Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
De nouveau, la Haute Autorité de Santé (HAS) est accusée, à tort, de priver l’accès des patients français à l’innovation thérapeutique. Après les immunothérapies ou les traitements CAR-T (thérapies géniques) dans le cancer, cette fois, c’est pour un traitement de la maladie de Charcot (sclérose latérale amyotrophique) qu’elle est sur le banc des accusés.
Ce traitement, c’est le Qalsody® (nom de marque) ou Tofersen (nom de la substance active), commercialisé par le laboratoire Biogen. Le laboratoire demandait un accès précoce et accéléré au marché français, et donc aux personnes malades. Cet accès n’a pas été accordé par l’autorité sanitaire. De là, une accusation est portée contre l’institution : celle de priver les patients de traitements qui pourraient prolonger la vie. Une pétition demande au Président de la République d’intervenir, bien que cela ne soit pas de son ressort.
Mais alors, pourquoi ce traitement n’a pas reçu d’accès précoce en France ? C’est tout simplement parce que les essais cliniques ne permettent pas de démontrer qu’il est efficace. La HAS montre, à partir de l’analyse des résultats des essais, qu’il n’y a pas de différence clinique significative entre ce traitement et l’usage d’un placebo. Elle précise dans un communiqué : « Les résultats de l’analyse principale de l’étude clinique de phase III n’ont pas mis en évidence de différence statistiquement significative entre le tofersen et le placebo sur l’état clinique des patients après 28 semaines de traitement. Par ailleurs, les données de l’étude du laboratoire Biogen n’étaient pas suffisamment robustes concernant une possible évolution favorable d’un marqueur biologique (dosage des neurofilaments). »
Par contre, ce traitement est de manière certaine porteur de toxicités et d’effets indésirables.
Une première toxicité est clinique : des effets indésirables, dont certains graves, ont été observés et documentés dans les essais.
Une seconde toxicité est financière. Alors que la plus-value thérapeutique n’est pas démontrée, ce médicament est très cher : 14 230 $ la dose aux États-Unis, sachant que le protocole s’articule autour de trois doses initiales, suivies d’une nouvelle dose par mois. La facture serait donc salée, et les sommes engagées ne seraient pas réinvesties ailleurs dans notre système de santé, notamment dans la prise en charge des patients, de leur qualité de vie, ou de la fin de vie dans de bonnes conditions.
Enfin, il y a des effets indésirables ou des toxicités sociales et politiques qui dépassent ce traitement. D’abord, en laissant croire que la Haute Autorité de Santé prive des patients français d’un produit révolutionnaire de manière arbitraire, ces communications produisent et entretiennent un populisme sanitaire et pharmaceutique dangereux. Comment faire confiance et consentir aux cotisations dans un système de santé qui ne nous donnerait pas accès à l’innovation thérapeutique ? Alors que justement, en refusant certains traitements, faute de preuve, c’est la défense de l’accès à l’innovation thérapeutique réelle qui est promue. D’autre part, et de manière liée, le discours de l’espoir, voire de la guérison ou de vie avec la maladie, avancé par rapport à ce médicament, mais aussi concernant tant d’autres qui arrivent sur les marchés aujourd’hui avec des niveaux de preuve faibles, est un discours qui est dangereux pour les personnes, leurs familles et leurs proches. L’espoir, hélas, n’a pas de valeur thérapeutique, au-delà de l’effet placebo, qui est indéniable, mais pas suffisant.
Il est évidemment délicat de se prononcer sur un tel sujet, qui touche à des aspects profondément humains. L’UFC-Que Choisir défend l’accès à des soins de qualité, sûrs et durables, dans un système de santé pérenne, il était donc nécessaire de rétablir certaines vérités et informer pleinement les consommateurs et usagers du système de santé dans le cadre de cette malheureuse polémique.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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