BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Fibre optiqueLe gouvernement abandonne-t-il son ambition ?

Le Plan France Très Haut Débit (PFTHD), lancé en 2013, avait pour objectif que tous les Français aient accès à une connexion Internet en fibre optique d’ici fin 2025. Cet objectif ambitieux a entraîné des efforts remarquables pour déployer cette technologie, qui offre des débits plus élevés que l’ADSL, ainsi qu’une meilleure qualité et stabilité d’accès à Internet. Aujourd’hui, plus de quatre Français sur cinq y sont théoriquement raccordables.

Cependant, être théoriquement raccordable ne signifie pas toujours pouvoir être effectivement raccordé. Dans une étude publiée il y a un peu plus d’un an, l’UFC-Que Choisir a révélé la situation déplorable des consommateurs demandant un raccordement à la fibre : malfaçons techniques, débranchements sauvages, rendez-vous non honorés, dégradations du bâti… Les problèmes constatés sont multiples et touchent des dizaines de milliers de consommateurs.

Un an plus tard, il est évident que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour remédier à cette situation. Pire encore, il semble saboter délibérément tout effort visant à garantir l’atteinte de ses propres objectifs.

L’année 2023 s’annonçait pourtant encourageante, avec l’annonce de Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué chargé du numérique, de la création d’un droit au très haut débit. Cependant, cette initiative n’a jamais vu le jour.

Au Sénat, une proposition de loi prometteuse a été déposée, proposant des droits concrets aux consommateurs, comme le droit d’obtenir des indemnités ou de résilier sans frais en cas de raccordement échoué. Bien qu’adopté à l’unanimité au Sénat en mai 2023, ce texte n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Pendant ce temps, les pouvoirs publics ont négocié avec les opérateurs des engagements pour améliorer la qualité des raccordements. Un bon signe, pensez-vous ? Pas vraiment, car les opérateurs avaient déjà pris des engagements similaires en 2020, en 2021, et en 2022, sans que cela n’ait jamais amélioré la situation. Comment s’en étonner puisque ces engagements étaient non contraignants ?

Même s’il faut reconnaître que les opérateurs font parfois des efforts en reprenant les infrastructures les plus dégradées, on ne peut pas dire que la situation se soit améliorée de manière significative. En effet, le nombre de litiges liés au raccordement à la fibre, signalés à l’UFC-Que Choisir, a augmenté de pas moins de 64 % en 2023 par rapport à l’année précédente ! La fibre était également en tête des litiges signalés au Médiateur des communications électroniques ainsi que des alertes reçues par l’Arcep en 2023.

Si l’échec d’une importante partie des raccordements ne suffisait pas, le rythme de déploiement pour rendre les logements éligibles à la fibre ralentit de manière alarmante. Dans certaines zones, le déploiement stagne sans que la couverture complète soit atteinte.

Au lieu d’agir contre cette tendance menaçant le PFTHD, le gouvernement l’aggrave. D’abord, comme je l’ai déjà souligné, il a conclu un accord douteux avec Orange qui réduit les objectifs de couverture dans les zones où l’opérateur s’était engagé à déployer la fibre pour 100 % des logements. Ensuite, il a réduit de plus de 150 millions d’euros le budget de l’État destiné au déploiement de la fibre.

Le gouvernement a-t-il perdu ses ambitions de garantir à chaque Français l’accès à la fibre d’ici fin 2025 ? J’espère sincèrement que non, et je l’appelle à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les consommateurs puissent pleinement bénéficier de cette technologie, en commençant par la création d’un droit opposable à un très haut débit de qualité.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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