
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
Déjà largement malmenés par les compagnies aériennes au moment de la pandémie de Covid-19, les droits des passagers aériens pourraient maintenant être rognés par les autorités européennes elles-mêmes. En effet, l’Europe a décidé de relancer la révision du règlement européen 261/2004, sur la base duquel la Cour de justice de l’Union européenne avait pu étoffer une jurisprudence favorable aux droits des passagers. Si l’objectif d’assurer une application efficace et cohérente des droits des passagers est louable, la proposition de révision comprend néanmoins, sous l’influence du lobby des compagnies aériennes, une série de reculades majeures parfaitement inacceptables…
À commencer par le seuil de déclenchement de l’indemnisation en cas de retard qui passerait de 3 à 5 heures pour les vols dans l’espace européen… Soit près du double ! Si l’on se réfère aux dernières statistiques publiées par la Commission européenne soulignant que l’extrême majorité des retards est comprise entre 2 et 4 heures, autant dire que la révision entend faire sortir du radar de l’indemnisation l’immense majorité des passagers confrontés à un retard d’avion. De même, sur le droit à assistance en cas de problèmes, la Commission entend limiter à 3 jours la prise en charge de l’hébergement du voyageur et le montant est fixé à 100 euros par nuitée par passager alors qu’actuellement l’assistance est illimitée. Or, l’ampleur des désordres liés à l’éruption du volcan Eyjafjallajökull qui avait paralysé le ciel européen est un parfait exemple du fait que la limitation du droit d’assistance est déconnectée de la réalité des désagréments subis par les passagers. Comme si cela ne suffisait pas, la Commission entend rogner aussi sur les délais pour que le passager formule sa réclamation, le faisant passer de 5 ans à 3 mois.
Ces régressions ont malheureusement un amer goût de déjà-vu, puisqu’elles étaient comprises dans la proposition de 2013 qui était pendant de longues années restée dans les tiroirs… Alors que la Cour de justice de l’Union européenne a entendu sacraliser les droits des passagers en cas de retard, annulation, surbooking en soulignant et en insistant sur les désordres engendrés et subis par les passagers, les autres autorités européennes ne semblent pas, elles, prendre la mesure des problèmes rencontrés et paraissent plus attentives aux discours des compagnies aériennes que des représentants de consommateurs. Sur la base de l’ampleur des plaintes des passagers aériens confrontés aux retards, annulations et surréservations, l’UFC-Que Choisir, avec le BEUC, entend batailler pour que le Législateur européen sauvegarde les acquis de la législation et de la jurisprudence européenne passée, et fasse débarquer ces régressions. Je n’ai d’ailleurs pas manqué d’interpeller le ministre des Transports à ce sujet.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l'UFC-Que Choisir
La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir
Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus