Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
En novembre 2023, une étrange bannière s’affichait sur Facebook et Instagram, deux réseaux sociaux utilisés par 40 millions de Français. Meta, leur maison mère, demandait aux utilisateurs de souscrire un abonnement pouvant atteindre 20,99 euros par mois pour échapper à son pistage publicitaire. Un an plus tard, les consommateurs se retrouvent de nouveau confrontés à un message similaire, avec une nouveauté : en plus de choisir entre s’abonner pour éviter la publicité ou accepter le pistage et les publicités ciblées, ils peuvent désormais opter pour des « publicités moins personnalisées ». Cette prétendue avancée n’est pourtant qu’un artifice.
Le modèle « consentir ou payer » de Meta avait déjà suscité une vive indignation en 2023, car il enfreint potentiellement pas moins de trois lois européennes : la directive sur les pratiques commerciales déloyales (DPCD), le règlement sur la protection des données personnelles (RGPD) et le règlement sur les marchés numériques (DMA). L’UFC-Que Choisir, en concertation avec ses homologues européens, avait alors déposé deux plaintes contre Meta, déclenchant plusieurs enquêtes (toujours en cours) des régulateurs européens.
Face à cette pression juridique, on aurait pu espérer que Meta prenne enfin la mesure de ses responsabilités et propose des solutions respectueuses des droits des consommateurs. Mais il n’en est rien. Comme l'a révélé une analyse publiée aujourd’hui par notre fédération européenne, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), les modifications annoncées par Meta sont essentiellement cosmétiques et ne répondent en rien aux critiques.
En effet, le RGPD ne reconnaît pas la notion de traitement de données « moins personnalisé ». Au contraire, il consacre le principe de minimisation des données, qui impose de limiter la collecte aux informations nécessaires pour fournir le service, en l’occurrence l’accès à Facebook et Instagram. Or, avec l’option « moins personnalisée », Meta continue d’afficher des publicités ciblées en exploitant le nom, le genre, la géolocalisation, ainsi que l’intégralité de l’historique d’activités de l’utilisateur sur Facebook, Instagram et les autres services du groupe. Difficile de considérer que ce traitement soit strictement nécessaire.
Du côté du DMA, bien que le concept d’une version « moins personnalisée » d’un service figure dans le texte, celui-ci exige également que cette version ne soit pas dégradée. Pourtant, les utilisateurs de cette nouvelle option découvriront rapidement les « pauses publicitaires » : des interruptions intempestives de leur navigation sur Facebook et Instagram, les obligeant à visionner des publicités pendant plusieurs secondes avant de pouvoir les fermer. Puisque cette contrainte n’existe pas dans les autres versions des applications, il est clair que l’offre « moins personnalisée » est volontairement dégradée.
Quant à la directive sur les pratiques commerciales déloyales, Meta a certes atténué certaines pratiques agressives, comme l’exigence d’un choix immédiat sans laisser aux consommateurs le temps de réfléchir. Cependant, son offre reste trompeuse quant au traitement des données personnelles de ses utilisateurs.
Un an après le dépôt de notre première plainte, Meta persiste à bafouer le droit des consommateurs au respect de leur vie privée. L’entreprise semble surtout chercher à embrouiller les régulateurs pour ralentir les enquêtes en cours. J’en appelle aux autorités compétentes : il est urgent de ne pas se laisser duper par ces artifices et d’accélérer les procédures pour obliger Meta à enfin se conformer à la loi.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
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