Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Décidément, la réautorisation du glyphosate est un bien triste feuilleton. Récemment réautorisé pour 10 ans malgré l'opposition de nombreux toxicologues et de la société civile, voilà que, grâce à une action juridique du Monde, un rapport fantôme de l’Anses sur les tests de génotoxicité de l'herbicide, vieux de 8 ans et jamais sorti, est exhumé...
Les experts de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) avaient travaillé sur la question des tests, mais ce rapport, adressé aux instances de l'agence, est resté sans la moindre suite et n'avait jamais été publié. Pourtant, les conclusions de ce rapport sont loin d'être anodines.
En effet, les experts de l'Anses soulignaient les fortes limites des tests actuels de génotoxicité censés mesurer les dommages potentiels sur l'ADN. Selon ces derniers, il est indispensable de réaliser d'autres tests supplémentaires pour apprécier de manière plus fiable la génotoxicité du glyphosate : 2 tests in vitro et un test « des comètes » in vivo. Or, les tests européens sur la base desquelles l'autorisation européenne a été donnée s'arrêtent aux tests in vitro...
Il y a clairement un problème de forme et de fond. De forme d'abord, dans la mesure où, pour la première fois (à notre connaissance) le travail des experts de l'Anses reste purement et simplement sans suite, l'instance ne rejetant, ni n'endossant les conclusions, se contentant d'enterrer le dossier. Pourquoi ? La réponse apportée avance que le travail a été repris par les agences européennes, mais cette justification ne saurait convaincre dès lors que la base de travail n'est aucunement la même... Et c'est bien là le problème de fond : si la génotoxicité du glyphosate doit s'apprécier avec une batterie de tests, notamment ceux des comètes in vivo, pourquoi donc s'arrêter aux seuls tests in vitro pour appuyer la réautorisation ?
Il est certain que ce document ne manquera pas de faire parler. S'il y a peu de chances que les autorités revoient d'elles-mêmes la copie, en suspendant la réautorisation et en relançant de nouveaux tests exhaustifs comme la sagesse les y inviterait pourtant, celui-ci sera sans doute présenté dans le cadre des recours annoncés contre la décision de la Commission européenne de réautoriser pour 10 ans le glyphosate.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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