé la faiblesse du « plan eau » censé préserver cette ressource dans un contexte de changement climatique. Aucun effort n’était demandé à la profession agricole, pas même envers ceux qui pratiquent l’agriculture intensive, et les engagements financiers de l’État tenaient plus d’un assemblage de rustines et de bouts de ficelle plutôt que du grand plan jupitérien qui aurait pourtant été bien nécessaire. Pour le financer, le Gouvernement avait notamment prévu dans le projet de loi de finances 2024 une légère hausse des redevances sur l’eau et les pesticides payées par les agriculteurs. Las ! lors d’une entrevue en catimini, la FNSEA a persuadé la Première ministre de biffer d’un coup de plume ces articles de loi.

Souvenez-vous, c’était en avril dernier, devant le lac de Serre-Ponçon à moitié à sec : Emmanuel Macron nous avait promis une action décisive face à la diminution inquiétante des ressources en eau. Tout le monde a encore en tête la sécheresse de 2022 et ses conséquences catastrophiques sur l’approvisionnement en eau potable : des grandes villes comme Besançon, Chambéry, Chartres, Gérardmer ou Nantes s’étaient trouvées au bord de la rupture et près de 1 000 petites communes avaient été ravitaillées par des citernes. Plus grave, cette sécheresse mémorable risque d’apparaître anecdotique face à celles que nous annoncent les climatologues et les hydrologues pour la deuxième moitié de ce siècle. La baisse des précipitations aura pour effet de diminuer drastiquement le réapprovisionnement des fleuves et des nappes phréatiques. La Seine pourrait voir son débit baisser de 10 % à 50 % et celui du Rhône serait divisé par deux. Il y a urgence à agir !

Un des axes du plan présenté par le chef de l’État concernait la lutte contre les fuites d’eau potable. De fait, une étude publiée par l’UFC-Que Choisir en juin dernier a montré que près d’un litre d’eau potable sur trois est perdu à cause de canalisations fuyardes dans des villes comme Évreux, Aix-les-Bains, Cavaillon, Amiens ou Sens. C’est encore pire dans les petites communes rurales de moins de 1 000 habitants où, pour un quart d’entre elles, 1 litre sur 2 est perdu ! Mais alors que les experts calculent que 2,5 à 3 milliards d’euros seraient nécessaires chaque année pour remplacer les canalisations hors d’âge, le Président n’a mis sur la table que 180 millions d’euros, bref une goutte d’eau !

Pour financer cette aide, il était notamment prévu d’augmenter la contribution que paye l’agriculture intensive en contrepartie de ses consommations des ressources naturelles. En effet, depuis la création des agences de l’eau, les irrigants bénéficient d’un prix d’ami qui n’incite pas vraiment à la sobriété. Jugez-en : alors que l’irrigation représente en France près de la moitié des consommations nettes en eau (c’est-à-dire la différence entre le volume d’eau prélevé dans le milieu naturel et ce qui lui est rendu), les agriculteurs ne payent selon les régions qu’entre 2 % et 15 % des budgets des agences. En revanche, pour une production d’eau potable qui ne représente qu’un quart des consommations, les consommateurs financent entre 51 % et 67 % des budgets. Cherchez l’erreur…

Sous la pression unanime des ONG, des collectivités territoriales, mais aussi de la Cour des Comptes, le Gouvernement avait fini par inscrire au projet de loi de finances 2024 une augmentation, pourtant légère, des redevances payées par l’agriculture : 10 millions d’euros pour les irrigants et 37 millions pour les utilisateurs de pesticides. Sans même attendre la transmission du projet de loi au Parlement, il aura suffi d’une rencontre en tête à tête entre la FNSEA et Elisabeth Borne pour que ces maigres avancées soient retirées du projet de loi. Outre le déni flagrant de démocratie, je ne peux que dénoncer cet arbitrage irresponsable qui envoie un bien mauvais signal à la profession agricole : alors que le changement climatique réduit dramatiquement les approvisionnements en eau, l’agriculture intensive peut impunément continuer à gaspiller cette précieuse ressource !

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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